"Personne ici ne croyait vraiment qu'on recevrait un jour quoi que ce soit. Les riches ont-ils jamais partagé avec les pauvres?", lance Andrzej Klys, propriétaire d'une petite ferme de dix hectares près de Lomza (nord-est).
"Et enfin, on a reçu de l'argent, pas beaucoup mais quand même", se réjouit ce fermier d'une cinquantaine d'années, l'un des 5,5 millions de Polonais qui vivent directement de l'agriculture dans ce pays de 38 millions d'habitants.
Pressée par son milieu rural, la Pologne a été la première de tous les nouveaux membres à lancer le 18 octobre le versement des aides directes, en avance d'un mois et demi sur le calendrier de l'UE.
M. Klys a aussitôt dépensé toute la somme de quelque 5.000 zlotys (1.160 euros) pour payer la première tranche des frais de raccordement de sa ferme aux canalisations du village.
Au total, 1,8 million de fermiers polonais ont droit aux aides, "soit plus que tous les agriculteurs français et allemands réunis", a souligné récemment la commissaire européenne à la Politique régionale, la Polonaise Danuta Huebner.
"Les demandes polonaises représentent un tiers de toutes les demandes européennes", précise Iwona Musial, porte-parole de l'Agence pour la restructuration et la modernisation de l'agriculture (ARiMR), chargée de la gestion des aides.
Mais les Polonais reçoivent nettement moins d'argent que leurs confrères français ou allemands: les dix nouveaux membres ont droit à 55% des aides versées aux agriculteurs des quinze anciens pays de l'UE.
Les fermiers polonais doivent recevoir au total cette année 1,356 milliard d'euros, dont 842 millions des caisses de l'UE et le reste du budget national.
"Les aides, c'est du bruit pour pas grand-chose", se plaint toutefois Marian Mierzejewski, propriétaire de 12 hectares dans la même région de Lomza. "Les prix des engrais et des fourrages ont flambé, le gazole ne cesse d'augmenter. Les aides compensent à peine ces hausses", affirme-t-il.
"Je vais peut-être acheter un mixeur à fourrages, mais 6.000 zlotys ne suffisent même pas pour acheter une machine neuve", dit-il en feuilletant les petites annonces à la recherche d'une machine d'occasion. Actuellement, il prépare les fourrages dans une bétonneuse.
Ce sont les petits fermiers qui reçoivent l'argent en premier. Les "grands" comme Krzysztof Banach, éleveur de 100 vaches dans sa ferme de 120.000 hectares à Kalinowo près de Lomza, doivent encore attendre.
Ce propriétaire d'une ferme ultra-moderne, qui produit 900.000 litres de lait par an, compte plutôt sur les fonds structurels.
"Dans mon budget, 60.000 zlotys (14.000 euros) ce n'est pas beaucoup. C'est à peine ce que je dépense en carburant pendant deux mois de moisson", dit-il. "Avant l'adhésion, les subventions étaient plus élevées", selon lui. Pour son lait de qualité supérieure, l'Etat polonais lui versait 63.000 zlotys (14.650 euros) par an, affirme-t-il. Ces subventions ont disparu avec l'entrée dans l'UE.
"Les agriculteurs sont toujours mécontents, c'est leur mentalité. Mais leur situation devrait vraiment s'améliorer", assure Adam Debski, employé régional de l'ARiMR.
Grâce aux aides européennes, les disparités entre les campagnes et les villes devraient diminuer. Les revenus d'une famille à la campagne atteindront bientôt 75% de ceux d'une famille en ville, contre 60% avant l'adhésion, estiment les analystes. |
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
« J’ai opté pour un système très simple car c’est rentable »
Réformer ou garder ? 26 éleveurs dévoilent leur stratégie de renouvellement
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
FCO : le Grand Ouest en première ligne
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?
L’agriculture biologique, marginalisée d’ici 2040 ?
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou