Changement climatique Herbe, maïs, céréales : quel sera l'impact de l'évolution de la pluviométrie ?
Même si la Bretagne n’est pas la région la plus pénalisée par l’augmentation des épisodes de sécheresse, les agriculteurs savent que la disponibilité en eau va se compliquer. Les adhérents du Ceta 35 ont décidé de réfléchir en groupe aux nécessaires changements de pratiques pour y faire face.
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Si, ce printemps, la nature pêche plutôt par un excès de précipitations, « il faut se préparer à ce que, en 2050, nos années ressemblent à 2022, avec sa sécheresse et ses 3 épisodes caniculaires », prévient Serge Zaka. L’agroclimatologue a entamé une réflexion de longue haleine avec les adhérents du Ceta 35. « Nous devons anticiper les changements de pratiques qui nous permettront de faire face à ces nouvelles conditions », encourage Didier Besnard, président du Ceta 35.
Le changement climatique a un effet sur la hausse des températures mais aussi sur les précipitations. « On va vers plus de précipitations en hiver et un creux plus marqué en été », avance l’agroclimatologue. Les différences s’accentueront entre le nord et le sud de la France, avec des précipitations stables, voire en hausse au nord alors que les modèles montrent une diminution au sud. « C’est déjà le cas, confirme Serge Zaka. En Bretagne et en Normandie, il pleut plus qu’avant 1961. Alors que le Sud s’assèche ». En plus, l’augmentation des températures va entraîner une hausse de l’évapotranspiration. Même dans l’Ouest, les sols les moins profonds seront confrontés régulièrement à la sécheresse.
« Les zones de rentabilité des cultures vont changer, certaines cultures vont perdre de l’intérêt, d’autres en gagner », prévient Serge Zaka. Dans l’Ouest, les prairies ne devraient pas perdre en productivité mais la répartition annuelle de la pousse de l’herbe changera. Les animaux pourront sortir plus tôt, avec une anticipation et une hausse de la production printanière, grâce à l’augmentation du taux de CO2 et à des températures plus clémentes. Par contre, le déficit de pousse sera plus marqué en été, avec la nécessité d’un affouragement. L’automne devrait apporter une 2e période de pousse.
Dans la moitié nord de la France, les cultures d’hiver devraient mieux s’en sortir que les cultures de printemps lors des années sèches. « Le rendement du blé, de l’orge d’hiver, du colza pourrait augmenter en Bretagne et en Normandie, du fait d’une photosynthèse favorisée par le taux de CO2 et parce que ces cultures devraient échapper au stress hydrique pendant le remplissage contrairement aux régions du sud », prévoit Serge Zaka. Le tableau est moins prometteur pour le maïs. « L’amélioration variétale ne suffira pas à contrebalancer la sécheresse. D’ici 2040/2050, même au nord, il faudra passer à d’autres cultures, comme le sorgho ».
Face à l’évolution de la répartition saisonnière des précipitations, c’est l’addition de changements de pratiques qui aidera l’agriculture à faire face. Il va falloir penser au stockage de l’eau, y compris en augmentant la capacité de rétention des sols, par les couverts, par un moindre recours au labour. De nouvelles espèces, de nouvelles génétiques seront à tester. Les assolements seront à repenser pour augmenter la part de cultures d’hiver, pour avoir des stratégies d’évitement estival avec des récoltes plus précoces.
Une ressource précieuse à partager
Non seulement, l’agriculture va devoir faire avec une ressource en eau plus variable mais elle va aussi devoir la partager avec une population plus nombreuse. « Les besoins que nous avions prévus pour 2030 sont déjà atteints depuis 2020 du fait de la hausse de la population », explique Antoine Deconchy, directeur du syndicat des producteurs d’eau d’Ille et Vilaine. En Bretagne, l’approvisionnement en eau potable est fragile car il dépend quasi exclusivement de ressources de surface et est soumis à une forte hausse de la population en été. Le syndicat a lancé une campagne de diagnostics dans les exploitations pour mieux identifier les besoins spécifiques à l’agriculture et les pistes pour réduire la consommation. Il y a encore peu d’installations de stockage des eaux de toiture. « Elles ont un coût, reconnaît Joseph Boivent, président du SMG 35. Mais, pour la préservation de la ressource, il serait judicieux de substituer l’eau pluviale à de l’eau potable pour tout ce qui est nettoyage ».
Beaucoup d’exploitations disposent d’un forage. « Là aussi, il serait intéressant de l’économiser en hiver pour garder cette ressource pour l’été quand on connaît des tensions sur le réseau », encourage Joseph Boivent.
Les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, c’est par une addition de changements de pratiques que l’agriculture va devoir s’adapter au nouveau contexte climatique.
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