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Mycotoxines dans les ensilages Comment identifier un risque d'intoxication chez les bovins ?

Symptômes persistants et qui surviennent sans explication, baisse de performances (2 à 3 l par jour sur la moyenne du troupeau), baisse de consommation, troubles de reproduction, chute d’immunité, absence de réponse aux traitements vétérinaires,etc. Quand les autres hypothèses plus classiques n’ont pas permis de résoudre ces problèmes, une contamination de la ration par des mycotoxines est une piste à envisager.

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Même si la flore du rumen et le foie ont un « pouvoir détoxifiant » face aux toxines émises par les champignons, il n’est pas toujours suffisant pour éviter les problèmes de santé chez la vache laitière. Face à un troupeau peu fringant, la piste mycotoxines reste difficile à identifier de façon formelle.

Produites par des champignons microscopiques, les mycotoxines se développent à l’état naturel sur de nombreux végétaux. Résistantes à la chaleur, elles restent sur le végétal, même si le champignon a été détruit et n’est plus visible. Leur mise en évidence n’est pas du tout facile : ainsi, même si la conservation peut sembler bonne, l’aliment peut être contaminé, et à l’inverse, la présence de moisissures n’implique pas forcément la production de toxines. Seule une analyse, complexe à réaliser et à interpréter, permet une détection de ces molécules.

Champs, stockage et coproduits

Dans les conditions de culture européenne, on distingue :
-> Les mycotoxines de champ : se développent durant la culture, sur les céréales, avec des conditions d’humidité élevées principalement à la floraison. Ce sont les mycotoxines que l'on rencontre le plus souvent, et qui ont le plus d'impact sur la production laitière. Elles sont produites par des champignons de type Fusarium. Ce sont les trichothécènes comme la désoxynivalénol ou DON., la Déoxynivalénol, la Zéaralénone, et la Fumonisine, d’autres encore moins fréquentes mais plus toxiques comme la toxine T2, ou la toxine HT2. Les champignons présents sur la plantes peuvent aussi se multiplier en présence d’air dans le silo.

-> les mycotoxines de stockage, qui se développent dans des fourrages mal conservés, silo ou enrubanné.

En France, le principal risque observé est plutôt sur l’ensilage de maïs, mais il existe aussi sur l’ensilage d’herbe ou les céréales stockées à la ferme.

-> Les coproduits qui sont surtout constitués d’enveloppes, là où s’accumulent les moisissures et donc les mycotoxines sont aussi concernés, surtout si leurs conditions de stockage ont été mauvaises.

Remarque : les Aspergillus producteurs d’aflatoxines, qui sont cancérigènes, ne sont pas une préoccupation pour les productions européennes car ils nécessitent des conditions de climat de type intertropical.

Effets des mycotoxines

Ces molécules ont des effets très divers selon leur nature et la quantité consommée, et selon l'espèce animale ou l'homme qui les consomme. Les effets sont plus importants sur les porcs : diminutions de consommation, voire vomissements et avortements, ainsi que sur les volailles.

Chez les ruminants, les cas aigus d’intoxication sont rares. La plupart des intoxications sont dues à l’ingestion de faibles doses de mycotoxines pendant de longues périodes, provoquant des effets de saturation de l’organisme. Les effets dépendent de la nature et de la dose de toxines ingérées, de l’interaction entre mycotoxines et de la sensibilité des animaux qui varie d’un troupeau et d’un animal à l’autre. Plus il y a de mycotoxines différentes dans une ration, plus il se produit d’effet synergique entre elles. Par exemple, le "cocktail" Don + Zéa amplifie la toxicité de chacune.

Les facteurs favorisant la présence de mycotoxines

Ils sont nombreux !

