« Mieux anticiper les difficultés avant de s'installer »
Une trésorerie qui se dégrade, un problème de santé, des mésententes entre associés qui plombent le fonctionnement de l'élevage… Des difficultés peuvent survenir, parfois dès l'installation, et mettre en péril le futur de l'exploitation. Mieux vaut donc les prévenir en amont lors du parcours d'accompagnement.
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« Face aux difficultés sur la ferme que peut rencontrer tout éleveur, plus on agit tôt, plus les mesures d’accompagnement sont efficaces », souligne Cécile Planchais, agricultrice à Noyal-sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine), élue référente de la cellule Réagir(1) dans le département. Ces difficultés peuvent provenir d’un manque de rentabilité économique, de contraintes externes (réglementation, perte de foncier...) ou de soucis personnels (santé, famille, etc.), qui mettent à mal la pérennité de l'entreprise.
Parmi les 500 exploitations qu’elles suivent en moyenne chaque année, les cellules Réagir de Bretagne ont noté une surreprésentation des jeunes agriculteurs. « Un signalement sur cinq concerne une structure avec au moins un jeune installé depuis moins de cinq ans, ceux qui n'ont pas été accompagnés étant surreprésentés, détaille Catherine Lerat, animatrice de la cellule d’Ille-et-Vilaine. Les exploitants en début de parcours ont souvent beaucoup de prêts en cours, une faible marge de sécurité, un manque de trésorerie, une plus grande fragilité face aux aléas climatiques. »
1 Dispositifs des chambres d’agriculture, les cellules Réagir proposent, suite à un signalement ou appel d'un agriculteur, un accompagnement personnalisé débutant par un audit technico-économique et débouchant sur des préconisations (plan d’actions, procédures judiciaires, arrêt d’activité...).
Anticiper les besoins de trésorerie
Ce qui a été le cas de Cyrille Filleul, installé en élevage à Vieux-Viel (35). Sa conjointe, Céline Prudor, l’a rejoint sur l’exploitation en 2012 pour développer une activité de diversification cidricole. « Il y a eu les vergers à replanter, du matériel à acheter, pour une production pour laquelle il fallait attendre plusieurs années avant d'en tirer un revenu, explique-t-il. Nous avons voulu auto-financer le développement du verger, ce qui a entraîné des problèmes de trésorerie ».
Face à la dégradation de leur situation financière, Cyrille et Céline contactent la cellule Réagir. « Le conseiller nous a aidé à mettre tous les chiffres à plat, à établir un prévisionnel sur cinq ans et à mener des négociations avec les fournisseurs et la banque. Ainsi, nous avons pu régler nos ennuis de trésorerie ». Avec le recul, le couple regrette de ne pas avoir mieux anticipé le besoin de trésorerie dès l’installation sur l'élevage de Céline.
Un objectif de revenu supérieur à 1,5 Smic
Pour éviter de telles situations, le parcours à l’installation en agriculture donne des clés pour muscler les projets. « Nous incitons les futurs installés à avoir une approche entrepreneuriale, en assurant la viabilité économique notamment via l’objectif de dégager au minimum 1,5 Smic au bout de quatre ans », explique Ninon Frémaux, conseillère installation à la chambre d’agriculture de Bretagne. Parmi les repères d’efficacité économique : un EBE sur produit brut supérieur à 25 %.
Garantir une bonne rentabilité commence par une reprise d'exploitation au juste prix. Le futur éleveur doit aussi vérifier tout ce qui pourrait pénaliser le bon fonctionnement de la ferme : l’état du cheptel et du matériel, les besoins de mise aux normes mais aussi les aspects réglementaires comme les contraintes en termes d’urbanisme.
Une marge de sécurité de plus de 10 % de l'EBE
Pendant l'accompagnement, il va être sensibilisé à la gestion de la trésorerie. « Nous lui conseillons de prévoir un fonds de roulement, de pas chercher à trop autofinancer, de bien planifier les investissements », détaille Ninon Frémaux. Le but : garder une sécurité financière pour faire face aux imprévus. La marge de sécurité conseillée étant supérieure à 10 % de l’EBE. Par ailleurs, si plus de 30 % du chiffre d’affaires doit être réalisé en circuit courts, il faut réaliser une étude de marché.
Au-delà des aspects économiques, la fragilité d’une installation en élevage peut venir d’un temps de travail sous-estimé. « Une calculette permet d’évaluer le travail. Il est recommandé de ne pas dépasser 60 h/semaine pour limiter le risque d’épuisement professionnel et préserver l'équilibre vie pro/vie perso », détaille Ninon Frémaux. Face à un temps de travail excessif, les conseillers encouragent les jeunes éleveurs à réfléchir aux possibilités d’embauche ou de délégation.
Dans le cas d’une installation en société, la mésentente entre associés peut être source de tensions. Pour les prévenir, le porteur de projet agricole est invité à suivre une formation sur le travail en collectif. En plus de ces mesures de prévention, un rendez-vous est prévu avec son conseiller 18 à 24 mois après l’installation afin de comparer prévisionnel et réalisé. « En cas de décrochage économique, le jeune est dirigé vers un conseiller de la cellule Réagir avant que la situation n’empire », souligne Ninon Frémaux.
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