Le dossier agricole, casse-tête des futures négociations euro-turques

Si l'Union européenne invite la Turquie à négocier son adhésion le 17 décembre, les discussions sur le dossier agricole seront parmi les plus difficiles du fait de l'impérieuse nécessité de réorganiser un secteur qui emploie 40 % de la population active, et ce au prix de conséquences sociales préoccupantes.

"L'adaptation de la politique agricole turque à la Pac (Politique agricole commune) sera un processus extrêmement douloureux (...) Il y a en Turquie environ 8 millions de travailleurs agricoles, soit plus que dans toute l'Union europénne", qui en compte 6,5 millions, indique l'économiste Eser Karakas.

La part de l'agriculture dans le produit intérieur brut (PIB) est passée de 35 % en 1970 à 22 % en 1980 et à 16 % en 1995. Désormais, elle est de l'ordre de 12 %.

La superficie agricole couvre 34 % du pays, mais il existe d'importantes disparités régionales. L'agriculture pratiquée dans l'ouest et le sud du pays est très performante et utilise des techniques de production modernes, tandis qu'elle reste encore très traditionnelle dans le centre, l'est et le nord.

Pour profiter de l'expérience de la Pologne, dont les négociations avec l'Union européenne ont été particulièrement difficiles, le ministère turc de l'Agriculture a embauché comme conseiller l'ancien vice-ministre de l'Agriculture Jerzy Plewa.

Le commissaire européen à l'Agriculture Franz Fischler, opposé à l'adhésion d'Ankara, avait récemment estimé à 11,3 milliards d'euros le coût que représenterait l'intégration de l'agriculture turque dans l'Union européenne, soit un chiffre plus élevé que pour l'ensemble des 10 pays entrés dans l'Union le 1er mai dernier.

Il a énuméré plusieurs types de problèmes et donné comme exemple le cas des céréales, en relevant que les prix internes turcs étaient 30 % plus élevés que dans l'Union européenne.

Le commissaire a également souligné la difficulté inverse posée par la position très concurrentielle des agriculteurs turcs dans des secteurs tels que les fruits ou les noisettes.

"La seule façon d'augmenter la rentabilité des exploitations turques, c'est de réduire le nombre d'employés, en passant de 8 millions aujourd'hui à 2-2,5 millions dans 15 ou 20 ans", fait remarquer Eser Karakas.

Mais cette situation devrait engendrer de très sérieux problèmes sociaux dans un pays de plus de 70 millions d'habitants, déjà relativement pauvre.

"Il n'y a pas de politique globale pour accompagner la population rurale vers le monde urbain. Les politiques de requalification sont inexistantes et les politiques familiales -allocations enfants, aides aux familles modestes- sont très limitées", souligne Ahmet Insel, économiste à l'université de Galatasaray.

Pour le gouvernement, souligne-t-il, les problèmes sociaux doivent être résolus par le réseau d'entraide familiale.

La Turquie a déjà connu des vagues d'exode rural au début des années 1970 et 20 ans après, lors de la rébellion des séparatistes kurdes dans le sud-est anatolien.

Cette population, dépourvue de compétences techniques, issue de classes sociales très modestes et à la recherche d'une vie meilleure dans les grandes villes, ne s'est jamais vraiment intégrée aux moeurs urbaines.

"Cela va être une période très pénible", estime Cengiz Aktar, de l'Université de Galatasaray. "La Turquie devra faire preuve de beaucoup d'imagination, car il sera impossible d'utiliser ailleurs ce surplus de main d'oeuvre agricole. Il faudra créer de nouvelles sources d'embauche".

L'une des solutions serait d'orienter cette population vers l'agriculture biologique, secteur où ils pourraient gagner plus et contribuer aux exportations vers l'Union européenne, dont le marché pour ces produits est grandissant, soulignent les experts.


Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo

Tapez un ou plusieurs mots-clés...