Conseils clés d’une spécialiste de la production ovine aux éleveurs allaitants qui souhaitent développer une troupe ovine associée. La production ovine pourrait se développer chez les éleveurs de bovins allaitants, mais aussi dans les zones céréalières et chez certains Gaec laitiers.
Les ovins permettent de valoriser des surfaces impropres au pâturage des bovins. La maîtrise de la reproduction et de la mortalité des agneaux, du parasitisme et de la consommation de concentrés sont les facteurs clés de rentabilité de cet atelier.
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Nathalie Petit (NP) : Quels sont les prérequis indispensables aux éleveurs de bovins qui souhaitent développer un atelier complémentaire ovin ?
Marie-Rachelle Viallet (M-R V), conseillère ovine à la Chambre d’agriculture de Saône et Loire : Une exploitation allaitante peut intégrer jusqu’à 1 à 2 brebis par vache sans modification de la surface fourragère. C’était le ratio traditionnellement utilisé au niveau du bassin charolais, les ovins consommant les refus des bovins. Au-delà de ce ratio, l’exploitant doit pouvoir disposer de surfaces fourragères suffisantes pour développer un système mixte, un hectare pour 6 à 7 brebis en fonction du potentiel des prairies.
Valoriser des espaces impropres au pâturage des bovins
L’intérêt de la troupe ovine est qu’elle permet de valoriser des espaces impropres au pâturage des bovins : des parcelles difficiles d’accès, éloignées, accidentées, pâtures trop humides au printemps ou au contraire séchantes.
Développer un atelier ovin nécessite des surfaces et de la main d’œuvre disponible. C’est un élevage qui est très gourmand en temps, certainement le premier facteur limitant à son développement. Ce qui permettra de limiter le temps passé tient dans l’aménagement fonctionnel des bâtiments : des cases d’agnelage, des couloirs d’alimentation, une distribution simplifiée de concentrés.
NP : Agnelage d’automne ou de printemps, l’un des deux modes est-il plus adapté au travail complémentaire imposé par l’atelier allaitant ?
M-R V : Dans le bassin charolais, 90% des éleveurs mixtes bovins ovins font de l’agnelage de printemps avec la race ovine charolaise, une pratique adaptée aux systèmes herbagers. Cela permet aux éleveurs de répartir la charge de travail. Les vêlages ont généralement lieu de novembre à février et les agnelages viennent à commencer lorsque les deux tiers ou les trois quarts des vêlages ont déjà eu lieu. On peut ainsi positionner ultérieurement la période d’agnelage, de février à mars. C’est la pratique d’une écrasante majorité. Une frange beaucoup plus minoritaire d’éleveurs utilise des ovins à base des races Ile de France ou Inra 420, aptes au désaisonnement, pour produire des agneaux en octobre-novembre.
En terme de valorisation commerciale des agneaux de boucherie, elle est quasiment la même dans les deux cas, agnelages de printemps ou agnelages d’automne. C’est au mois de décembre que l’offre est la moins satisfaite, ce qui suppose des agnelages en septembre.
NP : Quels sont les trois critères techniques clés de rentabilité d’un élevage ovin ?
M-R V : Maîtrise de la reproduction et de la mortalité des agneaux, maîtrise du parasitisme et maîtrise de la consommation de concentrés me semblent constituer trois paramètres techniques conditionnant la rentabilité de l’atelier.
Réellement faire des économies
La maîtrise de la reproduction est qualifiée par la productivité numérique, dont la référence moyenne est de 1,3. Elle va dépendre à la fois de la réussite de la lutte (les brebis doivent être en reprise d’état corporel au moment de la lutte), du taux de mise bas, de la mortalité des agneaux. Près de la moitié de la mortalité peut être liée à l’agnelage, par écrasement, étouffement, une brebis qui n’allaite pas,… d’où la nécessité de bâtiments bien adaptés à l’agnelage, d’une grande technicité, d’une surveillance et d’une assistance rigoureuse. Il est conseillé aux éleveurs bovins de suivre une formation technique pour maîtriser ces aspects sanitaires et de reproduction.
Le poste des concentrés peut représenter jusqu’à 70 à 75% du poste des charges opérationnelles. Et c’est précisément dans ce domaine que les éleveurs peuvent réellement faire des économies, par une gestion plus valorisante de l’herbage.
NP : Quel conseil vous semble primordial pour bien réussir cette gestion de l’herbe ?
M-R V : C’est en ce moment même, en février, que se détermine en grande partie la réussite de la conduite herbagère. Le moment crucial est maintenant, avant la mise à l’herbe, où l’éleveur doit raisonner les pâtures à venir : déterminer les parcelles à pâturer et les parcelles à faucher.
Dans le bassin charolais, les exploitants peuvent avoir tendance à ne pas charger assez au printemps, sous utilisant les pâturages. Tout le potentiel herbager n’est pas utilisé et ils ont tendance à distribuer du concentré.
Un test tout simple : une botte de foin au pré
En agnelage de printemps, on peut voir des consommations de concentrés atteindre 200 à 250 kg par brebis, qui sont des niveaux de consommation en production d’automne pour des agneaux de bergerie. L’herbe est le concentré alimentaire qui a la meilleure valeur alimentaire, et elle pousse gratuitement.
Pour ne pas se laisser dépasser par la phase de pousse explosive de l’herbe, il convient de charger suffisamment les brebis sur les parcelles de pâture au printemps. Il y a un test tout simple pour savoir si les brebis n’ont pas assez d’herbe. Il suffit de mettre une botte de foin au pré. Si les brebis consomment le foin alors effectivement elles manquent d’herbe, sinon, on peut maintenir le niveau de chargement.
NP : Dans quelles exploitations voyez-vous le plus large potentiel de développement de la troupe ovine ?
M-R V : Les éleveurs allaitants peuvent s’y intéresser de près, certains réduisent pour une part le cheptel allaitant, en éliminant les vaches non primées pour les remplacer par une troupe ovine qui peut être autant sinon plus rentable.
Pour les éleveurs de bovins allaitants, dans les zones céréalières, et chez certains Gaec laitiers
Je vois aujourd’hui un fort potentiel de développement dans les années à venir dans les zones céréalières. Une forte amélioration de l’Ebe (Excédent brut d’exploitation) est obtenue chez des agriculteurs qui valorisent avec une grande valeur ajoutée la consommation des céréales produites par les ovins. On voit des installations de troupe ovine de 400 à 600 brebis, pouvant permettre une installation. Car dans ce système, il faut pouvoir disposer de main d’œuvre, une unité de main d’œuvre pour 500 brebis environ.
Une autre voie se dessine également chez certains Gaec à vocation laitière, pour lesquels la mise aux normes devient fort problématique. Certains exploitations diminuent pour une part le troupeau laitier et installent en complément un troupeau ovin de 400-500 brebis.
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