Vers un élevage plus autonome et plus durable

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Est-il possible de redonner aux prairies une place importante dans l’alimentation des vaches, le paysage la protection de l’environnement ? Depuis les années 90, des agriculteurs bretons, réunis au sein du CEDAPA (Centre d’Etude pour un Développement Agricole Plus Autonome, animé par André Pochon) ont expérimenté, avec succès, le remplacement d’une alimentation à base de maïs par des systèmes herbagers peu intensifs. Plusieurs équipes de l’INRA ont analysé pendant 5 ans cette nouvelle façon de produire. Si la productivité des animaux comme des surfaces a baissé, la rentabilité s’est améliorée, du fait de la réduction des coûts, et les risques de pollutions sont fortement réduits.

Au début de l’étude, en 1993, le CEDAPA ne comptait qu’une trentaine d’exploitants des Côtes d’Armor, dont les motivations étaient multiples : réduire les coûts de production, mettre fin aux nuisances de l’agriculture sur l’environnement (pollution de l’eau par les nitrates et les pesticides) mais aussi dégager plus d’autonomie pour leur exploitations vis à vis de l’agro-industrie, plus de temps libre pour leurs activités sociales et leur vie personnelle ; ou encore, améliorer le cadre de vie en restaurant la qualité des paysages de la région (haies, fossés et talus).

En 1993, les agriculteurs se sont ainsi imposé un ensemble de conditions très strictes pour leurs méthodes de culture et d’élevage, et notamment :

  • consacrer au moins trois quart de la surface fourragère aux prairies, sans utilisation d’engrais chimiques ;
  • réduire la part du maïs dans l’alimentation des vaches en hiver à moins d’un tiers des besoins des animaux ;
  • réduire fortement l’usage des engrais chimiques et des pesticides sur les céréales.

De 1993 à 1997, durant les 5 années de l’étude, sur un échantillon de 15 exploitations laitières, les chercheurs ont pu observer des changements très rapides de la production, et notamment du système herbager : alors que cultures et prairies faisaient parts égales au début de l’étude, les prairies occupaient deux fois plus de surface que l’ensemble des cultures cinq ans après.

Cette surface en prairie est constituée à 80% d’associations de ray-grass et de trèfle, mélange qui présente un bon équilibre pour l’alimentation des vaches, ce qui a permis de réduire de moitié l’usage de compléments alimentaires à base de soja. L’herbe est ainsi devenue l’élément central du système d’alimentation des animaux : ceux-ci passent les deux tiers de leur temps en pâture, et l’herbe constitue plus de la moitié de la ration alimentaire annuelle.

Ces caractère généraux cachent une diversité de systèmes mis en place, depuis le « tout herbe » jusqu’au système « herbe-maïs », en passant par des intermédiaires, dit « mixtes », offrant une place importante à la betterave fourragère.

Le bilan économique des exploitations est satisfaisant : la marge brute (différence entre le produit brut et les charges opérationnelles) s’est améliorée de près de 20%, grâce à la diminution des charges, le produit restant constant. L’ensemble des critères de la productivité (par animal, par hectare) ont diminué, ce qui traduit la désintensification des systèmes qui restent rentables parce qu’il sont plus économes.

Sur le plan environnemental, l’amélioration s’explique par trois facteurs :

  • Une couverture du sol pratiquement permanente, grâce à l’herbe, ce qui limite les risques d’érosion des sols et d’entraînement des polluants.
  • Une utilisation des pesticides divisée par 3 ou 4 (et jusqu’à 10 fois moins pour les substances les plus dangereuses).
  • Une réduction du risque de pollution par les nitrates.

Les chercheurs ont effectué une analyse approfondie du bilan en azote des prairies et cultures. Les systèmes herbagers ne garantissent pas a priori contre le risque de pollution par les nitrates : les rejets des animaux peuvent être importants et le retournement des prairies peut libérer de grandes quantités d’azote. L’analyse effectuée par les chercheurs place les exploitations du CEDAPA dans une situation intermédiaire entre les systèmes conventionnels et les systèmes d’agriculture biologique.

Les chercheurs ont par ailleurs démontré l’intérêt de la succession prairie-betterave-blé, la betterave étant une culture très efficace pour éponger l’excédent d’azote présent dans le sol après le retournement d’une prairie.
En confrontant les résultats économiques et environnementaux des trois grands types de systèmes mis en place (« tout-herbe », « herbe-maïs », « mixte »), les chercheurs ont montré que le meilleur compromis entre économie et environnement était obtenu par le système « mixte », notamment grâce aux successions prairies-betteraves-blé qui permettent d’optimiser l’utilisation de l’azote et l’équilibre de l’alimentation des vaches.

Ces systèmes sont plus durables pour les agriculteurs qui les ont inventés : plus autonomes et plus économes, leur pérennité est mieux assurée. Mais la durabilité de l’agriculture ne peut être définie seulement sur des critères agricoles. Ces systèmes sont aussi plus durables parce qu’ils répondent mieux à l’exigence de qualité (de l’eau, de l’air, des paysages) du reste de la société : voisins ruraux ou urbains, consommateurs, amateurs de nature, touristes, etc. Leur faible consommation d’énergie fossile (sous forme de carburant, d’engrais de synthèse ou de pesticide) est encore une autre facette de la durabilité de ces systèmes, rapportée à la question de l’effet du serre et du réchauffement climatique.

L’expérience du CEDAPA a par ailleurs constitué un défi pour la recherche : les études nécessitaient une étroite collaboration entre agriculteurs et chercheurs dans une démarche dite de « recherche-action », et des approches aussi bien analytiques que globales. L’ensemble des résultats obtenus fournit aussi des éléments de base crédibles pour l’élaboration de politiques publiques.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,14 €/kg net +0,04
Vaches, charolaises, R= France 6,99 €/kg net +0,05
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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