Bien embaucher et bien manager son salarié

Article réservé aux abonnés.

Recruter un salarié en élevage, n’est pas une chose facile, et travailler à deux peut s’avérer être bien plus compliqué, surtout si on ne connaît pas bien soi-même ses atouts et faiblesses pour une telle entreprise. Explications et conseils du Btpl (Bureau technique de promotion laitière).

L’inattendu qui compromet la réussite du projet surgit souvent d’un manque de connaissance de soi et de l’autre, alors comment faire pour ne pas sous-estimer les conséquences de notre comportement au travail dans l’élevage ?

N’est pas employeur qui veut : le temps de l’initiation

Comment se former, où obtenir les premiers conseils utiles, quelle stratégie définir ? La plupart du temps le futur employeur se pose peu de questions sur sa propre capacité à encadrer son salarié ou à travailler en équipe… Il a déjà fallu se pencher sur la question du financement, monter un dossier de demande d’aide, adopter un cadre juridique, et le volet proprement "humain" ou managerial  fait partie du superflu ou presque !  D’ailleurs, est-il justifié de compliquer ce qui est simple ? Quand il s’agit d’embaucher une main-d’œuvre complémentaire pour effectuer des tâches connues sur la ferme, est-il besoin de faire un effort de préparation, de s’initier à son rôle d’employeur ? Nombreux sont ceux qui seront tentés d’éviter le sujet pour laisser parler en fin de compte leur personnalité, ou qui s’inspireront d’expériences antérieures…

Et pourtant, l’enjeu est de taille au delà de l’apparente trivialité du fait d’employer un homme (ou une femme) et de partager le travail avec lui (ou elle) : si l’équipe fonctionne bien c’est l’avenir même de la ferme qui peut s’en trouver transformé de façon inattendue et bénéfique. Au contraire, en passant "à côté" d’une relation employeur-employé(e), la "solution" main-d’œuvre peut générer en fait des problèmes durables pour l’élevage.

Quel travailleur je suis ? Quel employeur je peux être ?

L’important pour une exploitation n’est pas tant l’apport d’une main-d’œuvre extérieure mais plutôt la capacité de celle-ci à valoriser le supplément de main-d’œuvre. La frontière entre le travail qui coûte et le travail qui crée de la richesse se situe là. Le danger, c’est la banalisation de l’acte d’embauche, c’est de ne pas reconsidérer son attitude face au travail, c’est de ne pas vouloir se mettre dans la tête que l’on n’est plus tout seul !

Quel travailleur je suis ? Quel employeur je peux être ? D’un statut de chef d’exploitation, comment vais-je passer à celui de chef d’équipe, ou de coéquipier ? Ces questions ne sont pas de trop pour celui qui est en réflexion sur un projet d’avenir pour son élevage : c’est l’initiation qui commence.

Au début de la vie d’un groupement d’employeurs on devrait également retrouver ces questions : quels travailleurs sommes-nous, partageons-nous les mêmes valeurs en ce qui concerne le travail et… le partage du travail ? Qu’attendons-nous de la relation avec le salarié ? Les réponses à ces interrogations vont donner un contenu au projet d’embaucher et d’employer en commun, quelquefois elles révèleront des nuances, des différences, des divergences, qui peuvent devenir des incompatibilités.

Nous préconisons donc une véritable étape de préparation pour le futur employeur, qui ne se veut ni lourde ni théorique, mais centrée sur la connaissance de soi, sur sa propre relation au travail, sur sa capacité à mener un travail d’équipe. Nous fournissons, non pas un test élaboré, mais un guide pour le questionnement, que chacun pourra approfondir selon sa motivation ; attention, si déjà l’idée de vous livrer à une quelconque préparation de ce genre vous pèse, c’est déjà une information qui compte ! Le but est de préciser de quelle façon la personnalité du futur employeur se manifeste au travail.

Quelques questions

pour préciser ma personnalité au travail

 

D’accord

Pas d’accord

Pas d’avis

Thème 1 :  le travail quotidien dans l’élevage et moi

 

Pour la traite par exemple, je consacre juste le temps nécessaire

 

• L’important pour la traite comme pour le reste c’est de commencer exactement à l’heure et de finir à l’heure fixée

 

• Quand je suis avec le troupeau, ce sont les vaches qui font leur loi et qui imposent le rythme

 

• Le matériel c’est sacré, d’ailleurs je n’ai que du matériel neuf ou en très bon état

 

• Comme je suis remplacé souvent, toutes les tâches de la conduite de l’élevage sont déjà inscrites et détaillées noir sur blanc

 

• Je me sers beaucoup du tableau en salle de traite, même quand c’est uniquement pour moi

 

 

 

 

Thème 2 : la communication dans le travail

 

• La plupart du temps je préfère travailler tout seul

 

• En général je n’apprécie pas la contradiction, il faut que ça aille comme  je veux !

