Une étude menée à l’Inra et réalisée dans le cadre du programme « Porcherie verte », s’appuie sur des entretiens avec des éleveurs de porcs de Dordogne et du Finistère ayant été confrontés à des enquêtes publiques conflictuelles. Ces procédures, ouvertes par arrêté préfectoral, permettent au public de prendre connaissance d’un projet, par exemple l’extension ou la transformation d’un élevage, et d’exprimer son opinion sur ce projet.
L’hypothèse retenue dans cette étude est que le travail est un élément essentiel de la construction de l’identité des sujets et que sa critique peut alors fragiliser cette identité. Des chercheurs de l’Inra montrent les difficultés de construction d’une identité au travail pour ces éleveurs.
Le jugement de beauté exprime la reconnaissance du " beau " travail par les pairs : ceux qui connaissent le travail de l'intérieur, au travers de leur expérience. Le jugement d'utilité exprime la reconnaissance des usagers du travail : ce sont généralement des prescripteurs et des clients ou, plus largement " la société ". |
![]() Parce qu’elles confondent l’individu et l’éleveur et touchent le ménage, les critiques affectent surtout l’individu (© INRA / C. Maître Réf. : PCD9031-IMG0087.PCD ) |
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De qui vient la critique ?
Les chercheurs ont réalisé des entretiens approfondis avec plusieurs éleveurs, afin de recueillir leurs témoignages. Les propos des éleveurs font référence à leurs interpellations, c'est-à-dire aux critiques de leur travail, aussi bien lors des enquêtes publiques, par consignations sur le livret et interpellations orales, que dans le quotidien de leurs activités, que ces réflexions soient formulées en situation de travail ou non.
Les associations de défense de l'environnement et les médias, c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas de relations habituelles avec l'éleveur et qui n'en partagent pas le territoire de travail, centrent leurs arguments critiques sur la question des pollutions. Leurs propos sont le plus souvent écrits. Le risque pour l'éleveur est juridique et pourrait aboutir à l'impossibilité du développement de son élevage. Cependant l'éleveur est peu affecté par ces oppositions, qui ne sont ni fondées sur une connaissance de son travail, ni sur un partage de ses problèmes.
Les acteurs du territoire - les voisins - ont un jugement plus contextualisé. Les propos sont ici oraux et insérés dans les relations quotidiennes. Les critiques sont centrées sur le problème des odeurs, et touchent d'autant plus l'éleveur qu'elles reposent sur des pratiques communes et un partage du territoire.
Le débordement de la critique du travail à celle de l'éleveur et de sa famille
Même hors de son travail, l'éleveur le reste pour ceux qui le côtoient. Cette confusion est entretenue par la dimension patrimoniale de l'exploitation agricole. Bien que la cible soit l'éleveur, chacun des membres du ménage peut être affecté. Certains sont considérés comme des véhicules de la critique. Ainsi, ce sont bien souvent les conjointes ou les enfants qui reçoivent " les petites réflexions ". Parce qu'elles confondent l'individu et l'éleveur et touchent le ménage, les critiques affectent surtout l'individu. Le débordement des critiques fait resurgir les ambiguïtés des éleveurs face à leur travail. En amalgamant l'individu au travailleur, il renvoie à une activité agricole considérée comme un état et non un métier.
Le risque d'isolement de l'éleveur
L'isolement des éleveurs est accentué par l'absence des pairs qui s'impliquent peu, soucieux d'éventuelles retombées. Lorsque l'enquête est conflictuelle et que l'éleveur est éprouvé, les pairs n'apportent qu'un soutien discret et professionnellement cadré, limité à des consignations favorables sur le livret d'enquête. L'individu ne peut alors compter que sur des soutiens de sa sphère privée (intimes et amis).
L'isolement de l'éleveur peut alors se transformer en sentiment d'exclusion, qu'il peut renforcer en demeurant en retrait des activités de son territoire. Cette sensation de solitude souligne l'importance paradoxale que revêt le voisin, non éleveur, dans la construction de l'identité de l'éleveur. Ce voisin non éleveur peut pallier l'absence des pairs en se révélant un juge du travail, qui peut reconnaître à l'éleveur sa capacité à faire du beau travail.
Les entretiens effectués mettent en évidence une impossible référence à un métier qui structurerait l'identité au travail des éleveurs. La construction identitaire des éleveurs, fragilisée par des jugements décalés, cherche une reconnaissance en s'ancrant dans le territoire. Si on admet, avec la psychodynamique du travail, la centralité du travail dans la construction de l'identité, la conclusion est une fragilisation de celle des éleveurs de porcs, autant par les critiques environnementales de leur travail que par la faiblesse de leurs pratiques collectives de travail.
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