52 % des éleveurs opposés à la stratégie d’abattage total des foyers de DNC
D’après un sondage Web-agri, un éleveur sur deux est opposé à la stratégie d’abattage total, pourtant prôné par les autorités sanitaires. Alors, changement de paradigme, ou problème de communication entre éleveurs et scientifiques ?
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
La crise autour de la gestion de la dermatose nodulaire contagieuse est une véritable fracture sein du monde agricole. D’après un sondage réalisé sur Web-agri entre le 16 et le 23 décembre 2025, 52 % des lecteurs estiment que « l’abattage total des foyers doit cesser ». L’échantillon n’a pas été redressé, les chiffres sont donc à prendre avec distance, mais ils témoignent d’une véritable division sur la question sanitaire.
Les résultats interrogent sur les relations entre éleveurs, scientifiques et information. Sur le papier, le quotidien d’une exploitation agricole est bien loin du déploiement de l’intelligence artificielle et des fake news. Pourtant sur les réseaux sociaux, les informations contradictoires pullulent. Selon les dires de certains, la maladie serait « amenée par le vaccin », répandue pour « faire de la place au Mercosur », ou pour répondre à la volonté de Bruxelles de « réduire le nombre de bovins en France ». Dans les faits, difficile de voir entre ces évènements autre chose que des coïncidences malheureuses. Mais le contexte est explosif.
Les conséquences vont bien au-delà des réseaux sociaux. Jacques Guérin, président du conseil national de l’ordre des vétérinaires, a fait état de menaces « inacceptables » à l’encontre des praticiens. L’ordre en a partagé quelques-unes à l’occasion d’une conférence de presse le 16 décembre, et appelle les éleveurs à un « retour au calme » entre « partenaires ».
Lutter contre la désinformation
Si bien que chacun s’organise. Depuis presque deux semaines, la FNSEA modère davantage les commentaires sur ses réseaux sociaux : certains sujets liés à la dermatose bovine ne peuvent plus être annotés par les lecteurs. Les vétérinaires, jusqu’alors discrets quant à la gestion de la crise sanitaire dans les médias, communiquent davantage. L’ordre national des vétérinaires mène une campagne sur ses réseaux pour « lutter contre la désinformation ». Non, « l’invermectine ne soigne pas la DNC », insiste l’ordre. Non, « les antibiotiques ne soignent pas la maladie » peut-on lire sur son compte LinkedIn. Même le ministère y va de sa contribution, avec une page dédiée sur son site internet pour « démêler le vrai du faux ». Et pour cause : comment dépeupler un élevage entier sans faire preuve d’un minimum de pédagogie ?
Mais l’opposition à la stratégie sanitaire reste forte. Le ministère de l’agriculture redoute également les incitations à ne pas déclarer des foyers de dermatose. Pour dissuader les éleveurs, le ministère va au-delà de la pédagogie. Il a rappelé que si la non-déclaration d’un cas, ou si les opérations visant à empêcher l’abattage conduisent à de nouveaux foyers, « l’éleveur risque une amende de 15 000 € et deux ans d’emprisonnement, voire 75 000 € d’amende et 5 ans d’emprisonnement si c’est volontaire ». Les aides liées au dépeuplement peuvent également être suspendues. Enfin, le ministère rappelle que tout mouvement d’animaux illicite expose l’agriculteur à une amende de 750 € par bovin transporté.
Les abattages sanitaires de plus en plus contestés
La désinformation sur le sanitaire n’explique pas à elle seule le résultat de ce sondage. Les dépeuplements de foyers sont de plus en plus mal tolérés par le monde agricole. En mai 2024, sur les réseaux, les éleveurs s’émouvaient du sort réservé à la Ferme de Bérénice. L’éleveuse de 33 ans avait vu son troupeau de Bazadaises euthanasié suite à la découverte d’un cas de tuberculose. Quelques mois plus tard, c’est le Gaec Maris, déclaré à tort foyer de tuberculose, qui défrayait la chronique.
Depuis le 29 juin, environ 3 300 bovins ont été euthanasiés en raison de la propagation de la maladie. En 2001, la fièvre aphteuse a conduit à l’abattage de 63 000 animaux (principalement des ovins) pour éradiquer la maladie du territoire, sans parler des pertes générées par l’ESB. Les épidémies de grippe aviaire entraînent quant à elle l’abattage de plusieurs millions de volailles.
Vers un assouplissement du protocole ?
En parallèle, la réglementation évolue doucement. Fin novembre, les conditions d’éligibilité à un abattage sélectif sur des troupeaux touchés par la tuberculose bovine ont été modifiées.
Le ministère doit arbitrer entre éléments incompatibles : d’un côté, le maintien du cheptel, de l’autre, la préservation d’un statut sanitaire. Car préserver l’élevage sans préserver le marché, ça n’est pas rendre service aux éleveurs. De même qu’avoir des vaches sauves, mais improductives, n’est pas la finalité de l’élevage.
Des brèches sont pourtant en train de s’ouvrir. Le 17 décembre s’est tenu le premier comité scientifique sur la dermatose nodulaire contagieuse. Des membres du Cirad, de l’Anses, des GDS, de l’ordre national des vétérinaires ainsi que plusieurs présidents de Chambres d’agriculture se sont rassemblés pour « réfléchir aux mesures alternatives à la doctrine actuelle ». Les réflexions n’en sont cependant qu’à leur balbutiement.
Les assises du sanitaire, initiées par Annie Genevard, vont dans ce sens, avec pour objectif de faire émerger « l’organisation sanitaire de demain ».
Maud Faipoux, directrice générale de l’alimentation (DGAL) a été auditionnée par la Commission des affaires économiques à l’assemblée le 17 décembre. Elle y a évoqué l’hypothèse d’une vaccination généralisée, permettant d’atteindre une immunité collective au bout d’un à deux ans, et donc la perte du statut indemne sur ce laps de temps. « Peut-être que c’est la bonne idée, peut-être pas », a-t-elle ajouté.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :