Une des principales interrogations de terrain lorsque l’on aborde le thème de la saisonnalité de la production laitière concerne l’alimentation des animaux de l’exploitation. Les répercussions à ce niveau sont très variables selon la situation initiale (système herbager ou plutôt tout maïs) et le niveau d’intensification de la production laitière. La conduite de l’alimentation doit être remise à plat pour chaque catégorie d’animaux (veaux, génisses, vaches tarie ou vache en lactation).
Deux cas de figure se présentent : les exploitations où la part de pâturage est insignifiante et celles où le pâturage est prépondérant l’été.
Les premières disposent déjà du stock fourrager nécessaire pour assurer une alimentation régulière des vaches en début de lactation. De ce fait, concernant l’alimentation du troupeau de vaches laitières, peu de changements sont à prévoir.
En cas de pâturage exclusif, les vaches vêlant au printemps devront continuer à recevoir en été une alimentation à la hauteur de leurs besoins de début de lactation.
En cas de pâturage majoritaire voire exclusif au printemps, trois points à surveiller de près
- la part d’amidon dans la ration : l’augmenter avec du grain de maïs et des céréales, sans vouloir à tout prix atteindre 25 ou 30% d’amidon.
- la part de brins longs dans la ration : des acidoses sont possibles avec une ration herbe pâturée et des concentrés riches en amidon ; assurer une bonne rumination avec les moyens habituels, en choisissant ceux qui sont adaptés à la situation (foin, ensilage de céréales immatures, luzerne brin long, paille).
- la distribution de correcteur azoté doit être adaptée à la qualité et à la quantité d’azote présent dans la ration : ni trop, ni trop peu et d’une solubilité convenable, sans changer trop souvent ou trop brutalement. Observer les réponses des vaches (bouses, lait, taux d’urée…) plutôt que se fier à un calcul de ration moyen prévisionnel, ce qui suppose pouvoir prendre ce temps d’observation et d’analyse.
Faut il apporter systématiquement un complément d’ensilage au pâturage ?
- Tout dépend du niveau de production des vaches du troupeau. Une prairie de qualité permet au printemps une production laitière de 23 à 24 litres. Par contre, dès que le pâturage faiblit en qualité, il faut rapidement ouvrir le silo. Les éleveurs ont souvent tendance à l’ouvrir trop tard.
- Pour les troupeau à fort niveau de production, un complément d’ensilage (maïs de préférence) est à prévoir, et ce dès la mise à l’herbe.
- Il faut se méfier d’une dérive vers plus de maïs avec en corollaire un surcoût alimentaire et une moindre valorisation de l’herbe de l’exploitation. Il est possible de nourrir partiellement des vaches laitières au maïs au printemps, sans forcément augmenter de manière importante la part de maïs dans la ration moyenne annuelle. (quantité moindre nécessaire en fin d’hiver pour des animaux en fin de lactation). Ceux qui ont de l’ensilage d’herbe en réserveront plus pour les fins de lactation en hiver.
L’alimentation des vaches taries est à surveiller de près
Des vêlages de printemps signifient des vaches taries en fin d’hiver (lot supplémentaire à gérer dans le bâtiment) et au printemps en pleine pousse d’herbe !
Or, l’herbe de cette époque est trop riche en énergie et en azote pour la vache tarie (risque de sur-engraissement, de gros veaux…). Elle est également trop peu fibreuse pour maintenir un volume de panse suffisant.
Deux solutions possibles: apporter de la fibre (foin ou paille) et rationner le pâturage ou laisser les taries au bâtiment à cette période.
Revoir la répartition des fourrages sur l’année et calculer les besoins nécessaires en stocks fourragers.
Exemple d’une simulation avec Régul’lait sur un troupeau de 40 vaches laitières
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- Dans cet exemple, un surcoût de récolte d’herbe et des besoins de stockage plus importants sont à prévoir (dans l’exemple, 24TMS de fourrage à récolter en plus).
- La difficulté d’avoir en été des vaches en début et d’autres en fin de lactation peut être gérée avantageusement par une conduite en lots au cours de l’été : pâturage pour les fins de lactation et ration riche pour les débuts. La conduite en ration complète peut être remise en cause dans certains cas (en conséquence une complémentation individualisée est à envisager).
- Attention à adapter la taille des silos utilisés en été pour éviter les risques d’échauffement du front d’attaque : la règle : un silo bas pour avoir une avance de front d’attaque d’au moins 15 cm par jour.
Elevage des génisses : une conduite plus complexe
Elevage des génisses de 0 à 6 mois :
Des vêlages de printemps amènent moins de problèmes sanitaires sur les veaux :
- Ambiance de logement souvent bien meilleure,
- Possibilité d’aération sans craindre le froid.
- Par contre difficulté pour réaliser un vide sanitaire si les vêlages sont étalés dans l’année.
- Elever des veaux au printemps et en été amène un surcroît de travail qui peut entrer en concurrence avec d’autres tâches à assurer à cette période.
Elevage des génisses de 6 mois à 1 an :
- La première sortie à l’herbe des veaux nés au printemps est limitée voire impossible.
