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Production laitière Des lactations longues pour les vaches laitières, une bonne idée ?

L’allongement de l’IVV n’entraine pas de modification de l’état sanitaire et des résultats de reproduction malgré la moindre fréquence des vêlages et l’insémination plus tardive après vêlage. C’est ce qu’avaient démontré les essais menés à la ferme expérimentale de Trévarez il y a une douzaine d’années.

Allonger l’intervalle vêlage – vêlage (IVV) des vaches laitières au-delà de 700 jours pourrait permettre entre autres d’éviter les débuts de lactation, produire moins de veaux, et augmenter la longévité. Inrae et VetAgro Sup y travaillent.

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C’est une pratique répandue en chèvre, mais beaucoup moins en vache laitière. Et si on allongeait volontairement les lactations, jusqu’à plus de deux ans ? L’Inrae s’est posé la question, et s’est lancé avec l’institut d’enseignement supérieur VetAgro Sup (Clermont-Ferrand) dans une étude sur le sujet dans le cadre d’un projet baptisé Lola, contraction de Longo lacta. Objectif : vérifier la pertinence de cette pratique.

Les atouts pourraient être nombreux : moins de remises à la reproduction, moins de vêlages et de veaux à naître, moins de débuts de lactation donc moins de troubles sanitaires, et surtout amélioration de la longévité.

« S’il est possible de pratiquer des lactations longues chez les vaches non gestantes, alors c’est une recette pour gagner en longévité, se dit Luc Delaby, ingénieur de recherche à l’Inrae. Si vous pouvez ne pas réformer votre vache parce qu’elle est vide en la prolongeant jusqu’à trois voire quatre années de lactation, c’est gagnant. Le tout est de voir ce qu’elle produit en lait et sans soucis majeurs ».

La production laitière totale sur l’ensemble de la carrière sera en effet la donnée la plus attendue.

Enquête auprès d’éleveurs et analyse de données

L’étude conduite par l’Inrae avec VetAgro Sup s’oriente selon deux axes. Le premier est sous forme d’enquêtes auprès d’éleveurs qui auraient des animaux en lactation longue. Ils pratiquent cela de façon sporadique avec quelques individus seulement dans leur cheptel. Cette étape est terminée, 45 enquêtes ont été réalisées, les résultats sont désormais en cours d’analyse.

Le deuxième volet, en cours également, consiste à analyser toutes les vaches qui font des lactations de plus de deux ans dans la base de données des cinq dernières années du contrôle laitier. Localisation de l’animal, race, âge, nombre de lactations, production laitière, durée effective de lactation, composition du lait, profil de la lactation (rebonds éventuels), tout est passé au scanner depuis le printemps dernier. « On est quasiment en terre inconnue, personne n’a encore vraiment regardé cela ! » s’enthousiasme Luc Delaby. Il n’y aura en revanche aucune donnée liée à la conduite de l’élevage, ces éléments ne figurant pas explicitement dans la base de données du contrôle laitier. L’impact de la conduite alimentaire pourra toutefois être en partie renseigné grâce à l’enquête menée dans le premier volet.

Les premiers résultats de ce travail, qui semblent très attendus, devraient être diffusés d’ici fin 2024. Ils ouvriront peut-être vers de nouvelles perspectives. Les généticiens de l’Inrae et de l’Institut de l’élevage (Idele) pourraient par exemple se pencher sur la question génétique : « Et si ces vaches qui ont des lactations longues avaient un profil intéressant à sélectionner ? »

Moins de lait et moins de taux avec des lactations allongées

Il peut sembler étonnant que l’allongement de l’IVV n’ait pas été davantage expérimenté par le passé. « En matière d’innovation, on manque un peu de culot ! », sourit Luc Delaby.

Des essais avaient tout de même été faits, entre 2005 et 2011 à la ferme expérimentale de Trévarez (Finistère), mais il s’agissait d’un simple allongement de l’IVV à 18 mois. Il en ressortait qu’à l’échelle d’une période d’un an, la production laitière était sensiblement inférieure à celle du lot de vaches à IVV de douze mois : 600 kilos de lait en moins par vache et par an. Les taux de matière grasse et de matière protéique étaient également en baisse. « En réalité, compte tenu de l’évolution du potentiel génétique, l’impact de l’allongement de l’IVV sur la production laitière était deux fois moindre que celui qui ressortait des simulations qui avaient été faites par le passé », relativise Guylaine Trou, qui avait conduit les essais.

Sur les performances de reproduction et la fréquence des troubles sanitaires, l’allongement de l’IVV n’a eu aucun effet. Pas de modification non plus côté état sanitaire et résultats de reproduction malgré la moindre fréquence des vêlages et l’insémination plus tardive après vêlage. La longévité des vaches s’est en revanche améliorée d’environ 1,9 an en fin d’essai pour les multipares.

Allonger l’IVV augmente la marge brute

Économiquement, l’allongement de l’IVV semble se montrer pertinent : les essais ont montré une amélioration de la marge brute de l’exploitation d’environ 3 000 euros par an. « Depuis la fin de l’essai, on a quasiment toujours un impact économique soit nul, soit positif en faveur de l’allongement de lactations. On considère qu’au vu des résultats obtenus lors de nos essais, on ne peut plus dire que l’on perd de l’argent si l’on n’a pas un veau par vache et par an », résume Guylaine Trou.

Cela peut être un levier intéressant « notamment lorsque le marché du veau est compliqué », pointe la chargée d’études à la chambre d’agriculture de Bretagne.

La mise en œuvre de l’allongement des lactations en élevage nécessite toutefois des précautions : cibler les vaches à fort potentiel (productives, à bonne persistance et en bonne santé) et offrir des rations de bonne qualité notamment en fin de lactation.

Pour les lactations de plus de deux ans, il n’est pas certain que de tels essais puissent être lancés à moyen terme. Des réflexions sont en cours, mais « il faudrait attendre trois ou quatre années de lactations, cela bloquerait des animaux pendant un long moment, souffle Luc Delaby. Se lancer dans des lactations longues, et non pas des lactations allongées avec un simple décalage de six mois de la mise à la repro, c’est autre chose ».

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