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Parasitisme Christian Mage, Institut de l'élevage : « Pour conduire un troupeau sans avoir recours aux anti parasitaires, il faut être un éleveur performant »

Se passer des antiparasitaires peut s'avérer être un bien pour la santé des bovins ! Selon Christian Mage, ingénieur à l'Institut de l'élevage, un éleveur qui souhaite conduire un troupeau en bonne santé cohabite de manière intelligente avec les parasites naturels des bovins, tout au moins avec les parasites internes dominants que sont les strongles digestifs et pulmonaires. Un animal sera protégé contre ces parasites lorsqu’il aura développé une immunité au contact de ces mêmes parasites. C’est bien une nécessité pour les bovins de se confronter à ces parasites. Et les risques pour leur santé d’un interventionnisme pharmacologique sont au contraire bien réels. Explications et conseils pratiques de Christian Mage.

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Christian Mage : « Les jeunes animaux doivent être confrontés aux parasites. C’est la base même du développement de l’immunité parasitaire. Son principe est celui de la prémunition »
(© Institut de l'élevage)

 

« Une absence de confrontation aux parasites est nuisible et dangereuse pour la santé des bovins », souligne Christian Mage, ingénieur à l’Institut de l’Elevage, région Limousin, auteur de documents pratiques et de synthèses sur le parasitisme et les techniques d’élevage (voir encadré en fin d'article).

Le spécialiste avait déjà tiré la sonnette d’alarme en 1984 quant à la réapparition dans les élevages français des strongyloses pulmonaires chez les vaches laitières. « Si tous les jeunes bovins ne s’infestent pas par des strongles pulmonaires, la réaction immunitaire n’a pas lieu. A deux ou trois ans, la jeune vache laitière peut être amenée à développer une primo-infection pour laquelle son organisme n’aura aucune réponse immunitaire. La prospective que j’avais faite en 1984 se révèle fort juste. On constate aujourd’hui de sérieux problèmes de maladies de strongyloses pulmonaires chez les vaches laitières avec quelques graves catastrophes en élevage », déplore-t-il.

La gestion du pâturage est le premier outil pour maîtriser le parasitisme

Le recours actuel réflexe aux molécules chimiques tend à faire oublier la conduite d’élevage. Le savoir-faire développé par les éleveurs bio et les expériences réelles d’élevage montrent à quel point il est tout à fait possible et réalisable de maîtriser le parasitisme (strongles, douve et paramphistome) sans avoir recours aux anti parasitaires. « Pourtant, encore aujourd’hui, des éleveurs bio pratiquent des interventions à base d’ivermectine », constate le spécialiste.

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« Un éleveur qui veut conduire son troupeau sans pratiquer d’intervention anti parasitaire doit être performant sur la production de l’herbe et sur sa gestion », renseigne Christian Mage. La gestion du pâturage est le premier outil pour maîtriser le parasitisme.

« Les jeunes animaux doivent être confrontés aux parasites. C’est la base même du développement de l’immunité parasitaire. Son principe est celui de la prémunition », rappelle-t-il. « Il est nécessaire qu’il y ait un passage, au sein de l’organisme des ruminants, des stades larvaires des parasites aux stades adultes. C’est cette migration qui stimule les réactions immunitaires. »

Le travail de l’éleveur va être de mettre en contact les jeunes animaux avec les parasites mais de doser ce contact et de réagir très vite en fonction de la hauteur d’herbe, de la saison de pâture,...

La hauteur d'herbe joue un rôle crucial

« Bien plus que la fertilisation des pâtures ou la qualité de l’herbe, c’est la hauteur d’herbe qui va jouer un rôle crucial pour la contamination des parasites », précise Christian Mage. « Les parasites se cantonnent dans les niveaux inférieurs de l’herbe. Plus l’éleveur fera pâturer ses animaux à des hauteurs d’herbe supérieures à 5 cm et moins les vaches s’infesteront. Au contraire, s’il propose une hauteur d’herbe proche de 5 cm, et a fortiori comprise entre 2 et 5 cm, l’infestation va s’aggraver. » 

« De plus, il faut savoir que les prairies pâturées sont fortement contaminantes fin septembre. Faire surpâturer pendant les phases de fin d’été et d’automne est une pratique à proscrire. En même temps, il convient de maintenir les défenses maximales de l’animal en lui apportant suffisamment de nourriture pour qu’il garde un bon état et ne pas le faire traverser de période de sous alimentation. »

En élevage allaitant

« En élevage allaitant, l’éleveur peut adopter deux conduites, selon les périodes de vêlage », détaille le spécialiste. « Dans le cas des veaux nés sous la mère en hiver ou au début du printemps, ils sont allaités pendant cette période de printemps. Ils vont pâturer un peu au printemps », poursuit Christian Mage. « A partir du sevrage, c’est à dire les mois de septembre, octobre, il conviendra de les mettre sur des repousses, après fauchage de regain, ou de les compléter au pâturage. Cette complémentation peut même avoir débutée mi-août. Si ces pratiques sont respectées, l’affaire « strongles » sera résolue pour la première année », précise l’ingénieur.

 

En élevage laitier :

Génisses laitières : développer l’immunité avec un contact parasitaire au printemps

« Les veaux nés en automne vont quant à eux passer l’hiver dans les bâtiments. Au printemps, l’herbe qui leur est disponible contient très peu de larves pathogènes et il n’y aura pas de problèmes jusqu’au sevrage qui aura lieu début juillet. Par contre, à partir de juillet », recommande Christian Mage, « il faudra beaucoup de rigueur et intervenir par une pratique de pâturage sur repousses de foin, enrubannage, ensilage. L’éleveur se doit d’être extrêmement réactif et apporter une complémentation au pâturage dès que l’exploitation vient à traverser une phase de manque d’herbe. »

« Pour les génisses en deuxième année de pâture, il conviendra de surveiller très attentivement la période sensible s’étalant de mi-août jusqu’à la rentrée à l’étable », recommande Christian Mage. « Pour ces génisses de printemps, les séquences de pâturage doivent être très organisées à l’été et à l’automne. Il doit y avoir au moins une augmentation de la surface pâturée courant août jusqu’à la rentrée à l’étable, avec un apport de complémentation en phases critiques. Mais si ces deux premières années ont été bien gérées », conclu le spécialiste, « alors l’éleveur n’aura plus de souci avec ses vaches adultes, en ce qui concerne les strongles digestives et pulmonaires. »

Contrôler les strongles par une bonne conduite

« Pour conduire un troupeau sans avoir recours aux anti parasitaires, il faut être un éleveur performant », conclut Christian Mage. « Un éleveur bio ne peut pas être contemplatif. Et plus les éleveurs bio seront dans des systèmes extensifs, moins ils gèrent l’herbe et plus l’herbe est contaminée par les parasites. »

« On sait contrôler les strongles par une bonne conduite et se passer de cartouches allopathiques. Quant à la phytothérapie, si elle propose toute une gamme de produits, je n’ai pas manipulé de produit phytothérapique efficace chez le bovin », assure Christian Mage. « On ne nous a pas apporté la preuve de l’efficacité de ces produits. »

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