En Savoie, la pratique de l'entrave associée aux filières AOP-IGP
L’entrave est dénoncée par les associations de défense des animaux. Selon elles, elle ne respecte pas une des cinq libertés du bovin. Les AOP et IGP de montagne répondent qu’elle correspond aux réalités de l’élevage en altitude.
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Pratique historique, l’entrave est depuis quelques années source de questionnements en France et au sein de l’Union européenne, notamment en matière de bien-être animal. En bio, elle n’est autorisée que pour des troupeaux de moins de 50 UGB (suite non comprise). Selon les associations de défense des animaux, elle ne respecte pas la liberté d’exprimer le comportement naturel du bovin. L’attache l’empêche de vivre en groupe et de développer des interactions telles que le léchage.
Très minoritaires en France (à peine 2 % des bâtiments laitiers en 2021), les systèmes à l’attache restent toutefois bien présents dans les zones montagneuses européennes, en Allemagne, Autriche, Pologne, Suède et Norvège (hors UE). Dans l’Hexagone, les organisations agricoles des massifs franc-comtois, savoyard et central se mobilisent pour les améliorer. Si certains systèmes d’attache sont effectivement problématiques (animaux incapables de se mouvoir ou de se coucher confortablement, tête contre le mur, place insuffisante, etc.), ils considèrent que d’autres ne portent pas atteinte au bien-être des animaux (accès à une aire d’exercice extérieure, par exemple). Ils renforcent le lien éleveur-animal et ont leur place dans un système de pastoralisme où les animaux pâturent librement pendant la majeure partie de l’année.
Concrètement, dans quatre départements montagnards (Savoie, Haute-Savoie, Puy-de-Dôme et Cantal), une vaste étude s’attache depuis 2021 à dresser un état des lieux quantitatif et qualitatif des systèmes d’élevage avec attache.
Multipartenariale, l’étude Entravenirs (1) s’est intéressée au bien-être des animaux. Le ressenti des éleveurs mais aussi les attentes de la société civile vis-à-vis de ces systèmes ont été recueillis. Des voies potentielles d’amélioration ont été listées : aération, lumière, dispositifs d’attache, sortie et salle de traite extérieure, etc. Une réflexion portant sur une démarche d’accompagnement des éleveurs est engagée.
Les systèmes à l’attache étroitement liés au pastoralisme
Dans les régions montagneuses et fromagères telles que les Savoies, où 45 % du lait AOP-IGP collecté est produit avec ce type de bâtiments, l’enjeu est important. « Les systèmes à l’attache sont étroitement associés aux filières AOP-IGP et au pastoralisme, avec des animaux qui valorisent les alpages plusieurs mois de l’année », pointe Jean-Luc Duclos, président de l’Association des fromages traditionnels des Alpes savoyardes (Aftalp), qui regroupe huit filières fromagères sous signe de qualité savoyardes (2). « Plus on monte en altitude, plus ces types de bâtiment sont représentés, topologie du terrain et températures obligent. Une interdiction handicaperait l’agriculture savoyarde et fragiliserait un peu plus ce système déjà mis à mal par les maladies émergentes et les prédateurs (loup). »
L’étude Entravenirs a mis en avant une grande diversité des bâtiments : « historiques », « classiques » et « équipés ». Leurs modes de fonctionnement influencent les conditions de travail de l’éleveur et le confort des animaux. Sombres et confinés, les premiers disparaissent au fur et à mesure que les éleveurs partent à la retraite.
Modernisation en continu
Alors que l’étude arrive à son terme, les responsables professionnels savoyards sont optimistes. « À Bruxelles, les priorités concernant le bien-être des animaux se sont déplacées sur le transport et l’élevage des petits veaux, observe Sébastien Breton, directeur de l’Aftalp, ce qui donne du temps supplémentaire pour défendre l’intérêt de ces bâtiments adaptés aux réalités de l’agriculture de montagne : altitude, climat, disponibilité du foncier, pente, coût, organisation du travail l’hiver. Depuis les années 1990, en Savoie, nous avons la chance d’avoir des programmes d’amélioration des bâtiments. Grâce aux financements de l’Europe, de l’état et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, une partie d’entre eux font l’objet de modernisation en continu, réalisée souvent à l’occasion du renouvellement d’un associé. »
(1) Avec les chambres d’agriculture, l’Aftalp, le Ceraq, le Pôle fromager AOP Massif central, l’Inrae, l’Idele, le Cniel.
(2) Abondance, beaufort, reblochon, tomme des Bauges et de Savoie, emmental et raclette de Savoie, chevrotin.
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