L'Europe vient de fixer un nouveau cadre réglementaire pour l'agriculture. Poursuivant le virage pris au début des années 80 pour orienter les productions vers d'autres objectifs que ceux visant à augmenter les volumes, la Commission a proposé, cette fois-ci, un panel extrêmement fourni où rien n'échappe à la volonté de contrôle de la qualité sous toutes ses déclinaisons.
Les agriculteurs français n'ont jamais été à la traîne pour engager de multiples démarches qualité, pour préserver le patrimoine que constitue l'éventail des AOC et pour insuffler de nouveaux concepts répondant à des besoins d'organisation de filière ou aux attentes en terme d'informations et de traçabilité des consommateurs.
La récente réforme de la PAC oblige une fois de plus le monde agricole à s'adapter à une nouvelle politique : l'écoconditionnalité. Cette nouvelle donne va influencer le mode de production actuel. A cela s'ajoute de nombreuses contraintes administratives, chartes, référentiels qui finiront par devenir obligatoires. C'est dans cette optique de non-libre choix que sont présentés les différents contrats entre l'agriculteur et les institutions. Ces contrats tels que l'agriculture raisonnée, la charte des bonnes pratiques d'élevage, l'écocondionnalité des aides, sont développés dans ce dossier. Ils préfigurent l'avenir de l'agriculture et du métier d'agriculteur qui sera de plus en plus sous l'emprise de démarches environnementales et d'information. |
Toutes ces actions sont développées par les institutions politiques agricoles mais répondent à des besoins des consommateurs en terme de traçabilité, de sécurité alimentaire, ... Les dernières crises qui ont gravement affecté le monde de l'élevage y sont sans doute pour quelque chose. |
L'AOC (Appellation d'Origine Contrôlée)
L'appellation d'origine contrôlée s'applique à un milieu géographique délimité et à l'ensemble des exploitants agricoles de ce milieu qui observent des conditions de production consacrées par l'usage et définies par un règlement. Les règlements sont issus d'une loi organique appliquée par décret. La mention AOC identifie un produit agricole, brut ou transformé, qui tire son authenticité et sa typicité de son origine géographique.
Cette mention garantit un lien intime entre le produit et le terroir, c'est-à-dire une zone géographique bien circonscrite avec ses caractéristiques géologiques, agronomiques, climatiques…, des pratiques particulières que se sont imposés les hommes pour tirer le meilleur parti de celle-ci. Cette notion de terroir englobe donc des facteurs naturels et humains et signifie que le produit qui en est issu ne peut être reproduit hors de son territoire.
La mention AOC vise donc à protéger une notoriété dûment établie.
Les conditions de production du produit sont également le résultat d'une culture et d'une histoire : elles tiennent compte des usages locaux, loyaux et constants et sont inscrites dans un décret.
Enfin, les produits revendiquant une Appellation d'Origine Contrôlée doivent se soumettre à un agrément organisé sous la responsabilité de l'INAO notamment un examen analytique et un examen organoleptique. Les AOC sont très courantes dans les vins, les fromages sont de plus en plus nombreux sous l'égide d'appellation.
Cette appellation a pour objectif de garantir l'origine du produit et de promouvoir le terroir à travers un produit. Cette appellation peut avoir de multiples influences sur les exploitations. En effet, le cahier des charges d'une appellation régit différentes pratiques et délimite le mode de production du produit.
Ce contrat est appliqué sur de nombreuses exploitations selon les zones. Ainsi, les exploitations présentes sur la zone sont soumises à diverses contraintes mais toutes y trouvent des avantages car le produit est payé plus cher. Les produits soumis à une AOC sont aujourd'hui, plus que jamais, reconnus. De façon à intégrer la notion de traçabilité dans le cahier des charges, un contrôle régulier des conditions de production va être mis en place.
Le PMPLEE (Programme de Maîtrise des Pollutions Liées aux Effluents d'Elevage)
La France a besoin d'une agriculture productive et de qualité respectant l'environnement. La maîtrise des pollutions liées à l'élevage passe par une mise aux normes des bâtiments et par l'instauration de pratiques de bonne gestion des effluents. Depuis 1994, l'État, les collectivités territoriales et les agences de l'eau aident les éleveurs à financer les études et les travaux nécessaires à la maîtrise de ces pollutions. L'actuel programme de maîtrise des pollutions liées aux effluents d'élevage (PMPLEE) est la continuation du précédent "Programme de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole" (PMPOA).
