Pratiquée précocement, la réhydratation des jeunes veaux diarrhéiques permet de rattraper le début d‘une pathologie digestive. Cela suppose de veiller très soigneusement aux deux premières semaines de la vie du veau, et d’intervenir aux premiers signes, dès la persistance du pli de peau.
Nathalie Petit (NP) : Quels sont les signaux d’alerte qui doivent déclencher la mise en place d’une procédure de réhydratation ?
(© Web-agri)
Jean-Louis Roque (J-L R), vétérinaire praticien dans le département du Cantal : Tant que le veau est encore sur pied, l’éleveur peut intervenir efficacement par une réhydratation orale. Il convient de la mettre en place dès que l’animal est atteint d’une diarrhée assez liquide, afin de prévenir plutôt que guérir. Un signal d’alerte facilement observable est la persistance du pli de peau. L’éleveur pince la peau de son veau, au niveau des côtes, et doit observer une bonne souplesse de ce pli. S’il persiste une ou deux secondes, c’est déjà le signe d’une déshydratation. L’enfoncement des yeux, plus ou marqué, est également un signal d’alerte.
Si la réhydratation est effectuée de bonne heure, de manière préventive et associée à une antibiothérapie, l’éleveur peut arriver à pas mal rattraper son veau. Mais à mon avis, les exploitants se font un peu surprendre par la déshydratation de leur veau et ils nous appellent que celui-ci vient de tomber à terre.
Ils doivent aussi avoir le réflexe de prendre la température, qui nous oriente vers deux cas de figure. Soit le veau est atteint par une température très élevée (jusqu’à 40°C), dans les infections purement bactériennes sur lesquelles les antibiotiques seront directement efficaces, soit sa température a chuté, comme c’est le cas les diarrhées virales ou impliquant des crypto sporidies.
NP : Quels types de réhydratants oraux préconisez vous ?
J-L R : Il me semble important d’insister sur la nécessaire précocité d’intervention, seule véritablement garante de l’efficacité de la réhydratation orale. Avant que le veau soit à terre, l’éleveur peut intervenir efficacement en utilisant des sachets réhydratants simples, basiques, qui coûtent très peu chers (guère plus d’1 € le sachet).
Je pense qu’il faut faire attention au rapport qualité/ prix des réhydratants proposés. Il existe aujourd’hui des produits issus d’une technologie très avancée mais qui coûtent aussi très chers, pouvant approcher 5€ le sachet repas. Apportent-ils un réel progrès ? Je n’en ai pas la preuve. Ce n’est parce qu’on aura recours à ce type de sachets que l’on aura résolu le problème. L‘éleveur doit parallèlement avoir recours à une antibiothérapie, il doit donner des produits détoxifiants, le coût du traitement par veau peut alors atteindre jusqu’à 30 €. Il faut savoir, par comparaison, que lorsque nous intervenons sur un veau, le coût de la perfusion est d’une dizaine d’euros.
Personnellement, je regrette la disparition sur le marché de produits réhydratants incorporant des ferments lactiques, qui permettaient de faciliter le réensemencement de la flore intestinale et de décaler l’écosystème digestif avec des bactéries qui soient utiles.
NP : Est-il souhaitable que l’éleveur maintienne une distribution lactée pendant la phase de réhydratation ?
J-L R : Je préconise toujours de distribuer du lait au veau pendant les phases de réhydratation. Dans la caillette du veau, le système lactase aura bien du mal à se remettre en route s’il est totalement abandonné pendant deux ou trois jours. Quand je prescris une réhydratation par voie orale, je conseille toujours de l’administrer avant ce qui est classiquement chez nous dans notre région et notre système d’élevage, le premier repas. Je pense que le meilleur moment pour donner le sachet réhydratant est juste avant le premier repas du veau, un moment où il a naturellement tendance à absorber pas mal de lait. De la sorte, le veau a moins d’appétit et consomme moins de lait. Pour autant, il va quand même en téter un petit peu et entretenir son système lactase.
NP : A partir de quel seuil critique la réhydratation orale ne suffit plus ?
J-L R : Dès lors que le veau a perdu son réflexe de succion. Dans ce cas, soit l’éleveur force le veau à boire à la bouteille, en prenant le risque de faire passer du liquide dans les voies respiratoires, soit il est capable de lui poser une sonde. Tous les éleveurs ne sont pas à même de réaliser ces gestes, qui nécessitent une grande précision d‘intervention. Dans ce cas, c’est la réhydratation par voie intraveineuse qui s’impose.