Pour les céréales :
• Le climat est le facteur principal. La teneur du blé en DON augmente sous la dépendance de la pluie et de la douceur de la floraison jusqu’à la maturité. C'est ce qui explique que les blés "biologiques" peuvent être autant contaminés que les autres.
• L’espèce végétale : les maïs sont les plus contaminés suivis du blé dur, blé tendre, orge de printemps et orge d'hiver.
• Les variétés sont plus ou moins sensibles au fusarium.
• Les reliquats de la récolte précédente peuvent être plus ou moins chargés en inoculum.  
• Les semis sans labour, l’absence de rotation, favorisent la présence des fusariums producteurs de mycotoxines.
• La protection phytosanitaire. En particulier, les triazoles agissent principalement contre les fusariums vrais et font chuter la teneur en DON.
• La qualité de nettoyage de la céréale : plus elle est nettoyée, moins il y a de grains fusariés, abîmés et contaminés.
Pour le maïs : les attaques de pyrale favorisent le fusarium, la date tardive de récolte, les conditions de stockage (stockage en cribs) qui maintiennent longtemps les épis dans des conditions d'humidité forte, sont favorables au développement des fusariums.

Les analyses possibles

La présence de mycotoxines se détecte grâce à des analyses : sur les matières premières, sur la ration complète et sur les organes et les fluides. Mais il reste difficile d’établir une interprétation fiable des résultats, pour de nombreuses raisons. Il s’agit de très petites doses présentes et d'une répartition aléatoire dans les fourrages (dosage en ppm soit l’équivalent d’1 g de toxine par tonne de fourrage). Si on fait seulement une analyse, on peut passer à côté d’une contamination.

Il faut faire appel à un laboratoire compétent sur l’analyse des fourrages en mycotoxines et suivre précisément les indications données. Les échantillons doivent être prélevés avec un protocole spécifique. Ex : plusieurs poignées réparties tout le long de l’auge pendant une semaine, mélange de ces prélèvements, et extraction d’un échantillon moyen pour analyse.

Si l’idéal est de faire une analyse au moment de l’ensilage, on peut aussi analyser des rations complètes, généralement préférées aux analyses individuelles de fourrage conservé. Les seuils de détection étant très fins, il n’est pas évident de donner des seuils d’alertes sur l’impact de ces substances sur les animaux.

L’analyse permet seulement de conclure sur la présence de telle(s) mycotoxine(s) et de donner une indication sur le niveau de contamination. Une analyse négative peut aussi signifier qu’on est passé à côté de la partie contaminée. Ces analyses sont coûteuses (autour de 100 euros) avec généralement des délais longs pour les résultats. L’analyse seule ne suffit pas, elle fait partie d’une démarche plus globale de diagnostic

Lutter contre les mycotoxines

Si on a pu établir qu’un fourrage ou un aliment contenait des mycotoxines, l’idéal est de ne plus le distribuer aux animaux, ce qui n’est pas forcément simple. On peut aussi le diluer en mélangeant  avec un fourrage sain.
Renforcer la prévention
Au niveau de la culture :
•  Choisir des variétés de céréales résistantes aux fusarioses,
•  Eviter les rotations blé sur blé ou maïs sur maïs,
• Eviter le non labour qui augmente significativement le risque de développement de mycotoxines,
•  Maîtriser le risque fongique,
•  Après la récolte, la qualité du stockage est à soigner selon les conseils habituels.

Au niveau du troupeau :
•  Un troupeau en bon état sanitaire.
•  Diversifier et équilibrer la ration.
•  Limiter les risques d’acidose, qui peuvent amplifier les effets des mycotoxines.

Les Additifs en cas de présence confirmée

•  Les absorbants (capteurs) ou détoxifiants : argiles travaillées, parois de levures, bactéries, qui vont se coller à la mycotoxine et lui faire parcourir le tube digestif pour être éliminée dans les déjections : efficaces surtout sur mycotoxines de petite taille (aflatoxine, ochratoxines) et de stockage, moins  fréquentes chez nous.

Les biotransformateurs : bactéries champignons, levures spécifiques, enzymes capables d’agir sur les mycotoxines les plus courantes (trichothécènes, Don) et de les transformer en produits non toxiques pour l’organisme.

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