Une perte inévitable de revenus !

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S'il permet une augmentation de la productivité des vaches laitières, le passage aux rations sèches s'accompagne d'une perte de revenus significative, faisant chuter l'excédent brut d'exploitation de 30 et jusqu'à plus de 100€ pour 1.000 litres de lait.

Sans parti pris, les réseaux d'élevage de l'Est de la France, en collaboration avec les chambres d'agriculture, ont conduit une étude globale pour évaluer l'intérêt des rations sèches dans les systèmes de production laitière. Et le résultat est sans appel. Quel que soit le système de départ, à dominante herbagère ou ensilage de maïs, les pertes sur l'Ebe (Excédent brut d'exploitation) sont loin d'être négligeables.
Les charges imposées par l'achat des concentrés ne sont jamais compensées ni par l'augmentation de la production laitière, ni par la vente des cultures libérées par les surfaces, ni par les revenus supplémentaires de la viande. La perte de l'Ebe, par l'adoptation des rations sèches, varie de 30 à 104€ pour 1.000 litres de lait selon les situations plus ou moins favorables. Finalement, la ration sèche apparaît comme une aberration économique.


Les charges imposées par l'achat des concentrés ne sont jamais compensées (© Web-agri)
« Au plan purement technique, les rations concentrés fonctionnent très bien », explique Daniel Coueffe, technicien spécialisé en production laitière à la Chambre d'agriculture de Haute Marne et collaborateur de l'étude publiée en juillet dernier. « La vache est toujours alimentée au maximum de son potentiel et peut donc exprimer toute sa  capacité maximale de production laitière. Certains éleveurs ont pu être sensibles à cette augmentation de la productivité par vache. Mais nous n'avons pas été surpris des résultats économiques que nous avons mis en évidence. Le fourrage reste l'aliment par excellence pour diminuer les coûts de production. »

Pas de rentabilité même dans un système intensif maïs de départ

L'originalité de l'étude des réseaux d'élevage a été d'adopter une vision et une approche globale de l'exploitation par le passage à la ration sèche : conséquences sur l'utilisation des surfaces, sur le temps de travail, l'assolement, l'effectif des animaux, autant de postes profondément modifiés par l'adoptation des rations sèches. Tout est effectivement à prendre en compte. Ainsi, par exemple, le coût alimentaire des vaches taries va augmenter. « Pour des questions de transition alimentaire, la valorisation du pâturage devient difficile : sinon, sur les deux mois de tarissement, il faut trois semaines de transition pour les mettre à l'herbe et trois semaines pour les réhabituer à la ration sèche. Finalement, les vaches taries reçoivent la moitié de la ration en concentrés. Le coût alimentaire des génisses qui entrent dans le troupeau s'accroît lui aussi. » Plusieurs simulations ont à été réalisées pour évaluer l'intérêt de cette distribution de concentrés auprès des différents systèmes alimentaires : zéro pâturage, pâturage estival et ensilage l'hiver, 100% herbager,... avec pour base un prix du concentré à 200€ la tonne. Si les spécialistes se doutaient que l'exploitation totalement herbagère serait la plus pénalisée au niveau économique, il apparaît que, même pour un système 100% maïs, « le coût du concentré est tel que la vente des cultures réalisées sur les surfaces libérées ne compense pas le coût financier de l'aliment », révèle Daniel Coueffe « Ce sont les éleveurs qui distribuent des rations à base de maïs toute l'année qui sont potentiellement les plus intéressés, il faudrait alors que le coût du concentré baisse très fortement pour que cette option soit rentable ». C'est pourtant ce système qui est le moins perdant au passage à la ration sèche. « Peu d'éleveurs, pourtant, ont franchi le pas, pour des questions de trésorerie. Si l'éleveur est confronté à un problème de trésorerie, il sait qu'il lui faudra tenir encore une campagne pour pouvoir repasser à l'ancien système maïs ensilage. »

Déplacement de l'astreinte

Certains éleveurs sont tentés d'adopter la ration sèche dans le but d'alléger l'astreinte de travail journalière. « S'il est vrai que l'astreinte quotidienne vis à vis du silo disparaît (gestion du front d'attaque et distribution du maïs), le temps de travail doit être analysé dans sa globalité », souligne Daniel Coueffe. D'autres paramètres entrent en jeu, tel le temps consacré aux cultures. «Il ne faut pas non plus négliger le travail supplémentaire en stabulation, nécessité par le maintien des vaches dans les bâtiments 365 jours sur 365. Il y a probablement dans les faits plus un déplacement de l'astreinte que sa levée véritable », pointe le conseiller. « Quant au travail imposé par le chantier lui-même de récolte d'ensilage, l'exploitation est encore financièrement gagnante à faire intervenir un entrepreneur de travaux agricoles. »

Un frein sur les projets rations sèches

D'autant que vient se greffer une question importante : que fait on des surfaces libérées ? Les exploitations laitières qui ont un atelier allaitant vont augmenter leur nombre de vaches à viande et accroître le travail à consacrer au cheptel viande. Mais les surfaces à faucher vont augmenter, avec un supplément de travail en période estivale, intervenant dans la balance globale de la main d'oeuvre. Finalement, si l'allègement du temps de travail est la motivation essentielle de l'éleveur, le recours au salariat à temps partiel n'est pas plus lourd financièrement que le passage à la ration sèche, même dans les systèmes les plus favorables.
Par ailleurs, un éleveur qui souhaite se lancer dans la ration sèche a tout intérêt à prendre en compte l'ensemble des répercussions de ce système, y compris dans une logique d'investissements à long terme. « La trésorerie cumulée exigée par le système rations sèches permet largement à l'éleveur de réinvestir dans un silo, une mélangeuse ou la mise aux normes. »
Entre aussi en question le débat sur l'effet matières grasses. «Le passage à la ration concentré va faire chuter en moyenne le taux butyreux de 4 à 5g. L'éleveur produira du quota en plus, mais ce lait qui coûte cher à produire sera moins bien rémunéré (moindre qualité). Alors qu'en ration fourragère, un éleveur est toujours gagnant à faire un peu plus de lait. »
« Dans notre département, je constate que les projets de rations sèches ont été freinés »,
témoigne Daniel Coueffe. « La logique du raisonnable l'emporte, à savoir que le concentré n'a jamais coûté moins cher que produire du fourrage. Aujourd'hui, chez nous, les systèmes laitiers qui s'en sortent le mieux sont des exploitations qui valorisent le foin et les céréales produites sur la ferme et autoconsommées. »
D'après les simulations effectuées par les réseaux d'élevage, la diminution du temps de travail sur l'exploitation reste limitée mais la baisse de revenus induite par le passage aux rations sèches apparaît comme relativement importante. « A titre d'exemple, en situation favorable,  la baisse d'Ebe correspond à 30€ pour 1000 litres, soit 9 000 € pour un quota de 300.000 l de lait. Cela correspond à l'annuité d'un emprunt de 73.000 € sur 12 ans ou à la charge pour rémunérer un tiers de salarié. »

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,14 €/kg net +0,04
Vaches, charolaises, R= France 6,99 €/kg net +0,05
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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