 

• Je suis capable d’être très patient et d’expliquer plusieurs fois certaines consignes

 

• Avoir un coéquipier c’est la possibilité d’échanger sur la façon de travailler et ainsi de mieux connaître mon élevage

 

• Je suis d’un naturel discret et j’évite de parler des problèmes qui se posent

 

 

 

 

Mes conclusions :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quand le recrutement se fait à plusieurs et que le salarié change d’exploitation tous les deux jours il vaut mieux que chacun au sein du groupement d’employeurs puisse comparer son attitude au travail avec celle des autres ; les grandes différences, s’il y en a, seront peut être déstabilisantes pour le salarié.

Cette étape de "connaissance de soi" mérite d’être au début de la liste des choses à faire pour préparer le recrutement et les premiers bénéfices d’une telle démarche sont à attendre dès l’entretien avec les candidats.

Bien démarrer par un recrutement sans précipitation.

Une fois que l’on se connaît un peu mieux soi-même, qu’on évalue sa propre capacité à se remettre en question et à changer, il ne s’agit pas de négliger l’étape de la rencontre avec le(s) candidat(s).

Quand les candidatures qui ne conviennent pas pour des raisons évidentes ont été écartées, la sélection n’est pas terminée, elle commence… Et si le problème de main-d’œuvre devient insoutenable sur la ferme, la tendance à la précipitation risque bien d’être la plus forte "je le tiens, je ne le lâche pas !".

Autrement dit, il faut savoir se dégager de l’urgence d’une situation pour examiner sereinement ce qui doit être une solution dans le long terme. Dans un groupement, l’un des membres peut avoir à faire face à une pointe de travail et entraîner ses collègues vers une issue  rapide alors que l’intérêt des uns et des autres est dans la recherche soigneuse d’un profil bien défini de salarié.

Nous mettons de la même façon en garde par rapport aux enseignements que l’on espère tirer de la période d’essai : si les bonnes questions n’ont pas été posées au départ il n’est pas certain qu’on se donne un vrai délai de réflexion quand le contrat a été signé et qu’un premier mois de travail s’est écoulé la tête dans le guidon…

Il existe donc des règles à respecter pour conduire un recrutement réellement instructif, qui permet des échanges vraiment profitables à toutes les personnes en présence. Nous donnons ci-dessous une vue schématique des évènements qui doivent selon nous rythmer cette phase.

 Si je suis seul pour recruter et manager le salarié…

 

 … et dans le cas d’un management à plusieurs

     
 1. J’analyse mon comportement au travail -> mes conclusions
 =>

 

On échange nos conclusions avant d’aller plus loin -> et partageons-nous les mêmes valeurs ?

 2. Rencontre « autour d’une table » avec le (la) candidat(e) -> quelles compatibilités, quelles sources possibles d’incompatibilités ?  =>

 

On échange nos impressions et on les confronte aux conclusions de l’étape 1.

 3.   Tour de ferme, présentation de quelques tâches au candidat (traite, alimentation des animaux) et de l’orientation générale du système.  =>


 

Observations sur les différences de pratiques et de systèmes dans les élevages du groupement d’employeurs

 4.    Deuxième rencontre « autour d’une table » avec le (la) candidat(e) -> nouvel échange sur compatibilités/incompatibilités  =>

 

 

Conclusions en commun et objectifs fixés par les uns et les autres pour la période d’essai

 5.    Décision : oui ou non pour démarrer la période d’essai, avec quels objectifs ?    

Lors des entretiens, et notamment pendant le tour de ferme (qui est censé être attractif), le (la) candidat(e) doit être amené(e) à s’exprimer sur sa façon de fonctionner au travail, quelles que soient ses expériences antérieures. C’est l’occasion de comprendre si la communication est quelque chose d’important pour lui (elle) ou s’il s’agit d’un(e) grand(e) solitaire !