A partir du 1er janvier 2004, tous les élevages situés en zone vulnérable et dont les installations ne sont pas "aux normes", devront avoir préalablement déposé leur demande de subvention au titre du PMPLEE s'ils souhaitent bénéficier de toute autre aide publique à l'investissement (prêts bonifiés, contrats d'agriculture durable, aides aux bâtiments d'élevage, aides à la mécanisation en zone de montagne, …). De plus, il est rappelé qu'en zone vulnérable tous les élevages, quelle que soit leur taille, doivent respecter depuis le 1er janvier 2003 les exigences minimales de la "directive nitrates" à savoir :
- Ne pas épandre en moyenne plus de 170 kg d'azote provenant d'effluents d'élevage par hectare épandable,
- Elaborer un plan annuel de fumure azotée, tenir à jour un cahier d'épandage des fertilisants azotés (effluents et engrais minéraux) utilisés sur votre exploitation
Toutes ces mesures s'inscrivent dans des démarches environnementales.
Depuis 1994, date de la mise en place du PMPOA, la gestion des effluents d'élevage s'est développée grâce à la construction d'éléments de stockage des effluents. Ces constructions ont permis de gérer les effluents et ainsi respecter des dates optimales d'épandage, éliminer les pertes d'effluents, valoriser l'énergie des effluents.
Le PMPOA a pour objectif de permettre aux exploitants éleveurs d'adapter leurs installations et leurs pratiques pour mieux répondre aux exigences de préservation de la qualité des ressources en eau et de leur usage. Cette initiative qui concernait à l'origine les exploitations de grande taille a évolué aujourd'hui et concerne aujourd'hui les exploitations dites prioritaires c'est à dire celles se situant dans les zones vulnérables, sur des bassins versants. Sont désormais éligibles à ce programme :
- Les élevages soumis à autorisation au titre de la réglementation des installations classées,
- Les élevages de plus de 90 UGB (ou 70 UGB pour les jeunes agriculteurs),
- Les élevages de 25 à 90 UGB implantés sur une commune située dans une zone prioritaire définie par arrêté préfectoral.
L'investissement lié à la mise aux normes, car c'est bien de cela que l'on parle ici, peut être conséquent selon les exploitations. Il peut être compensé par des aides, des subventions attribuées par les Agences de l'eau, le Conseil Général...
Toutes ces actions sont le fruit de mesures environnementales de façon à limiter l'impact de l'agriculture sur l'environnement et ainsi redorer l'image de l'agriculture aux yeux de la population.
L'agriculture raisonnée
L'Agriculture raisonnée, lancée en 1993, visait un concept de qualité globale recouvrant l'intégralité des systèmes rencontrés sur une exploitation. Cette démarche, relativement modeste au départ, se trouve aujourd'hui en pointe de l'actualité grâce à la sortie du référentiel en 2002. L'association Farre (Forum de l'Agriculture Raisonnée Respectueuse de l'Environnement) a pour mission la vulgarisation de ce modèle en interne à la profession, mais aussi à l'extérieur par l'intermédiaire de fermes relais et d'informations. Ce référentiel, qui a fait l'objet d'un arrêté du 30 avril 2002, comporte 98 exigences nationales concernant la gestion de l'exploitation et les modes de productions végétales et animales.
Répondant aux critères du développement durable, l'agriculture raisonnée prend en compte de manière équilibrée les objectifs des producteurs, les attentes des consommateurs et le respect de l'environnement.
L'agriculture raisonnée correspond à des démarches globales de gestion d'exploitation qui visent, au-delà du respect de la réglementation, à renforcer les impacts positifs des pratiques agricoles sur l'environnement et à en réduire les effets négatifs, sans remettre en cause la rentabilité économique des exploitations. Les modes de productions raisonnés en agriculture consistent en la mise en oeuvre de moyens techniques dans une approche globale de l'exploitation.
Ce type d'agriculture intéresse les consommateurs qui se sont exprimés fortement dans ce sens par l'intermédiaire de leurs associations de défense. Il en découle un intérêt de la part des réseaux de distribution pour qui le seul logo "Produit en France" ne suffit pas en terme de garantie.
L' Agriculture raisonnée correspond pour partie aux critères de conditionnalité des aides Pac.
Le plus gros changement amené par la réforme de la PAC, menée par le Commissaire européen à l'agriculture, Mr Fischler, est de conditionner les aides en fonction du respect de normes et des références historiques.
Le référentiel comprendra également un volet territorial qui prendra en compte les spécificités régionales. Le volet territorial est en cours d'élaboration par des commissions régionales de l'agriculture raisonnée. L'agriculture raisonnée contribuera d'autant mieux à la restauration des milieux dégradés et au maintien en bon état des milieux préservés qu'elle sera adaptée aux spécificités locales.
