Au fils du temps, les outils modernes de la sélection sur un effectif Holstein relativement important ont permis de réaliser une sélection très efficace pour aboutir à un animal hautement productif en lait, avec une mamelle très fonctionnelle et une assez bonne aptitude d'adaptation pour la production en diverses conditions.
Cependant, le tableau est quelque peu assombri par une érosion du potentiel rusticité de la race. Il en est ainsi en ce qui concerne sa fertilité et ses aptitudes de résistance aux maladies infectieuses. Les conséquences économiques d'un tel état de fait ne peuvent plus, aujourd'hui, être négligées.
Dans les cas les plus défavorisés, ces difficultés peuvent conduire l'éleveur au changement de race ou à l'utilisation du croisement. La perte de variabilité de la population constitue le revers de la médaille auquel nous sommes aujourd'hui confrontés. L'idée d'une meilleure gestion de la population par un plan d'accouplement qui prendrait en compte la consanguinité, en plus des critères classiques, semble s'imposer.
Au sommaire: (cliquer sur les titres)
1-Nature et mesure de la consanguinité.
2-Situation de variabilité des populations Holstein..
3-Les conséquences de la perte de variabilité..
4-Le plan d'accouplement.
5-L'amélioration de la variabilité au niveau international est-elle utopique ?
Conclusion
1.Nature et mesure de la consanguinité.
Certaines dispositions éminemment favorables à la sélection sur des critères classiques (quantité de lait, taux protéique, morphologie de la mamelle, etc.) concentrent les utilisateurs sur les mêmes taureaux. La publication (très utile) du palmarès génétique international par INTERBULL, ainsi que la possibilité technique de transporter la semence congelée, favorisent cette concentration. Nous observons donc que les techniques modernes de reproduction, de génétique et de communication, utilisées sans prise en compte du concept de variabilité génétique de la population, conduisent à des difficultés.
Rappelons que le moyen objectif de préciser cette situation est le calcul du coefficient de consanguinité d'individus ainsi que sa moyenne pour une population. Ce coefficient représente la probabilité pour que, chez un individu, les gènes homologues du même locus sur chaque chromosome de la même paire soient identiques en raison de leur origine généalogique due à un ancêtre commun à ses deux parents. Ce calcul nécessite de disposer d'une information la plus complète possible de l'ascendance de chaque individu. Des ressources informatiques adaptées sont indispensables en raison de l'importance des fichiers à traiter qu'induisent les arbres généalogiques. (Voir formule générale du calcul de la consanguinité en annexe en cliquant ici).
2. Situation de variabilité des populations Holstein.
Le taux moyen de consanguinité évolue plutôt défavorablement dans toutes les populations animales qui réalisent un progrès génétique relativement important sur des critères techniques d'intérêt économique, sans prendre en compte ce concept de variabilité.
Dans les schémas de sélection, le choix des pères à taureaux représente la première opération à l'origine de la perte de variabilité par l'utilisation trop importante de ceux-ci. En France, en 15 ans (de 1980 à 1995), le nombre moyen de fils testés par père à taureaux est passé de 3,9 à 15,1 (voir tableau ci-après).
Evolution du nombre et de l'utilisation des pères à taureaux (PAT) Holstein en France.
Année de naissance fils |
Nombre de pères |
Nombre de fils testés |
Nombre de fils moyen par PAT |
% réalisés par les 5 pères les + représentés |
80 |
112 |
433 |
3.9 |
20 |
85 |
68 |
532 |
7.8 |
36 |
90 |
47 |
748 |
15.9 |
67 |
95 |
45 |
681 |
15.1 |
64 |
Source : La sélection et les index chez les bovins laitiers et les caprins. INRA/IE. Janvier 1999
La même évolution est constatée dans les pays qui conduisent d'importants schémas de sélection avec mise à l'épreuve sur la descendance et calcul d'index génotypiques.
