La maîtrise du taux de réforme peut générer 6.000 € d’économie

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En Haute-Marne, la production par vache ramenée au jour de vie n’atteint pas les 10 kg de lait, pointant du doigt la faible productivité des cheptels laitiers. Rarement abordée, la longévité des vaches laitières, facteur clé de la rentabilité des élevages, mérite d’être sérieusement revisitée.


Un objectif raisonné du renouvellement serait de 25 à 30 % ou 4 à 5 génisses pour 100.000 litres de lait produits (© Web-agri)
 « Il y a urgence à se préoccuper de la longévité des troupeaux laitiers », lance en cri d’alarme Philippe Gillet, ingénieur au contrôle laitier de la Haute-Marne (*). « Car au train où vont les choses, il ne va plus s’agir tant d’assurer la longévité que la survie. » Une alerte sérieuse fut récemment donnée par les États unis où une étude récente de G. Rogers précise que la mortalité des vaches est devenue la première cause de réforme. « Certes en France, nous sommes loin de ces tendances mais les taux obtenus sont en progression inquiétante, passant d’une vache morte sur 30 contre une sur 50. Il y a tout lieu en France d’intégrer la longévité dans la stratégie de renouvellement, réalisée à ce jour par 3% des éleveurs seulement. » Philippe Gillet estime qu’il est nécessaire de s’ouvrir à une autre vision de la réalité, comme la productivité du cheptel exprimée en « lait moyen quotidien (Lmq) ». Il en va de la rentabilité des élevages laitiers.

Pour un troupeau de 50 vaches 9 lactations de perdues...


Évolution du nombre de lactations par vache de 1995 à 2003 (toutes races confondues) (© DR)

En moyenne, les vaches laitières réalisent 2,5 lactations, alors qu‘il en faudrait au moins trois pour que les vaches expriment tout leur potentiel productif. Ce résultat est le fruit d’une enquête menée par le contrôle laitier de la Haute-Marne auprès de 9.000 vaches réformées entre le 1er avril 2003 et le 21 mars 2004. Ce chiffre a connu une baisse constante ces dernières années. « Ainsi en dix ans, on est passé de 2,7 lactations à 2,5, ce qui est significatif », commente le spécialiste. « La baisse de 0,19 points représente pour un troupeau de 50 vaches 9 lactations de perdues, ce qui doit être compensée par l’élevage de 4 génisses supplémentaires. »

 

Nombre de lactations réalisées
1
2
3
4
5 et +
Nombre de vaches
2421
2038
1602
1330
1823
Lait produit
5590
13878
22005
30012
43653
Lait produit/ jour de vie
3,9
7,7
10,1
11,7
13,2
Vie productive/vie
25%
43%
53%
61%
69%



« Ce regard sur le lait produit par jour de vie est un chiffre plus sévère qui laisse un peu un goût amer. Une primipare réformée au cours de sa seule lactation ne produit que 3,9 kg par jour de vie. Cette valeur de 3,9 ne se situe même pas dans un niveau de production laitière charolais.», commente Philippe Gillet, ingénieur au contrôle laitier de Haute Marne (© DR)
« Si les vaches battent ponctuellement des records de quantité de lait sur une production, force est de constater que les carrières laitières sont souvent écourtées : sur dix génisses qui vêlent, seules cinq feront plus de deux lactations », souligne Philippe Gillet. « Seule une sur deux atteint donc l’âge adulte et accède à la pleine expression de sa production laitière. »  Quand on sait le coût de production d’une génisse, il y a fort à perdre pour l’éleveur dans cette sous utilisation du potentiel productif des animaux laitiers. « Je crains qu’il n’y ait eu un raccourci entre fort taux de renouvellement et accélération du progrès génétique », estime-t-il. « Une réforme plus subie que choisie limite le progrès génétique. Par ailleurs, lorsque le taux de renouvellement est augmenté, la pression de sélection sur la voie femelle est fortement diminuée, le progrès génétique ne vient plus que par la voie mâle. Les lactations étant écourtées, ce potentiel génétique ne trouve pas à s’exprimer. D’ailleurs », constate le spécialiste, « les performances des vaches réformées sont de même niveau (voire meilleures) que celles du troupeau. »
« D’un point de vue strictement économique, il faut 4 à 5 lactations pour amortir le coût d’élevage de la génisse laitière. » En dessous de ce rang, le poste d’élevage demeure déficitaire. Il est apparu de cette enquête menée par le contrôle laitier que beaucoup d’animaux passent plus de temps en phase d’élevage qu’en phase de production. En dessous de 3 lactations, le rapport vie productive/vie est inférieur à 50%. « Dans un contexte où la baisse des coûts de production est un passage obligé, une meilleure gestion de la conduite du troupeau doit se traduire par une accroissement de la durée de vie productive », analyse Philippe Gillet. « En moyenne, rajeunir de seulement un mois l’âge au vêlage, c’est déjà produire 500 kg de lait en plus sur la vie. »

Maintenir le taux de renouvellement sous les 30%

Impact économique de différents taux de réforme (troupeau de 50 VL)
Taux de réforme
% d’élevages de Haute Marne
Coût du renouvellement
Moins de 25%
26%
2 962 €
25 à 30 %
21%
5 431 €
30 à 35 %
19%
6 418 €
35 à 40 %
14%
7 410 €
Plus de 40 %
20%
8 887 €
Les résultats sans concession de cette étude mettent le doigt sur les marges de rentabilité existantes en élevage laitier et invitent à revoir des pratiques qui, par installation des habitudes, se sont éloignées de certains impératifs basiques tel que le rôle de la longévité des troupeaux dans la rentabilité de l’exploitation. Pour accroître cette rentabilité des vaches laitières, les stratégies d’âge au vêlage et de taux de renouvellement sont deux pistes essentielles. « Nous avons observé des taux de réforme élevés : 33% en moyenne sur les trois années et jusqu’à 35% en race Prim’Holstein », constate Philippe Gillet. La maîtrise du taux de réforme peut générer 6.000 € d’économie sur une exploitation laitière. En effet, près de 6.000 € séparent les élevages dont les taux de réforme sont maîtrisés et ceux dont le taux est supérieur à 40 %. « Dans tous les cas, la préconisation serait d’avoir un taux de renouvellement inférieur à 30%. Un objectif raisonné du renouvellement serait de 25 à 30 % ou 4 à 5 génisses pour 100.000 litres de lait produits », conseille Philippe Gillet, mettant en exergue les économies alors réalisées sur l’exploitation. D’autres évolutions sont également à envisager. Ainsi, le spécialiste propose une approche différente de la reproduction visant plus à garder l’animal en vie qu’à respecter les délais classiques de fécondité ? Et ne peut-on pas, dans le choix des reproducteurs, intégrer davantage les index fonctionnels dits secondaires ?
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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