Fourrages Face au changement climatique, quelles espèces fourragères cultiver l’été ?
Des essais conduits par Arvalis et présentés lors des récentes journées de l’Association francophone pour les prairies et les fourrages (AFPF) à Angers, confirment l’intérêt des graminées dites en C4, lors de périodes estivales chaudes et sèches. En revanche, l’association à des légumineuses n’est pas concluante.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Avec des périodes estivales de plus en plus longues, chaudes et sèches, quelles cultures fourragères faut-il implanter pour produire de la biomasse lorsque l’herbe ne pousse plus ? Les graminées dites « en C4 » pourraient être une solution, afin d’éviter de trop piocher dans les stocks de fourrage à cette période de l’année. Contrairement aux graminées en C3, leur métabolisme biologique leur permet un meilleur rendement photosynthétique. Autrement dit, elles sont plus adaptées aux étés chauds et lumineux. Sorghos fourragers multicoupes, moha, millet perlé et teff grass ont été testés en 2021 et 2022 par Arvalis sur des plateformes un peu partout en France.
Le sorgho multicoupe peut être pâturé à 60 cm
Premier constat, les rendements sont bons sur les deux années pour toutes ces graminées, la différence n’est que d’une tonne de matière sèche par hectare (1TMS/ha) entre 2021 et 2022, deux années pourtant très contrastées. « Cela démontre donc que ce sont des espèces effectivement adaptées » commente Carole Gigot, ingénieur régionale fourrage. Quant aux valeurs alimentaires, elles décroissent avec l’avancée des stades. Les teneurs en matière azotée totale (MAT) s’établissent à 13 % en moyenne pour le 1er cycle et de 8 % à 11,5 % pour le second. Cela décline entre le stade épi à 10 cm du plateau de tallage et dernière feuille étalée. « Ces espèces-là, quand on va les chercher à des stades jeunes, ont de très bonnes valeurs alimentaires, que l’on peut faire pâturer à des animaux à fort besoin », résume Carole Gigot. Pour le sorgho, cela correspond à une hauteur de 60 cm. Avant, il y a des risques de toxicité, après, les animaux auront sans doute besoin d’un complément.
Les légumineuses ne contribuent pas au rendement
Ces graminées ont été implantées en association avec des légumineuses annuelles (trèfle, vesce) et tropicales (cowpea, lablab). Objectif : augmenter le taux de matière azotée. Le résultat n’est pas très concluant : ces espèces censées être agressives et adaptées à l’été, ont été fortement concurrencées (étouffées) par les graminées, et n’ont donc pas beaucoup contribué au rendement, à la production de biomasse. Elles n’ont pas eu non plus d’effet sur la valeur alimentaire. « L’association graminées – légumineuses pourrait en revanche présenter d’autres intérêts : laisser un reliquat d’azote pour la culture suivante et limiter le salissement au départ grâce à leur pouvoir couvrant », propose l’ingénieure régionale.
Attention en tout cas à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, met en garde Carole Gigot. « C’est sûr, les sorghos multicoupe vont pousser l’été, mais il leur faut quand même de l’eau au moment du semis, on conseille donc de ne pas en faire 10 ha et d'avoir une démarche plutôt opportuniste : décider en mars – avril en fonction de son stock fourrager »
Le sorgho monocoupe doit être récolté plus tard
Les essais visaient aussi à étudier le potentiel des sorghos fourragers monocoupe, vérifier leur capacité à remplacer le maïs fourrage, dont les rendements fléchissent de plus en plus souvent, parfois même de moitié. Le sorgho a une capacité à rester vert durant les périodes de stress hydrique et thermique, et ainsi accumuler de la biomasse au retour de conditions plus favorables, en septembre.
Mais de ces essais conduits en 2021 et 2022, il ressort que le maïs conserve son avantage et reste bien l’espèce la plus adaptée à la période estivale. Les sorghos monocoupe peuvent atteindre des rendements assez proches, mais dans des contextes un peu plus limités. « Ils sont capables de concurrencer des maïs fourrages sur des semis tardifs mais à condition de les récolter plus tard, et de les laisser allonger le cycle en septembre car ils ont besoin de plus de temps », explicite Silvère Gélineau, ingénieur chez Arvalis. Ces jours supplémentaires accordés aux sorghos permettent d’améliorer légèrement le taux de matière sèche à la récolte. « Malgré tout ce taux reste sur une fourchette très basse pour le sorgho photopériodique sensible ».
Pour ces essais, les semis ont été effectués tardivement. « Ce décalage nécessaire aux sorghos peut offrir l’avantage de retarder la récolte d’une culture dérobée pour maximiser son rendement ou étaler un pic de travail lié aux semis de cultures de printemps, observe Silvère Gélineau. À l’opposé, le décalage de récolte peut avoir pour conséquence de retarder ou d’entraver les semis prévus à l’automne ».
Pour accéder à l'ensembles nos offres :