La charte des bonnes pratiques d'élevage
La Charte des Bonnes Pratiques d'Elevage est une démarche collective, professionnelle et volontaire. Elle s'adresse à tous les éleveurs de bovins, lait et viande.
Elle traduit l'engagement des professionnels envers la société sur les bonnes pratiques de production, renforçant ainsi les liens entre éleveurs et public.
Elle contribue à valoriser le savoir-faire et permet à chaque éleveur de s'inscrire dans une dynamique d'évolution et de progrès pour assurer l'avenir du métier et des exploitations.
La Charte est un projet ambitieux, mais vital pour retrouver une relation de confiance et une compréhension entre éleveurs et citoyens / consommateurs. Sa réussite exige la participation et l'engagement de tous les éleveurs.
C'est l'engagement d'une profession, formalisé par la signature individuelle des éleveurs sur 7 points, dans un souci de transparence et de traçabilité des pratiques. Ces 7 points reprennent l'identification des animaux, la qualification sanitaire, les traitements sanitaires, une alimentation saine et maîtrisée, l'hygiène et la production laitière, le bien-être des animaux, l'environnement et l'accès à l'élevage
Cette charte à la portée de tous les éleveurs est un passage obligé dans la mise ne place de démarche qualité et de traçabilité.
De plus en plus d'organismes professionnels tels que les coopératives laitières vont se baser sur l'adhésion à cette charte pour appliquer leur politique de prix et proposer aux agriculteurs signataires une éventuelle prime.
La mise en place de cette charte sur les exploitations ne nécessite dans la plupart des cas que peu de modifications. De plus, de nombreux outils d'aide à la mise en place sont mis à disposition de l'agriculteur. Cette charte contraindra tout de même les exploitants signataires de cette charte de passer un minimum de temps dans les démarches administratives. De façon à faire savoir que l'agriculteur est adhérent à cette charte, des outils de communication ont été créés et permettent ainsi de le faire savoir.
Le Contrat d'Agriculture Durable (CAD)
Suite à un audit commandé par le Ministère de l'Agriculture sur la pertinence des CTE (Contrats Territoriaux Environnementaux), il a été décidé de modifier la forme de ces CTE et de les transformer en CAD. En effet, cet audit a fait apparaître de graves insuffisances du dispositif telles que la complexité des procédures, les dérives financières, les inégalités de traitement entre les régions et en leur sein, une efficacité environnementale peu probante.
Cet audit a permis de recentrer le débat sur l'essentiel : la mise en oeuvre dans notre pays de la politique européenne de développement rural, qui doit permettre à un agriculteur de satisfaire la demande environnementale des Français.
Le contrat d'agriculture durable contribue à la mise en œuvre d'un projet d'exploitation qui intègre les fonctions environnementales, économiques et sociales de l'agriculture, dans une perspective de développement durable.
Il porte sur la contribution de l'activité de l'exploitation à la préservation des ressources naturelles et à l'occupation et l'aménagement de l'espace rural en vue notamment de lutter contre l'érosion, de préserver la fertilité des sols, la ressource en eau, la diversité biologique, la nature et les paysages.
Il peut également concerner le domaine économique, notamment la diversification d'activités agricoles ou le développement de filières de qualité, ainsi que l'emploi et ses aspects sociaux. Il se caractérise par un ancrage territorial plus marqué, un recentrage sur des problématiques environnementales prioritaires et un encadrement budgétaire renforcé.
Le CAD est élaboré à partir d'un diagnostic agro-environnemental ou global de l'exploitation au regard des enjeux environnementaux et socioéconomiques figurant dans les contrats types arrêtés par le Préfet. Ces contrats types constituent l'assise réglementaire des CAD dans le département et déclinent les actions pouvant être souscrites dans ce cadre.
Les actions dans lesquelles l'exploitant s'engage pour 5 années (dont obligatoirement une action à caractère agro-environnemental) sont rémunérées sur le budget de l'Etat, sur le Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole (FEOGA) et le cas échéant par les collectivités territoriales.
Dans chaque département, le montant de l'ensemble des contrats doit respecter une moyenne maximum par contrat de 27 000 € d'engagements (sur les 5 ans), à l'exception des actions de conversion à l'agriculture biologique au sein de ces contrats.
Les Mesures Agro-Environnementales (MAE)
Parallèlement au CAD, il est possible de s'engager sur des mesures agro-environnementales, dites "généralisables", dont les conditions d'éligibilité sont plus ouvertes. Ces mesures agro-environnementales intègrent par exemple une modification de la fertilisation, des traitements phytosanitaires, une reconversion des terres arables en herbages, une diversification des cultures dans la rotation, une gestion extensive des prairies, la conversion à l'agriculture biologique, ...