M. MIGLIOR a mis en évidence ce phénomène (voir figure n°1).
|
Nous constatons donc que le taux moyen de consanguinité croît de 0,15 à 0,20 point par an, soit, avec un intervalle de générations moyen de 4 ans, 0,6 à 0,8 point par génération ; ce qui est conséquent.
Notons que dans toutes les populations Holstein étudiées, l'évolution du taux de consanguinité montre une accélération ces dernières années et évolue de façon similaire, quels que soient les pays. Il n'est probablement pas aisé de comparer le taux moyen de consanguinité de différentes populations car il peut être largement influencé par la richesse généalogique des fichiers de chacun de ces pays. Ceux qui disposent de généalogies assez incomplètes peuvent fort naturellement trouver un taux de consanguinité moins élevé mais qui sera, alors, sous-estimé.
Avec un taux de consanguinité constant, la population s'équilibre et la sélection permet d'en améliorer la rentabilité économique. Si ce taux de consanguinité augmente, comme c'est le cas dans les populations qui nous concernent, les pertes de rentabilité s'accroissent et viennent se déduire du gain obtenu par ailleurs avec le progrès génétique sur les critères classiques.
3. Les conséquences de la perte de variabilité.
Nos connaissances fondamentales en génétique quantitative ainsi que l'expérience acquise, notamment dans des espèces à court cycle de reproduction, permettent d'établir le tableau des effets néfastes des conséquences de l'accroissement de la consanguinité moyenne, à savoir :
3.1 Affaiblissement du progrès génétique.
Depuis plus d'un demi-siècle (RENDEL M. et ROBERTSON L., 1950), il a été clairement établi que le progrès génétique dans le temps est d'autant plus élevé que :
* La variabilité génétique de la population intéressée est importante,
* L'intensité de la sélection est plus grande,
* La précision de la sélection est meilleure,
* L'intervalle de génération est plus court.
Nous constatons donc que, quels que soient nos efforts par ailleurs en matière de sélection, si la variabilité génétique de la population diminue, le progrès génétique espéré en sera affecté ainsi que, bien évidemment, le bilan économique. Cette conséquence de l'augmentation moyenne du taux de consanguinité des individus d'une population est sournoise et intervient avec une gravité qui va croître dans le temps.
3.2 Dépression génétique de la consanguinité.
Plusieurs auteurs ont mesuré, dans diverses espèces, l'effet dépressif de la consanguinité qui peut se concevoir comme étant l'effet opposé aux avantages de l'hétérosis induit par plus de variabilité. Les caractères touchés par cette dépression sont pour la plupart d'intérêt directement économique, comme la quantité de lait, l'indice de consommation ou la vitesse de croissance, mais aussi, plus subtilement, des caractères de rusticité, dont les conséquences économiques ont une importance encore plus grande dans notre contexte actuelle (fertilité, résistance immunologique aux maladies et, d'une façon générale, longévité). En effet, ces derniers caractères sont peu héritables et sont donc plus difficiles à sélectionner pour redresser une situation dégradée.
Précisons, à titre d'exemple, que d'après D. S. FALCONER (1981), un accroissement de 10 % du coefficient de consanguinité sur la vache laitière induit en moyenne un effet dépressif sur la quantité de lait de 135 litres sur une lactation. Cet effet a été noté par de nombreux auteurs et quelle que soit l'espèce des animaux de rente concernés. Pratiquement et en race laitière, il est considéré comme relativement mineur pour la production, mais plus significatif sur les caractères de rusticité tels que la fertilité.
3.3 Apparition de tares.
Il s'agit, en particulier, de tares héréditaires induites par des gènes récessifs dont la consanguinité va accroître la fréquence d'extériorisation. Ce phénomène n'est pas le plus grave car, même s'il induit une perte économique immédiate, il reste statistiquement modeste et permet d'assainir la population de ses tares.
