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Prix du lait 2024 : petite hausse des leaders, léger recul pour les PME

Parmi les grands groupes internationaux, seul Danone augmente de façon significative le prix 2024 : entre +14 €/1000l et +20 €/1000l pour trois des 5 OP.

Pour la deuxième année consécutive, les prix des grands groupes laitiers et des PME n’ont jamais été aussi hauts. La bonne tenue de la consommation des ménages et l’envolée de la matière grasse soutiennent la filière française. Les PME, qui baissent le plus, restent malgré tout dans le top français.

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Après des hausses de prix du lait spectaculaires en 2023, l’année 2024 est sous le signe de la stabilité. Les producteurs laitiers français cumulent deux années qui n’ont jamais été aussi élevées depuis des lustres. La moyenne des 54 laiteries conventionnelles qui composent l’Observatoire du prix du lait de L’Éleveur laitier s’élève à 478,3 €/1 000 l, contre 476,5 € en 2023. Début 2024, les entreprises visaient a minima un maintien des tarifs décrochés en 2023 auprès de la distribution française et, par ricochet, un maintien du prix du lait des producteurs. Dans un contexte de consommation française morose, elles bénéficient de la bonne tenue des produits laitiers, ou plutôt d’un équilibre positif : + 0,8 % des ventes en magasins en équivalent lait, selon l’Institut de l’élevage.

Les PME championnes des prix français

Les prix des grands groupes et des PME n’évoluent pas à l’identique. Chez ces dernières, qu’elles soient coopératives ou privées, l’année 2024 s’est terminée majoritairement par une baisse, mais, pour bon nombre d’entre elles, elles flirtent avec une reconduction de leur prix 2023. Le recul de 4,1 % en un an de l’indice des prix d’achat des moyens de production agricoles (Ipampa) utilisé pour prendre en compte l’évolution des charges des exploitations laitières y contribue. L’OP Saint-Père est un bon exemple. Elle a buté sur le sujet durant une partie de l’année avec la laiterie du même nom (Intermarché), qui atterrit à -8,56 €. Ces évolutions n’empêchent pas les PME de demeurer les championnes des prix du lait français.

Alsace Lait numéro 1

Seules les PME L’Ermitage, Alsace Lait et la Laiterie Saint-Denis-de-L’Hôtel (LSDH)-C’est qui le Patron ? ! augmentent leur prix 2024 de, respectivement, + 15,15 € (+ 19,21 € pour les coopératives UAC et CLFC), + 13,76 €/1 000 l et + 7,64 €.

Sans surprise, leur démarche non OGM les place parmi les meilleurs prix du lait français (lire l’encadré, ci-dessous). Pour la deuxième année consécutive, ils dépassent les 500 €/1 000 l. « Notre hausse provient essentiellement de la ristourne de 10 € versée sur les résultats 2023 de la coopérative », indique Philippe Bernhard, président d’Alsace Lait, spécialisée dans l’ultrafrais. « La croissance de nos volumes vendus a dilué les charges et notre plan de maîtrise des charges initié en 2023 a produit son plein effet l’an passé », ajoute-t-il.

La numéro 1 des prix français (538,47 €) bénéficie de l’appétence actuelle des consommateurs pour les produits sous marque de distributeurs (MDD). Exactement sur le même marché, sa concurrente normande Maîtres laitiers du Cotentin diminue, elle, d’un petit 1,48 €, mais c’est sans compter sa démarche non OGM qui se hisse en 2024 à 80 % de sa collecte (15,25 € de bonus en moyenne arithmétique). En effet, l’observatoire de L’Éleveur laitier n’intègre les primes liées aux marchés segmentés dans le calcul du prix des laiteries que s’ils concernent l’intégralité de leur collecte (non OGM, pâturage, aliments d’origine France, etc.).

Triballat-Rians : au-dessus des 500 € sans démarche non OGM

Dans ce paysage des MDD, Lact’Union grignote 43 % de la hausse accordée en 2023, faisant revenir la coopérative de la Somme à un prix moyen de 482,27 €. « La raison majeure du recul de 25 € est un rééquilibrage de la valorisation des ingrédients beurre-poudre qui a été supérieure au marché en 2023 », explique Sébastien Grymonpon, le directeur amont. Malgré ce recul, elle est une des quatre PME figurant dans le top 10 des prix en filière conventionnelle classique. Alors qu’elle n’est pas en filière non OGM, seule la laiterie Triballat-Rians (Centre), avec ses produits haut de gamme à marque entreprise, réussit l’exploit de dépasser la barre des 500 € (507,71 €, -5,47 €). Il lui a fallu néanmoins négocier avec l’OP pour s’éloigner du calcul contractuel qui aurait porté le prix plus haut.

Milleret (- 12,23 €) et dans une moindre mesure Pâturages comtois (- 5,06 €) traduisent le défi des deux fromagers à maintenir un subtil équilibre entre un prix du lait en phase avec leur environnement, leur capacité à négocier des hausses auprès des GMS françaises et à se défendre sur des marchés qui sont affaiblis depuis plusieurs mois par la concurrence de l’emmental européen. L’indice prix de vente industriel (PVI) des fromages a baissé de 1 % au dernier trimestre.

