Dans les élevages, il n’est pas si rare que des courants parasites perturbent les animaux. Dans certains cas, une mortalité des veaux a pu être résolue par l’assainissement électrique des bâtiments.
« Les phénomènes électriques en élevage sont bien une réalité », affirme le professeur Henri Brugère, de l’unité de Physiologie-Thérapeutique à l’Ecole nationale vétérinaire de Maisons Alfort (*). La généralisation de l’utilisation de l’électricité dans les élevages a vu apparaître une implication croissante ces deux dernières décennies des phénomènes électriques dans la santé ou les baisses de performances animales. Le professeur explique que les phénomènes les plus fréquents dans les exploitations agricoles sont les « courants parasites » qui peuvent parcourir l’organisme des animaux dans leurs conditions habituelles d’entretien ou les tensions anormales avec lesquelles ils peuvent entrer en contact. «Longtemps sous estimés, ils sont finalement assez fréquents dans les exploitations.»
![]() Représentation schématique des domaines de courant dans lesquels des effets nocifs peuvent être obtenus. Une zone d'incertitude sépare le domaine dans lequel il n'est pas observé d'effets sur les productions de celui où l'on peut trouver des effets pathologiques. (Source «Phénomènes électriques et magnétiques en élevage : mythe ou réalité ?», Professeur Henri Brugère, Unité de Physiologie-Thérapeutique, Ecole nationale vétérinaire d'Alfort, Journées nationales des Groupements techniques vétérinaires, mai 2006.) |
Développement de maladies parfois jusqu’à la mortalité
Les conséquences peuvent aller de quelques désagréments qui passeront inaperçus aux baisses de performances, au développement de maladies et jusqu’à la mortalité. Il arrive en effet que des cas pathologiques soient attribués aux phénomènes électriques. A l’image de ce cet exemple exposé par François Gallouin, président du Gpse (Groupe permanent sur la sécurité électrique) et professeur à l'Institut national agronomique de Paris Grignon. « Nous avons eu à traiter le cas d’un éleveur dont le taux de mortalité des veaux était très élevé dans son étable située sous des lignes électriques alors que ses veaux se portaient très bien dans un autre bâtiment de sa même exploitation. Nous avons mesuré des courants parasites de plusieurs volts au niveau du sol dans l’étable concernée. Sur terre battue, elle était installée sur un sol granitique avec en sous sol des sources et au dessus des ferrailles installées sous la terre. Nous avons alors réalisé l’expérience suivante : nous avons pratiqué une équipotentialité dans le sol sur la moitié de l’étable. Tous les problèmes ont été instantanément réglés et ce, même du côté de l’étable qui n’avait pas été modifié. Tous les courants parasites ayant été drainés, le problème a pu être résolu. »
Gpse Le Groupe permanent de sécurité électrique (Gpse) a été créé en 1999 par le Ministère de l’agriculture et Edf (Electricité de France) afin d’améliorer la sécurité électrique dans les exploitations agricoles. Le groupe a été missionné pour avancer dans la connaissance scientifique des problèmes relatifs à l'électricité dans les élevages, en assurer la diffusion auprès de la profession agricole et étudier les cas litigieux entre agriculteurs et Edf afin de les éviter. De ces études, le Gpse a proposé une méthodologie pour aborder les phénomènes électriques en élevage, ces cas devant être traités simultanément sous les aspects électriques, zootechniques, et pathologiques. Le 20 février dernier, un nouveau protocole d'accord a renouvelé pour trois ans le mandat du Gpse. «Il semble en effet opportun aux membres du groupe de poursuivre les travaux et expérimentations», souligne François Gallouin, professeur à l’Institut national agronomique Paris Grignon et président du Groupe. |
Ce cas n'est pas isolé et dans de nombreuses situations, le travail du Gpse a permis de fournir une méthodologie d'analyse qui fait aujourd'hui référence. Car le phénomène est souvent compliqué et le caractère non spécifique des symptômes ne permet pas d'écarter des causes zootechniques ou vétérinaires.
De très faibles valeurs de tensions suffisent
Le bovin est un animal extrêmement sensible au courant électrique, « peut-être plus encore que l’homme », souligne le professeur Henri Brugère, car il n'a ni vêtements ni chaussures qui peuvent en partie protéger. « De très faibles valeurs de tensions suffisent à perturber l’état de santé d’un animal. »
« Ces tensions parasites se situent dans la gamme allant de quelques volts à 10 volts. Leurs causes peuvent être très diverses et nombreuses : défauts de câblage, absence (ou défaut du disjoncteur différentiel), défauts de raccordement à la terre,… », développe le professeur. « Des phénomènes de courants de fuite peuvent également survenir entre une ligne électrique et une clôture par exemple», présente François Gallouin. « Dans ce cas de figure, la parade est facile, il suffit de mettre la clôture à la terre.» Il peut arriver que les lignes de transport et de distribution d'électricité puissent être à l'origine de courants et tensions parasites dans des installations ou des bâtiments avoisinants. D'autres points sensibles sont les abreuvoirs, armatures, auges, piliers,... ces masses métalliques qui peuvent faire subir aux animaux de faibles tensions. Pour les vaches laitières, précise Henri Brugère, « les causes les plus fréquentes d’électrisation sont soit dans la stabulation, soit dans la salle de traite». Les conséquences peuvent se traduire par des baisses de performances laitières intermittentes ou une traite incomplète ou inégale selon les quartiers. Cela peut également se manifester par une réduction de la vitesse d’écoulement du lait, le temps de traite peut être allongé jusqu’à plus 25%. Et de cette rétention va s’en suivre un accroissement des cellules somatiques, avec ou sans mammites et l’accroissement des mammites cliniques.
« Mesurer l'intensité qui traverse l'animal »
Les facteurs électriques sont difficiles à isoler des facteurs sanitaires ou zootechniques. Ils nécessitent également une investigation qui requiert un travail spécialisé. « La détection d'une tension, même un peu élevée sur une partie métallique (abreuvoir) ne signifie pas pour autant qu'elle soit responsable de la pathologie», prévient Henri Brugère. « Il faut en réalité mesurer l'intensité qui traverse l'animal et qui peut se révéler infime. En revanche, de vrais facteurs nocifs peuvent être transitoires (exemples de surtensions se produisant au démarrage d'un moteur).»
« La prévention passe par le respect des règles de sécurité dans les installations électriques et par l'obtention dans l'élevage de l'équipotentialité des masses métalliques et des équipements avec lesquels les animaux peuvent être en contact», résume le professeur. «En cas de problème pathologique, deux intervenants, le vétérinaire et l'électricien, peuvent apporter des solutions.»
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