- Notons par exemple les tares enregistrées récemment dans la population Holstein :
* BLAD (OSBORNDALE IVANHOE)
* Achondroplasie (IGALE)
* Syndactylie (WAYNE)
* CVM (BELL)
Il paraît donc judicieux, pour juguler cette évolution qui semble irrémédiable et dont les conséquences, aussi bien dans l'immédiat qu'à plus long terme, sont très défavorables pour l'intérêt économique d'une population raciale, d'appliquer un dispositif de bonne gestion génétique de la population en introduisant cette nouvelle contrainte de sauvegarde de la variabilité génétique.
Le premier moyen à mettre en oeuvre est d'agir avec les plans d'accouplement. PRIM'HOLSTEIN FRANCE a développé un plan d'accouplement qui est un compromis entre l'emploi d'une synthèse élitiste et de la correction des défauts majeurs. Dans ce plan et historiquement, la consanguinité a été prise en compte de différentes façons.
Tout d'abord, pour tout accouplement proposé, il était recherché avec un algorithme simple l'absence d'ancêtres communs mâles sur 3 générations pour autoriser l'accouplement. Depuis 2002, toute proposition d'accouplement induit le calcul du taux de consanguinité avec toutes les générations disponibles en fichier. Il est généralement proposé pour chaque femelle 3 à 7 taureaux qui répondent aux exigences du compromis élitiste/correctif mais qui présentent un taux de consanguinité inférieur à 7 %. De plus, le taux de consanguinité de chaque accouplement proposé est indiqué, afin que l'éleveur intègre cette donnée dans son choix définitif. (Voir figure n°2)
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5. L'amélioration de la variabilité au niveau international est-elle utopique ?
Les programmes de sélection des différents pays sont évidemment en concurrence pour la vente de matériel génétique. Les critères qui décident les acheteurs sont représentés par la valeur génétique des caractères les plus connus, tels que la quantité de lait ou la morphologie de la mamelle. Les différents acteurs voulant produire des reproducteurs de plus haut niveau sur ces critères ne sont pas très enclins à prendre en compte ce concept de variabilité génétique qui nécessiterait de faire un compromis et qui pèserait sur les résultats les plus commerciaux. Nous voyons donc, qu'en la circonstance, l'intérêt commercial à court terme s'oppose à l'intérêt économique à plus long terme.
C'est la raison pour laquelle il serait peut être pertinent que les responsables des Associations d'éleveurs Holstein au niveau international, étudient la possibilité de convenir ensemble d'une règle qui serait en faveur de la variabilité des taureaux entrant tous les ans dans le programme de sélection de chacun des pays. La règle consensuelle devrait être simple à appliquer. Ce pourrait être, par exemple, un seuil en pourcentage maximum de fils du même taureau qui peuvent être mis en testage dans un pays, pour une année. Ainsi, tous les pays subiraient la même contrainte bénéfique pour la population Holstein internationale et pourraient, ensuite, être concurrents sur les autres critères.
L'effet pervers d'une sélection efficace, uniquement sur certains critères, doit être aujourd'hui jugulé.
Certes, l'orientation prise par la plupart des pays avec l'introduction de nouveaux caractères relatifs à la rusticité peut pallier, en partie, l'effet néfaste de la perte de variabilité d'une population.
Cependant, cette perte de variabilité, dont les effets sont visibles avec l'apparition de tares, a des conséquences bien plus graves sur ce que l'on pourrait appeler la vigueur génétique d'une population et son aptitude à répondre le plus favorablement possible à un schéma de sélection selon les besoins. Maintenir une bonne variabilité dans une population devient aussi impératif que de progresser sur les critères de sélection classiques. Il doit donc être mis en oeuvre une stratégie de compromis : accepter de payer le prix d'un moindre progrès génétique sur les critères classiques pour ne pas poursuivre la détérioration de la variabilité.
Cette démarche doit permettre de conforter la rusticité, d'intérêt économique évident, mais surtout toutes les potentialités d'un progrès harmonieux et optimisé.
Les solutions techniques existent, à condition, toutefois, que les différents acteurs aient les moyens de les développer et la volonté de penser, à long terme, l'intérêt général de la race Holstein au niveau international.
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