Taille des exploitations polonaises, prix et qualité du lait, collecte, transformation, évolution de la filière laitière, présence des groupes français, perspectives : le BTPL dresse un tableau complet de la filière laitière polonaise. Coup de projecteur sur le plus grand des pays d'Europe de l'Est qui vont intégrer l'Union européenne.
A. Structure de la production laitière en Pologne
B. Qualité du lait et prix à la production
A l'heure où se décident les modalités d'intégration de plusieurs pays d'Europe de l'Est dans l'Union européenne (UE), voici un coup de projecteur sur le plus grand d'entre eux, la Pologne. Le potentiel économique et notamment agricole de ce pays est majeur. L'adhésion à l'UE nécessite le ré-examen de la Pac : les discussions sur le volet agricole vont donc bon train. La question des quotas est au cœur de cette problématique pour la filière laitière polonaise. Le secteur laitier, en pleine mutation, pourra-t-il se restructurer et se moderniser assez rapidement pour s'intégrer dans la filière laitière européenne ?
A. Structure de la production laitière en Pologne
L'agriculture contribue à 4 % du PIB polonais. En parallèle, pas moins de 28 % de la population active occupée exerce dans ce secteur ! L'agriculture et en particulier l'élevage laitier sont donc toujours en grande partie une économie autarcique de subsistance basée sur l'autonomie de la cellule familiale.
1. Beaucoup de petites exploitations
En 2001, sur 1,3 millions de fermes laitières en Pologne, seules 391 000 d'entre elles sont dites « à but commercial » et livrent à des entreprises laitières. Pour comparaison, il existe 1 million d'exploitations laitières en Europe, et 130 000 en France… 63 % des fermes ont entre 1 et 4 vaches laitières. Le nombre moyen de vaches par ferme en Pologne est inférieur à 3 (22,3 dans l'UE). On estime que les fermes de plus de 10 VL représentent 14 % du total et produisent 50 % du volume de lait. La moyenne de production par vache avoisine les 4000 litres produits par an, avec évidemment de fortes disparités. 98 % des vaches sont dans des fermes privées.
2. Une collecte en développement qui pourrait être freinée par la mise en place des quotas
La Pologne a produit 11,65 milliards de litres de lait en 2001 : 3,2 milliards sont auto-consommés sur les exploitations ou distribués localement, et 8,4 milliards sont collectés par les transformateurs laitiers, soit 3 fois moins qu'en France. La hausse du volume acheté par l'industrie reste l'un des défis majeurs du secteur laitier polonais à la veille de l'adhésion de la Pologne à l'U.E., sachant que le volume produit en cette année laitière 2002-2003 sera la référence prise pour la fixation du quota national. La proposition officielle du gouvernement polonais de prévoir un quota dépassant 13,5 milliards de litres devra être revue à la baisse.

Photo 1 : exemple d'une exploitation entièrement mise aux normes
B. Qualité du lait et prix à la production
1. Qualité du lait collecté
Parmi les 381 000 fermes « à but commercial », 300 000 ont un tank à lait. 230 000 ont demandé une dérogation ou « période de carence » avant l'intégration dans l'union. Fin 2001, 15 000 fermes étaient en accord avec la directive européenne de 1992 concernant la qualité du lait collecté (germes et cellules).
Dans le tableau suivant est présentée l'amélioration de la qualité du lait collecté depuis 3 ans. La classe « Extra » correspond à « < 100 000 germes » et « < 400 000 cellules ».
|
1999 |
2000 |
2001 | |
|
Extra (norme U.E.) |
35 % |
50 % |
60 % |
|
I |
35 % |
20 % |
20 % |
|
II |
10 % |
30 % |
20 % |
|
II |
20 % |
/ |
/ |
Tableau 1 : évolution de la qualité du lait collecté en Pologne