De plus en plus d’éleveurs pratiquent eux même cette réhydratation par voie veineuse. Elle fonctionne bien à condition qu’ils aient bien maîtrisé ce qu’ils font sur le plan de l’affection microbienne. Lorsque nous intervenons nous-mêmes, nous avons l’avantage de pouvoir adapter le type de perfusion aux symptômes du veau, ajuster la dose de bicarbonates, et de produits à base de méthionine pour détoxiquer l’organisme de son urée (et rétablir un taux d’urée plus normal), réduire le phénomène d’acidose sanguine, ajouter de la vitamine C pour son effet antioxydant, ainsi que des antibiotiques.
Cette perfusion est maintenue jusqu’au moment où le veau récupère son réflexe de succion. Il suffit à l’éleveur de mettre le doigt dans la bouche du veau et voir si celui-ci a retrouvé ce réflexe, signe que la réhydratation a été efficace. Un autre signe favorable qui renseigne sur la bonne voie de guérison est la miction. À la fin de la perfusion, j’observe si le veau urine, ce qui est un bon signe en terme de désintoxication.
NP : Selon vous, quel est le principal facteur d’évolution dans la conduite d’élevage qui peut conduire à une meilleure prévention de ces pathologies digestives des veaux nouveaux nés ?
J-L R : Je pense qu’il y a un gros effort à faire sur le soin apporté pendant les 15 premiers jours. Il faut savoir que le moment le plus crucial se situe entre le 8ième et le 10ième jour de la vie du veau. C’est à ce moment précis que se croisent deux courbes : celle, décroissante, de l’immunité délivrée par la mère à son veau et celle, croissante, du développement de la propre immunité du veau. Entre 8 et 10 jours, c’est là que vont se déclencher les affections si le veau est trop faible à ce moment là.
Mais malheureusement, je crois qu’aujourd’hui, un des principaux facteurs limitants dans les élevages est véritablement le facteur main d‘oeuvre. Les éleveurs ont été incités à développer des cheptels toujours plus grands et je crois qu’ils souffrent d’être débordés aujourd’hui. Il y a 20 ans que je suis installé dans la région et par le passé, on ne voyait apparaître les premières diarrhées chez les veaux qu’à partir du 30ième ou du 40ième veau né sur l’exploitation. Aujourd‘hui, les vêlages sont souvent groupés, l’éleveur est confronté à 70-80 vaches à vêler et 20 qui vont mettre bas en même temps. Il ne nous appelle pas parce qu’il ne sait pas faire mais parce qu’il s’est laissé déborder, trois veaux sont tombés à terre. En système allaitant, on voit beaucoup de problèmes de ce type! par manque de temps à consacrer au suivi des naissances du fait également de la conduite de ces double troupeaux laitiers et allaitants.
S’ajoute à cela une pression microbienne qui va en augmentant. Elle devient telle que même avec une bonne immunité naturelle, il n’y a pas assez de « soldats de défense» dans l’organisme pour faire face à la pression et le veau chute. Ajouté à cela le fait que les éleveurs n’ont pas toujours le temps de prêter l’attention nécessaire qui doit être la plus grande pendant les tous premiers jours de la vie du veau. S’ils parviennent à être très vigilants pendant les deux premières semaines, la partie est gagnée.
NP : Quels conseils essentiels donneriez vous alors pour prévenir au mieux l’apparition de ces pathologies digestives deux premières semaines de la vie du veau ?
J-L R : Pour que les veaux disposent d’un colostrum riche en immunoglobulines, il est important que les mères aient été vaccinées et alimentées correctement. Pour cela, elles ne doivent ni être sous alimentées ni suralimentées, ce qui entraîne tout autant un ralentissement de la production immunitaire. Dans notre région, outre une complémentation classique en oligo éléments de type cuivre et zinc, un apport en sélénium est extrêmement recommandé, car il est véritablement un facteur limitant. Ensuite, je conseille aux éleveurs d’être extrêmement attentifs à la qualité du logement des veaux pendant les premières semaines de la vie. Il convient absolument d’éviter de mélanger des veaux nouveaux nés avec des veaux de deux mois. Il leur faut une température moyenne, ni un endroit trop confiné, ni un parc à veau installé à côté de l’étable et où il fait -2°C quand l’étable est à 18°C. Souvent, j’ai fait mettre des lampes chauffantes par les éleveurs qui ont des hangars. Je leur fais faire des toits avec des bottes de paille et il est important pendant ces quinze premiers jours de la vie du veau qu’il soit installé sur une grosse litière de paille fraîche.
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