Jean Devun, animateur réseaux d’élevage : « Chaque acte de production est rémunérateur »

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« A l’issue d’une étude portant sur l’analyse des données commerciales sur les sept dernières années, nous avons souhaité fournir aux éleveurs des repères pour mesurer l’efficacité économique des différents actes de production. Par exemple finir un tiers de broutards en bœufs est comparable à une augmentation des vêlages hors primes de 12-13%. »

Nathalie Petit (NP), web-agri.fr : Vous êtes en train de finaliser la synthèse d’une étude qui a permis de mesurer l’efficacité économique des actes de production en élevages allaitants naisseurs charolais et réalisée sur les 7 dernières années.  Face au choix de finir des animaux ou de faire des vêlages supplémentaires, avez vous observé des conséquences significatives sur les résultats économiques ?
Jean Devun (JD), chef de projet à l’Institut de l’élevage, réseaux bovins viande charolais Auvergne Bourgogne Centre :
Dans la conjoncture actuelle, il y en a clairement certains éleveurs qui ont calé leur nombre de vêlages sur la référence Pmtva (Primes au maintien du troupeau de vaches allaitantes) et qui ont joué la carte de la finition. D’autres ont plutôt opté pour l’augmentation du nombre de vêlages et un certain nombre d’éleveurs font plus de vêlages que ceux soumis à la Pmtva. Notre étude démontre clairement que les deux voies se justifient économiquement.


Au delà d’un certain poids, l'alourdissement n'est pas toujours gagnant. (© Web-agri)

Nous avons souhaité dans cette étude pouvoir fournir des repères à l’échelle du troupeau pour disposer d’ordres de grandeur. Ainsi, finir les ¾ des génisses de réforme (dans un élevage qui conserve ¼ des génisses pour le renouvellement) revient environ à 15% de vêlages supplémentaires. La finition d’un 1/3 de broutards repoussés en bœufs est à peu près équivalente à 12-13% de vêlages supplémentaires. Et finir des jeunes bovins à partir de broutards de 420-430 kg peut correspondre à 11-12% de vêlages supplémentaires. Le rapport est plus beaucoup faible pour la repousse, de l’ordre de 5%. Finalement, Il y a des éleveurs confortés dans les choix qu’ils ont réalisés. Certains pensent que ça vaut le coup de finir des broutards en jeunes bovins, et d’autres préfèrent faire vêler dix vaches de plus.

NP : La repousse des mâles et des femelles maigres est-elle un acte rémunérateur économiquement pour les éleveurs naisseurs ?
JD :
Chaque acte de production génère un résultat économique et il y a un intérêt financier à pratiquer la repousse.  Mais l’alourdissement des mâles ne délivre pas le même résultat toutes les années. Cela dépend beaucoup de l’évolution de la conjoncture pendant cette période. Par ailleurs, alourdir des broutards de 360 kg au-delà de 420 kg est relativement aléatoire. En dessous, c’est intéressant, à condition de réaliser des ventes avant la fin octobre. On peut dire que cette option est particulièrement adaptée dans le contexte d’un alourdissement d’automne sur des vêlages relativement précoces, dans un système de vêlages plutôt traditionnel avec des veaux pas trop complémentés sous la mère. Quand les broutards repoussés sont vendus au premier trimestre de l’année suivante, on peut aller jusqu’à 450 kg. Je précise que notre étude s’est appuyée sur des itinéraires techniques normaux en race charolaise et des prix de vente constatés. Au niveau du bassin charolais, depuis les années 1997-98, nous rassemblons les données commerciales de tous les groupements de producteurs, les marchés au cadran et certaines associations. Cette année, 450.000 données commerciales ont été récoltées.

 NP : Quelles sont vos conclusions concernant la finition des génisses, des vaches, des bœufs ou des jeunes bovins ?
JD :
La finition est un acte de production toujours rémunérateur. Notre travail à a clairement mis en évidence les effets des deux crises que l’on a connues Esb et fièvre aphteuse. Pour autant, le résultat de la finition des bœufs par exemple a été relativement constant sur les 7 dernières années. Et ce, malgré le fait que les bœufs étaient vendus à un prix relativement bas, tel que 18F le kg de carcasse. En cette période de crise, si l’éleveur avait opté pour le choix de commercialiser les animaux en broutards, le prix de vente n’était que de 10F le kg de poids vif. Finalement, globalement, l’écart entre le prix de kilo vif des animaux maigres et le prix du kilo de carcasse plus les aides Pac ramené au kilo de carcasse a été relativement constant. Les répercussions les plus sensibles se sont opérées sur la finition des génisses.

NP : Quelles conclusions de cette étude vous apportent finalement une confirmation forte que vous avez pu vérifié et à l’inverse, quel résultat vous a davantage surpris ?
JD :
Cette étude nous a confirmé que tous les actes de production dégagent un résultat économique. L’intérêt est alors de pouvoir les adapter au mieux en fonction du potentiel de l’exploitation. Les reports entre les différents actes de production n’ont pas été bouleversés sur cette période là. Nous avons été plus surpris de relativiser l’intérêt de l’alourdissement du maigre. Au delà d’un certain poids, ce n’est pas gagnant dans tous les coups. En période de conjoncture ascendante, c’est toujours gagnant. En période de conjoncture descendante, on peut ne pas gagner d’argent à alourdir du maigre.

NP : Pouvez vous fournir des éléments permettant aux éleveurs de choisir économiquement entre vêlage supplémentaire et finition des génisses par exemple ?
JD :
Quand on applique les données découplage, un vêlage sans Pmtva génère environ 25% de résultat en moins. Et en zone charolaise, un vêlage supplémentaire peut générer d’autres aides Pac (Primes spéciales aux bovins mâles, complément extensif,..) Pour donner à ce qui reste un ordre de grandeur, on peut considérer un résultat de 500 € par vêlage supplémentaire. Par comparaison, la finition des génisses génère une perte un peu supérieure à 25%. Nous pourrions être tenté de croire que finir des génisses est plus pénalisant que faire des vêlages sans primes. Mais là encore, cela va fortement dépendre de l’écart entre le prix vif et le prix carcasse. Ces dernières années, l’écart entre le prix du kilo de carcasse par rapport au vif à eu tendance à se réduire au fil du temps mais que cela va-t-il donner dans les années à venir ? On ne le sait pas.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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