Les groupes coopératifs stagnent

Les grands groupes coopératifs oscillent également entre stabilité et légère baisse. En Bretagne-Pays de la Loire, grâce à la poursuite de sa convergence vers la Basse-Normandie, Eurial-Agrial ne bouge pas son paiement d’un iota (- 0,18 € et -1,29 € en Basse-Normandie). La coopérative normande est dans les traces de Sodiaal (et de Laïta), qui affiche -1,5 €/1 000 l. Davantage focalisés sur les PGC en abaissant à 16 % la part des produits industriels dans le mix-­produit, ses coopérateurs profitent moins de l’envolée des cotations du beurre, à environ 7 500 € la tonne fin février, soit 2 500 €/t de plus que l’an passé à la même époque.

Les leaders laitiers 10 € à 20 € plus faibles que les PME

En l’absence d’indicateur du Cniel, la valorisation beurre-poudre est calculée par les entreprises à partir du coût de fabrication des produits industriels qu’elles ont fixé ou négocié avec leur organisation de producteurs. Pour Lactalis, la médiation avec l’Unell début 2024 a abouti à un coût de 116 €/1 000 l. Sur cette base, la valorisation beurre-poudre – qui pèse pour 30 % dans la formule de prix de Lactalis-Unell – a fait un bond de 72 € dans le calcul du second semestre, assurant une revalorisation du prix de plus de 20 € sur six mois. L’augmentation du prix allemand (voir infographie), la revalorisation du prix de revient à 475 € au printemps et son poids monté à 35 % dans la formule ont fait le reste. Le prix 2024 de Lactalis progresse de + 5 € à + 6 € selon les régions et les OP.

Savencia se situe dans une fourchette un peu plus large : entre + 5 € et + 8,50 € selon les OP, avec négociations ou non. À l’exception de FMB Sud-Ouest, dont les prix de base ont été définis à partir de la clause de sauvegarde sur une partie de l’année (prix FranceAgriMer - 4 €). Sa prime partenariat avait été également suspendue.

Au final, Lactalis, Sodiaal, Eurial, Savencia et Laïta ne sont pas loin les uns des autres sur la ligne d’arrivée : entre 459 € pour Lactalis et 469 € pour Sodiaal en Bretagne-Pays de la Loire, région où les grilles de paiement sont proches. Ce peloton de leaders a surtout payé ses livreurs de 10 € à 20 €/1 000 l de moins que les PME.

Danone atypique

Ce n’est pas le cas de Danone. Avec un prix du lait entre 480 € et presque 500 € selon les OP, il fait cavalier seul devant les deux autres géants mondiaux Lactalis et Savencia. Les formules de prix contractuelles ont tiré le meilleur de la conjoncture économique. L’application de l’indice PVI des produits ultrafrais sur le prix du lait de l’année précédente et le bond de la valorisation beurre-poudre ont largement compensé la baisse du prix de revient (entre 422,35 € et 449,65 € en décembre dernier selon les OP).

Optimisme pour le premier semestre 2025…

Le premier semestre 2025 va encore profiter de la montée du prix allemand et de la valorisation beurre-poudre, puisque ces derniers ont un effet à retardement de deux à trois mois sur le paiement du lait français. La tension sur la collecte due à la FCO alimente également l’envolée allemande. En novembre, le prix outre-Rhin moyen en 38/32 s’élevait à 512,34 €. Il a continué sa progression en décembre, ce qui est de bon augure pour les prix français de février et mars. Les nouvelles démarches de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) lancées par les industriels vont consolider ce pronostic optimiste (enveloppe de 4 €/1 000 l chez Lactalis à partir du 1er mars et chez Eurial à partir du 1er avril).

… Mais des interrogations pour le second

De là à atteindre les + 20 € à + 30 €/1 000 l en 2025, comme l’ont communiqué en janvier Sodiaal et Lactalis (dont 10 € assurés par la partie PGC France), il y a un pas que des connaisseurs de la filière regardent de façon circonspecte.

Les dernières actualités soulèvent des interrogations. Les quelques cas de fièvre aphteuse allemands seront-ils jugulés, évitant une perturbation des flux laitiers européens ? Les fabricants français d’emmental, et plus largement les fromagers, se défendront-ils efficacement contre l’assaut de l’emmental européen ? Sodiaal, qui y consacre 25 % de sa collecte, planifie la fermeture du site historique morbihannais de Malestroit (15 000 t) à l’horizon 2028 pour renforcer celui de Montauban-de-Bretagne, en Ille-et-Vilaine (55 000 t). Dans le Calvados, Savencia fermera d’ici à juin une ligne de mozzarella sèche. Enfin, les Irlandais vont-ils revenir en force sur le marché de la matière grasse après une année en retrait ?

L’épine de la valorisation beurre-poudre

La suspension de l’indicateur interprofessionnel beurre-poudre depuis plus d’un an n’aide pas à répondre à ces incertitudes. En 2023, le collège des producteurs avait mis en doute la cohérence du calcul du coût de fabrication des produits industriels et dénonçait le montant assumé à 100 % par les producteurs. Prenant le problème à l’envers, il vient d’obtenir, avec les distributeurs et les coopératives, la publication de toutes les charges des exploitations laitières. L’Ipampa n’en couvre que 60 %. Si les industriels acceptent de les retenir dans la batterie d’indicateurs contractuels, elles maintiendront a minima le niveau du prix de revient pour la partie PGC France des formules. Lactalis l’augmente de 2 € à 477 € à partir du 1er mars, Savencia de 5 €.

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