Quatre éleveurs montent une fromagerie collective pour « mieux payer leur lait »
À Burdignes, dans la Loire, quatre exploitations laitières ont créé leur fromagerie collective. Ouvert en 2023, l’atelier de transformation connaît un franc succès et permet à ses éleveurs de Montbéliardes de mieux valoriser leur production.
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Dans les monts du Pilat, à la sortie de la commune de Burdignes, un large bâtiment attire l’œil. Recouvert d’un bardage bois, dominant les prairies environnantes, il renferme la fromagerie des 4 fermes. 700 m² entièrement dédiés à la transformation et au stockage de fromage, issu — comme son nom l’indique — de quatre fermes dans un rayon de moins de 10 km. Laurent Gallupaud et Olivier Legars, de la ferme des Ayguées, Joan et Alban Vallat du Gaec de Montchal, ainsi que Julien Gery et Damien Carrot, tous deux installés en leur nom propre, sont les six éleveurs à l’origine de ce commerce florissant ouvert en mai 2023.
Leur réflexion a débuté en 2016, lorsque la coopérative locale a été rachetée par un groupe agroindustriel. « On s’est demandé comment valoriser nous-mêmes nos produits, raconte Julien Gery, installé dans un petit bureau derrière le magasin de la fromagerie. Plusieurs d’entre nous faisaient déjà de la vente directe, pour des pommes de terre, de la viande, etc. donc logiquement on a pensé à la transformation. » Leur choix s’est vite orienté vers le fromage, un produit très demandé et qui permet d’offrir une large diversité, de la faisselle, au brie, en passant par des fromages à pâte pressée type reblochon, de la tomme ou encore du bleu.
Si on avait acheté un gros tracteur, l’investissement aurait été le même
Avec un peu de chance et surtout d’huile de coude, les éleveurs ont pu lancer leur activité sept ans plus tard, avec une salariée embauchée à temps plein dès l’ouverture. « A quatre, on a mis 660 000 euros sur la table, si on avait acheté un gros tracteur, l’investissement aurait été le même, calcule Julien. Sauf que ça, ça rapporte… Un tracteur ça ne rapporte rien ! » Energique et jovial, l’éleveur pousse fièrement les portes des différentes salles, en déroulant l’histoire de la fromagerie.
Le bâtiment — propriété d’une société civile immobilière (SCI) créée par les éleveurs et loué par la société par actions simplifiée (SAS) dont ils sont les gérants – a été construit spécialement pour leur activité grâce à un investissement d’1 million d’euros, soutenu à hauteur de 36 % par l’Europe, la Région, le Département et le Parc naturel régional du Pilat. « Mais ce qui nous a reboostés, c’est que l’on a trouvé un équipement de fromagerie aux enchères, explique l’éleveur. C’était exactement le bon dimensionnement… Sans ça, on n’en serait pas là aujourd’hui ! »
Un bénéfice de 20 000 euros dès la première année
Depuis, tous les indicateurs sont au vert. Dès la première année d’activité, 220 000 litres de lait sont transformés et le chiffre d’affaires atteint 350 000 d’euros, un résultat qui dépasse largement les espérances des éleveurs. « Pour la clôture de l’exercice 2024 on avait anticipé un déficit de 70 000 euros, détaille Julien Gery. Au lieu de ça, on a fait un bénéfice de 20 000 euros ! »
Un succès qu’ils doivent notamment aux doyens, Laurent Gallupaud et Olivier Legars, qui produisaient déjà des yaourts depuis plus de 20 ans pour la restauration collective et dont les clients ont immédiatement souhaité acheter des fromages. Le magasin situé à l’entrée de la fromagerie est l’autre clé de cette réussite : en 2024, les ventes en direct à la fromagerie ont représenté 30 % du chiffre d’affaires, avec des horaires d’ouverture limités à deux heures les samedis et dimanches matins. « Ce sont des clients du secteur, de Saint-Etienne ou de la Vallée du Rhône. On ne pensait pas que ça marcherait autant, souffle Julien. Mais il ne faut pas relâcher ! »
Un objectif de 600 000 litres de lait transformés
Pour atteindre un équilibre viable, l’équipe mise sur la transformation de 600 000 litres de lait par an – l’outil pouvant aller jusqu’à un million de litres de lait transformé chaque année. « Actuellement on a deux salariées, à terme on aimerait pouvoir embaucher plus de monde pour passer moins de temps à la fromagerie et à la livraison et pouvoir se dédier à nos fermes », explique Julien. Pour atteindre cet objectif, la fromagerie des 4 fermes doit désormais développer sa clientèle, notamment en région lyonnaise.
« Au démarrage, on allait voir quelques personnes dans les alentours et on trouvait facilement des clients. Aujourd’hui, il faut aller chercher plus loin, mais en plus de notre boulot à la ferme c’est compliqué », fait remarquer l’éleveur. Pour mener ce travail chronophage, les éleveurs cherchent désormais à employer un commercial. Car derrière le sourire de Julien Gery se cache aussi une certaine fatigue accumulée depuis plus de deux ans. « On court un peu tout le temps, raconte-t-il en riant. Mais je pense qu’on est déjà plus performant qu’au début ! »
Le volume de lait, en tout cas, est loin de manquer. Deux ans après l’ouverture de leur fromagerie, les éleveurs continuent de vendre une partie de leur production en coopérative. « Ici, on passe surtout le lait des bio pour qui les cours étaient très bas ces dernières années », précise Julien. En l’occurrence, la société des 4 fermes achète le lait 500 euros les mille litres. « On va même le passer à 550 euros en septembre ! Pour nous l’objectif ce n’est pas que la société fasse du chiffre, ce qu’on veut c’est payer le lait », insiste l’éleveur.
Pauline De Deus
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