Commencer par s’entendre sur un fonctionnement en équipe

L’embauche n’est pas terminée et les discussions sur le mode de fonctionnement employeur-employé commencent, alors vous êtes sur la bonne voie ! En effet il n’est pas trop tôt pour tester le candidat sur sa capacité à proposer lui-même un mode de fonctionnement.
Si au départ le futur employeur a une idée précise sur l’organisation du travail et des réunions d’équipe, il devra peut être envisager quelques modifications à expérimenter pendant la période probatoire.
Une attention toute particulière doit être portée ici à l’aptitude des uns et des autres pour se faire comprendre et comprendre l’autre.
Des interrogations du type "c’est d’accord ?" ou "est-ce que tout est clair ?" doivent se glisser dans la conversation même quand on a l’impression que le rythme de travail impose que l’on s’en tienne aux consignes vite données.
En augmentant le temps de parole de façon partagée on prévient les incompréhensions, qui, si elles venaient à se cumuler, pourraient mener à une situation de conflit. C’est en tout cas ce qui peut se passer quand les phrases du type "ce n’est pas ce qu’il fallait faire !" reviennent trop souvent.

Mieux vaut sentir assez vite si le candidat qui souhaite travailler sur l’élevage est capable de reconnaître qu’il n’a pas compris du premier coup et qu’il ne se gênera pas pour demander plus d’explications si le besoin s’en fait sentir.

 


Communiquer dans le travail : se donner le temps de confier une tâche et permettre les questions pour se mettre bien d’accord, cela peut passer par « je coupe le moteur et je descends du tracteur » ou « je sors de la salle de traite » .   (© Btpl)

 

Avec la pratique, procéder à quelques réglages

Le recrutement est fait et la période d’essai est commencée, il s’agit maintenant de prendre un bon rythme pour travailler avec son salarié et marquer des temps d’arrêt pour faire le point. Le contact avec les animaux, la maîtrise du matériel, la connaissance du système fourrager, tout doit être prétexte à échanger pour que l’évaluation se poursuive.

Si l’employeur et le salarié ne sont que très rarement ensemble sur la ferme il va falloir imaginer des moyens de faire circuler l’information : le tableau en est un, le semainier posé sur la table du local le plus fréquenté en est un autre. Avec ce dernier il sera facile de glisser à la page du jour des feuilles extraites du carnet qu’on garde dans la poche.
Plus il y aura de place pour écrire mieux ce sera : les observations seront sans doute plus détaillées et le mot d’humour ne passera pas à la trappe… On ne dira jamais assez de bien du dictaphone qui permet l’enregistrement d’un message dans le moment, sans remettre à plus tard (privilégier un matériel simple, avec une bonne qualité de restitution, et qui permet de réécouter aussitôt le message enregistré pour s’assurer qu’il est audible).

Là encore il suffit d’être attentif et de ne pas laisser trop longtemps des questions sans réponse.

Si ce système donne où ne donne pas satisfaction pendant la durée de la période d’essai, c’est forcément riche d’enseignements ! La collaboration peut être remise en question, mais surtout on pourra procéder à quelques "réglages" et identifier les éventuels points de blocage : où sont les limites, finalement, du futur employeur et du futur salarié…

Nous insistons sur un point : en élevage laitier, quand la responsabilité du troupeau va être partagée (ici entre le chef d’exploitation et le salarié), il est important de s’entendre sur la façon de se comporter avec les animaux. Une estime réciproque peut s’établir si on apprécie les gestes de l’autre envers le troupeau qu’on respecte soi-même. C’est aussi un plus quand les personnes qui travaillent sur l’élevage peuvent faire preuve de transparence au sujet du lien avec "leurs" vaches.
 Passer du temps avec les vaches, ça peut être une question de goût, et même s’il est impossible de ressentir la même chose, il est bon de savoir où se situe notre collaborateur : peu attentionné, indifférent ou réellement "éleveur" ?

Partager avec le salarié sont goût pour le métier, c’est un formidable levier pour que le binôme soit performant et parvienne à l’équilibre.

 Pour aller plus loin

• Pour mieux connaître sa personnalité au travail il existe maintenant des tests rapides disponibles par internet, dont les conclusions sont souvent instructives.

• Le BTPL répond à vos questions et vous aide à préparer un recrutement ou l’arrivée d’un nouvel associé dans l’élevage pour augmenter les chances de réussir. Plus d'informations sur http://www.btpl.fr

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo

Tapez un ou plusieurs mots-clés...