Photo 2 : sous l'impulsion des industriels, les producteurs se mettent en conformité avec le Code d'Hygiène Européen pour les installations de traite et de stockage du lait
2. Prix du lait payé aux producteurs
Le prix a subi une très fort chute en 2002, due à la baisse des cours de la poudre de lait, mais aussi à un excès de production lié à l'établissement des références quotas sur cette campagne. Les producteurs polonais ont reçu en moyenne 150 € pour 1 000 litres.
1. Une transformation en cours d'adaptation aux normes de l'Union européenne
Après l'effondrement vécu de 1989 à 1995, la transformation laitière polonaise s'est engagée dans un processus d'investissement et de modernisation de ses structures, parallèlement à la relance d'une production de qualité basée sur des exploitations professionnelles. Ce mouvement initié par un « programme de restructuration et de modernisation de la filière laitière » en 1994 a été relayé par l'arrivée des investisseurs étrangers, qui ont donné un second souffle au secteur par le développement de nouvelles gammes de produits comme les fromages et produits frais. Malgré cela, les efforts de restructuration à réaliser sont encore considérables si la filière veut faire face à la concurrence européenne. Les usines laitières sont classées dans des catégories selon qu'elles répondent plus ou moins bien aux normes d'hygiène de la communauté européenne (Tableau 2). Les professionnels du secteur estiment que les fortes restructurations actuelles devraient aboutir à terme à une situation où seule une centaine d'entreprises fonctionnera.
| Catégorie | Descriptif | Nb d'usines | Pourcentage |
| A | Export possible vers l'U.E. | 36 | 9 % |
| B1 | En cours d'adaptation | 156 | 40 % |
| B2 | Des problèmes importants pour s'adapter | 108 | 28 % |
| C | Risquent de fermer | 90 | 23 % |
|
Total |
390 | 100 % |
Tableau 2 : classification des laiteries selon la capacité à se mettre aux normes U.E. (chiffres 2000)

Photo 3 : vue sur l'usine de transformation d'une coopérative laitière
2. Les coûts de collecte
En 1999, le coût de collecte moyen en Pologne était voisin de 16,25 € /1 000 litres, soit 10,7 cts de francs par litre. Aujourd'hui, les entreprises doivent supporter un coût légèrement plus important du fait du développement des tanks à la ferme, qui est compensé par la baisse du coût de collecte individuel. D'autre part, il faut souligner que la qualité s'améliore avec cette évolution.
3. Un problème de saisonnalité marqué qui pèse sur l'industrie
L'hiver étant très rude en Pologne, l'alimentation hivernale des vaches laitières est techniquement complexe et coûteuse. Ceci mène à des écarts très importants de production laitière entre été et hiver : le pic de collecte a lieu en juillet, avec environ 664,2 millions de litres, tandis que le mois le plus faible est février avec 445,3 millions de litres de lait ramassé, soit un rapport de 1,5 entre ces deux extrêmes. Ceci n'est pas sans poser des problèmes d'irrégularité de fabrication et de commercialisation pour les entreprises laitières polonaises. Cependant, les voies de stockage des fourrages, notamment l'ensilage de maïs et d'herbe, se développent dans les exploitations laitières sous l'impulsion des industriels.
L'évolution de la filière laitière en Pologne est rapide. Toutes ces observations nous permettent de dresser quelques perspectives pour l'avenir.
1. Tendances générales observées
-
La restructuration de la filière laitière est rapide, que ce soit d'un point de vue agricole ou industriel : la taille des installations augmente régulièrement ; la filière vise la mise en conformité avec les normes de qualité intrinsèque (cellules, germes,…) exigées pour l'intégration dans l'Union européenne ; les conditions de production s'améliorent tout au long de la chaîne avec la mise aux normes d'hygiène. Cependant, beaucoup d'efforts restent à faire…
-
Les grands groupes laitiers européens voire multinationaux sont présents sur ces territoires depuis une dizaine d'années. Ils ont un rôle moteur majeur dans l'accélération des processus décris ci-dessus. On pourra citer parmi les Français Danone, Bel, Bongrain, mais aussi Lactalis. Ces entreprises trouvent ici des coûts d'approvisionnement et de production inférieurs à ceux de l'Europe de l'ouest. Ces implantations leur permettent notamment de s'implanter commercialement sur les marchés « régionaux ».
-
La grande distribution européenne et notamment française est également présente dans les grandes villes du pays, et mise sur de fortes perspectives de développement dans les prochaines années, avec l'élévation attendue du pouvoir d'achat. On recense les implantations de Carrefour, Auchan, Géant-Casino,…
2. Perspectives
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Les entreprises implantées à l'est visent a priori un développement du marché local et régional, voire la Russie ou les pays arabes. Elles cherchent à être conformes aux règles de l'U.E. pour exister après l'intégration, et pouvoir exporter
-
L'intégration dans l'U.E. nécessite le ré-examen de la PAC. La question des quotas est au cœur de cette problématique pour la filière laitière en Pologne : les propositions de l'Europe en terme de référence laitière bloqueraient le fort potentiel de développement de la production. En revanche, les polonais estiment que ce système de maîtrise est approprié pour conserver un bon niveau du prix payé aux producteurs. Ils citent en ce sens l'exemple français…
Mathieu Mourocq
Ingénieur-conseil BTPL
http://www.btpl.fr
Sources :
-
Voyage d'étude en Pologne du 14 au 20 septembre 2002
-
Site Internet du poste d'expansion économique (PEE) de Varsovie
-
« La filière laitière en Pologne : gérer la reprise », Le dossier économie de l'élevage, Institut de l'élevage, septembre 2002.

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