Etude de l'Inra : les exploitations laitières à l'horizon 2008

L'Union européenne a adopté le 26 juin 2003 une nouvelle réforme de sa politique agricole commune. Cette réforme et ses modalités d'application suscitent de nombreuses interrogations. Des chercheurs de l'Inra ont réalisé une étude prospective à l'horizon 2008, centrée sur les exploitations laitières françaises. Quelles conséquences aura la baisse du prix du lait sur les différentes catégories d'exploitations ? Quel sera le niveau de dépendance de ces exploitations à l'égard des aides directes ? Quelles sont les principales implications du découplage des aides ?

Le conseil européen opérera entre 2004 et 2007 une baisse du prix du beurre de 25 % et de la poudre de lait écrémé de 15 %. Les répercussions de cette baisse sur le prix du lait payé aux producteurs sont difficiles à apprécier. En effet, plusieurs facteurs interfèreront sur le niveau des prix : l'évolution de l'équilibre entre l'offre et la demande au sein du marché communautaire, les rapports de force entre acteurs de la filière et l'issue des négociations en cours dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce (OMC).

 


© INRA/M.Adrian Réf.PCD1262.IMG80.PCD

 

Du fait de l'hétérogénéité des structures et des écarts de performances économiques, les exploitations ne sont pas toutes capables d'affronter, avec la même force, une même baisse du prix du lait à la ferme. Les unités spécialisées et faiblement efficaces (ratio valeur ajoutée brute / production inférieur à 25 %), seraient les plus fragiles à cet égard.

               
                     
La hausse importante des aides directes

 Une hausse moyenne des aides directes attribuées aux exploitations laitières de 53 % entre 2000 et 2008

Les paiements directs joueront un rôle de plus en plus déterminant dans la formation du revenu des producteurs de lait. Cette évolution marque une rupture importante après plusieurs décennies d'une politique basée sur des prix garantis. La réforme de la Pac devrait en effet entraîner une hausse moyenne des aides directes attribuées aux exploitations laitières de 53 % entre 2000 et 2008 (sans prise en compte des effets imputables à la restructuration des exploitations, dont le rythme est d'environ 4 % par an depuis plusieurs années).

Ainsi, le montant moyen d'aides directes par exploitation, qui était de 2.600 € en 1990 et de 17.000 € en 2000 pourrait atteindre 26.100 € en 2008. Il deviendra alors supérieur à celui octroyé en moyenne nationale aux exploitations "ovins-caprins" (21.300 €), comparable à celui des unités "bovins-viande" (29.100 €), mais toujours inférieur à celui des unités "grandes cultures" (36.400 €). Le ratio "aides directes sur revenu courant avant impôt (RCAI)" augmente lui aussi : de 14 % en 1990 à 58 % en 2000, il pourrait atteindre 125 % en 2008. Ce taux de dépendance, qui devrait dépasser le seuil des 100 % dans toutes les régions, sera néanmoins sensible à l'intensité réelle de la baisse du prix du lait (considérée, dans la simulation, à 20 % sur la période étudiée).
                 

Le découplage et la régionalisation

La nouvelle réforme de la Pac prévoit que les aides directes (ou une partie d'entre elles en France) actuellement allouées dans le cadre des organisations communes de marché seront remplacées par un paiement unique à l'exploitation. Les Etats membres disposent de certaines marges de manœuvre pour appliquer ce dispositif : date d'entrée en vigueur (2006 pour la France) ; intensité du découplage (partiel ou total) ; application ou non d'une régionalisation (au sens des articles 58 et 59 du règlement communautaire n 1782), approche qui permettrait d'attribuer un montant d'aides directes à l'hectare commun entre tous les agriculteurs d'une même région (en substitution des aides existantes). Sous les deux hypothèses d'un découplage partiel versus total, la simulation réalisée par les chercheurs a permis, d'une part, d'évaluer le montant du paiement unique en 2008 pour différentes catégories d'exploitations laitières et, d'autre part, de mesurer les conséquences potentielles (sur les revenus) de l'adoption du principe de la régionalisation du paiement unique.

 Le décalage observé entre le découplage total et le découplage partiel est plutôt faible pour les exploitations laitières

Les résultats montrent que le décalage observé entre le découplage total et le découplage partiel est plutôt faible pour les exploitations laitières, ce qui n'est pas le cas pour d'autres types d'exploitations (bovins-viande et ovins-caprins). Dans le cas d'un découplage total, le paiement unique s'élèverait en moyenne nationale à 23.000 € par exploitation laitière. Dans le cas d'un découplage partiel, il serait de 19.100 €.

Le montant du paiement unique par hectare diffère fortement selon les systèmes productifs. Dans le cas du découplage partiel (selon les modalités retenues en France), il serait en moyenne de 140 € dans les 23.500 exploitations laitières spécialisées du système "herbager", mais de 348 € dans les 26.500 unités spécialisées du système "maïs non limité".

Dans le cas d'un découplage partiel et compte tenu des choix opérés à ce stade en France, l'application d'une régionalisation du paiement unique aurait, dans toutes les régions, des conséquences négatives pour les exploitations laitières, notamment pour les plus intensives d'entre elles. Dans l'hypothèse d'un découplage total, les exploitations laitières du système "herbager" sortiraient largement gagnantes au détriment souvent des unités "bovins-viande".
L'évolution du prix du lait et les décisions qui seront prises en matière de mise en œuvre du découplage seront des facteurs clés du rythme futur d'évolution des exploitations.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,14 €/kg net +0,04
Vaches, charolaises, R= France 6,99 €/kg net +0,05
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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