- L’alimentation lors de la période de puberté à l’âge de 6 – 12 mois doit être surveillée pour avoir une croissance modérée (moins de 800 g/j) pour éviter un engraissement excessif des animaux
- Distribuer du foin de préférence, avec pas ou peu de concentrés. Eviter l’ensilage maïs, rationner l’ensilage d’herbe.
Elevage des génisses de plus d’ 1 an :
- risque d’engraissement en fin de gestation sur ration d’hiver, avec risque de problèmes au vêlage.
- Insémination à partir d’Août (problème de surveillance des chaleurs)
Des lots d’animaux plus nombreux pendant la phase de décalage des vêlages
- En phase de décalage des vêlages, il faudra prévoir des vêlages à 30 mois pour faire vêler au printemps les génisses nées en automne :
- pour des vêlages habituellement à 36 mois, accélérer les lots à 30 mois
- pour des vêlages habituellement à 24 mois, retarder les lots à 30 mois, avec le problème de ne pas avoir beaucoup de renouvellement pendant un an, plus un problème de logement (et de nourriture) d’un lot supplémentaire.
Le point essentiel : une bonne maîtrise de la reproduction…
L’avancement de la période des vêlages se fera essentiellement par le biais des génisses. Cela implique l’insémination des génisses lorsqu’elles sont généralement au parc c’est à dire à partir de la mi-août.
L’insémination des génisses à une telle période ne pourra se faire que sous certaines conditions
- Bien détecter les chaleurs.
- Inséminer dans de bonnes conditions (contention)
- Bien maîtriser leur alimentation
Pour cela, 3 solutions sont envisageables (dans le cas où les génisses sortent en pâture) :
- Rentrer les élèves au bâtiment pour mieux détecter les chaleurs et pouvoir inséminer au cornadis. Les ressortir constitue souvent un stress néfaste à la fécondation et est donc à proscrire.
- Faire pâturer les génisses sur un parc près du bâtiment des Vaches afin de faciliter la surveillance des chaleurs. Installer un système de contention simple au parc pour l’insémination.
- Synchroniser les chaleurs
Conséquences sur les résultats économiques
- Quelles incidences sur le produit veaux?
![]() Exemple d’un groupe Ecolait en Rhône Alpes |
L’effet saisonnier est évident : environ 100 euros de plus pour un veau vendu en mai par rapport à une vente en octobre.
- Quelles incidences sur la vente des réformes?
![]() Exemple d’un groupe Ecolait en Rhône Alpes |
L’effet saisonnier est peu marqué : par contre des vêlages de printemps laissent la possibilité d’engraisser les vaches taries à l’herbe et de les vendre à un meilleur prix.
-
Etablir un budget partiel sur chaque exploitation
Synthèse - Incidence économique
Produits |
Charges |
|||
En + |
En - |
En + |
En - |
|
Recette laitière | 1543 | |||
Incidence taux (effet saison) | -156 | |||
Incidence qualité | ||||
Incidence ventes de réforme | ||||
Plus value sur veaux vendus | 780 | |||
Incidence produit veaux | ||||
Plus value sur mâles vendus | ||||
incidence produit mâles | ||||
Culture de vente | ||||
Paille | ||||
concentrés | 699 | |||
Charges opérationnelles culture | 22 | |||
Charges de mécanisation | 101 | |||
Frais élevage | ||||
Charge main d'oeuvre | ||||
autre 1 | ||||
autre 2 | ||||
SOUS TOTAL | 2323 | -156 | 822 | 0 |
Approche de l'incidence économique 1345 € 4,9 € / ML |
Conséquences sur l’organisation du travail
Principales modifications du planning des travaux :
- Soins aux veaux au printemps
- Distribution d’ensilage tout l’été
- Surveillance des chaleurs et inséminations en plein été,
- Moins de travaux d’élevage à l’automne
- Eventuellement, plus d’ensilage à récolter pour ceux qui n’avaient pas le stock et ont besoin de le constituer
En Conclusion
En moyenne pas de problèmes insurmontables, la hausse des charges est largement compensée par les produits supplémentaires.
Attention à ne pas augmenter la part de maïs dans la ration des VL au détriment du pâturage.
Il est possible d’augmenter la production de lait d’été en modifiant sur l’année la proportion de maïs dans la ration : plus de maïs au printemps et en été, moins en fin d’hiver.
Même si le gain peu paraître dans un premier temps réduit face aux changements engagés, l’accroissement des incitations économiques à la production laitière d’été, ne peut que s’amplifier.
Chaque éleveur désireux de produire plus de lait en été aura des arbitrages à réaliser sur la manière d’y parvenir. Pas de démarche unique, mais bien un raisonnement à faire au cas par cas en fonction de l’ensemble de l’exploitation et de son environnement.
Régul’lait : outil de sensibilisation à la saisonnalité de la production laitière. Cet outil récemment élaboré par le BTPL permet un diagnostic rapide de l’impact technique, économique et organisationnel du décalage de la courbe des livraisons de lait sur une exploitation. Régul’lait permet de chiffrer les produits mais aussi les charges supplémentaires (coûts alimentaires, pertes de production) induits par un décalage des vélâges. IL aide l’éleveur dans sa réflexion, évalue la faisabilité et la rentabilité de son projet et lui permet d’établir un plan d’action pour décaler sa production laitière. |
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