Il s'agit principalement de la prime herbagère agro-environnementale (PHAE), les mesures rotationnelles et les OLAE (opérations locales agro-environnementales).
Cas de la mesure rotationnelle : Un exploitant déjà engagé sur ce type de mesures peut contracter parallèlement un CAD. Pour cela, deux conditions sont requises :
- le CAD et l'autre mesure agro-environnementale ne doivent pas être situés sur la même parcelle culturale,
- et le CAD ne doit comporter aucune surface engagée dans le même type d'action.
Elle est destinée à encourager les exploitants agricoles de grandes cultures à diversifier leurs assolements. Il s'agit par exemple d'éviter la monoculture du maïs ou du blé ou des rotations simplifiées de type blé/orge et au contraire de préserver des superficies dans d'autres cultures telles que le Colza, le Pois, ...
L'objectif de cette mesure est avant tout environnemental puisqu'elle préserve la diversité des paysages agricoles, contribue à la qualité de l'eau et diminue les risques phytosanitaires, ce qui représente des enjeux évidemment essentiels pour une agriculture péri-urbaine comme celle de l'lle de France.
Concrètement, la mesure rotationnelle prend la forme d'une mesure agro-environnementale semblable à celles qui sont mises en oeuvre dans le cadre des contrats d'agriculture durable ou dans le cadre de la PHAE.
Comme pour toutes les mesures agro-environnementales, elle consiste à proposer à des exploitants agricoles volontaires de respecter pendant 5 ans des pratiques agricoles allant au-delà de la réglementation et présentant un intérêt particulier au plan environnemental en échange d'une rémunération correspondant au coût de la contrainte subie volontairement.
Cas des autres mesures agro-environnementales (OLAE) : La coexistence avec un CAD dans la même exploitation est possible à condition que les mesures ne concernent pas la même parcelle culturale. Les OLAE, mesure ayant eu le plus de succès, s'appuient sur un contrat d'une durée de 5 ans, renouvelable, entre l'agriculteur et l'Etat. L'agriculteur s'engage à adapter ses pratiques sur les parcelles contractualisées selon un cahier des charges validé par un groupe de travail local réunissant naturalistes et profession agricole.
Ferti-Mieux
Les opérations Ferti-Mieux ont été développées avec pour objectif principal la protection de la qualité de l'eau. Ces opérations uniques en Europe ont été lancées en 1991 par l'Association Nationale pour le Développement Agricole (ANDA) à la demande du Ministère de l'Agriculture, des organisations professionnelles agricoles et avec la participation des agences de l'eau et du Ministère de l'Environnement.
Elles consistent à engager les agriculteurs d'une région naturelle dans une action volontaire pour changer leurs pratiques culturales et d'élevage.
Ainsi les actions de conseil répondent à un cahier des charges exigeant. En effet, les exploitations sont souvent situées dans des zones de captage d'eau destinée à la consommation humaine. Ces opérations correspondent à une volonté d'intégration de l'agriculture dans la politique locale de l'eau. L'attribution du label Ferti-Mieux reconnaît la qualité des moyens mis en oeuvre pour préserver les ressources en eau.
Conclusion
Aujourd'hui, les consommateurs attendent beaucoup de l'agriculture non seulement en terme de qualité de produits, mais aussi de la façon dont a été fabriqué le produit qu'ils consomment.
Cette communication passe par le développement de chartes, de référentiels.
Tous ces éléments apportent beaucoup d'informations aux consommateurs.
Les politiques actuelles obligent les agriculteurs à se rattacher à ces chartes. Ce rattachement ne doit pas se faire sous la contrainte mais suite à la volonté de l'agriculteur. Beaucoup d'exploitants sont réticents à toutes ces mesures mais le challenge pour tous, c'est désormais de raisonner l'agriculture différemment.
Après la Prim’Holstein, la Génétique Haute Performance débarque en Normande
Logettes ou aire paillée ? Comment sont logées les vaches laitières françaises
Ils rétrofitent un John Deere en électrique : le verdict après un an d’utilisation
Dermatose dans le Rhône : de nombreuses races renoncent au Sommet de l’élevage
En Suède, la ferme historique DeLaval passe de 250 à 550 vaches laitières
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
La FNSEA appelle à « une grande journée d'action » le 26 septembre
Comment préparer une vache à la césarienne
Face à une perte de compétitivité inédite, accompagner davantage les agriculteurs
T. Bussy (FNSafer) : « Beaucoup de monde pense que la Safer, c’est opaque »