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Révolution manquée

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ParDominique Grémy
rédacteur en chef adjoint

Il y a dix an s, les images d’éleveurs épandant leur lait dans les champs ont créé un électrochoc. Quatorze jours de grève du lait pour jeter un produit qui ne rémunère plus ses producteurs. Une jacquerie des temps modernes que personne n’avait vue venir. Cette spontanéité et l’ampleur du mouvement ne sont pas sans évoquer celui des Gilets jaunes, avec plusieurs degrés de violence en moins. On y voyait déjà l’expression d’une colère contre un système qu’on ne comprend plus et un mal-être économique bien réel.

C’était aussi une révolte contre les élites de la profession – présidents de coop ou d’OPA, de syndicats –, perçues comme vendues au dogme libéral de l’UE. Et là encore, les arguments populistes n’étaient jamais loin. Mais l’Apli, initiatrice de ce schisme, permettait à nombre d’éleveurs, jusque-là dans l’ombre, d’exprimer collectivement l’espoir de peser enfin pour des jours meilleurs. Un espoir de courte durée. Qu’ont-ils obtenu ? Bien peu et surtout pas cette Pac protectrice et un État régulateur capable de prévenir les crises. L’Europe du Nord n’en voulait pas, alors nous ne l’avons pas eu. Ce que nous avons connu, c’est une nouvelle crise tout aussi brutale en 2016 et plus de 20 000 producteurs disparus en dix ans.

Les leaders de ce mouvement se sont rapidement entredéchirés et la dynamique s’est éteinte. Il est curieux de constater que plusieurs d’entre eux sont alors passés d’un schéma de production « intensif-maïs-génétique » à celui « d’herbager-bio-vente directe », le seul encore sécurisant. La révolution est plus facile à faire chez soi.

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