Affaire du cheval Un effet collatéral de la guerre des prix
Nul n'en doutait mercredi au Salon de l'Agriculture : du cheval, on va en trouver encore dans d'autres plats, d'autres préparations. Cette fraude, dont il s'avère qu'elle aura essaimé dans toute l'Europe, est vue comme un effet collatéral de la guerre des prix bas.
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Engagées dans un combat sans merci, les grandes enseignes font pression en amont sur leurs fournisseurs alors que les producteurs souffrent d'une rémunération insuffisante, qu'il s'agisse du lait ou de la viande, et qu'une hausse de quelques centimes suffirait pour changer la donne.
« Je n'aurais jamais imaginé de réseaux d'une telle ampleur », confiait mercredi Philippe Mangin, président de l'Alliance des coopératives agricoles (Acooa), pourtant « pas naïf », précisait-il. « On est en train de découvrir des Jérôme Kerviel dans le monde de la viande », référence aux pratiques frauduleuses de l'ancien trader de la Société Générale. « Pour moi, tout ça s'inscrit dans le contexte d'une guerre épouvantable entre distributeurs, destructrice de valeur », ajoute ce patron de coopératives.
A l'autre bout de la ligne tant leurs philosophies diffèrent, Jean-Pierre Duclos, président d'Evea, une association de 25.000 éleveurs bovins et acheteurs indépendants, tient pourtant le même langage. « Cette affaire va permettre une remise à plat : une grande partie des consommateurs est lésée par la guerre des prix alors qu'on n'arrive pas à augmenter nos cours : la France a perdu 100.000 vaches l'an dernier, à cause d'éleveurs qui ont jeté l'éponge », affirme-t-il.
Lui-même installé près de Tarbes, il prévient : « il va falloir commencer à payer un peu plus cher, y compris chez le consommateur : aujourd'hui, un élevage en viande bovine génère environ 16.000 euros par exploitant et par an. Pour le lait, rajoutez 18.000 à 20.000 euros », d'où les indispensables aides européennes. Selon Jean-Pierre Duclos, il faudrait au minimum relever la viande de « 50 centimes/kilo-carcasses, soit 15 centimes de plus pour le consommateur ».
Paroxysme
La complainte revient partout en écho sur le Salon. Chez les éleveurs de porcs, qui réclament une revalorisation « de 15 à 20 centimes par kilo ». Chez les laitiers, qui répondaient samedi au président François Hollande leur promettant sur le salon des « mesures exceptionnelles », qu'il suffirait « d'ajouter 2 centimes à la brique de lait ». « Ça nous permettrait tout juste de rester en place », soulignait Christophe Le Nozach, venu du Morbihan alors que les charges ont augmenté de 50 euros/1.000 litres de lait l'an dernier.
Montrés du doigt, les intermédiaires qui refusent d'augmenter les prix pour ne pas effaroucher le consommateur et les pressions des distributeurs qui les menacent de « déréférencer » leurs produits. De les chasser de leurs rayons.
Dans l'affaire des plats préparés au cheval, qui permettent d'écouler une viande vendue environ 30 % moins cher que le bœuf et encore s'agit-il de morceaux qui n'auraient trouvé place sur aucun étal, la guerre des prix a atteint un paroxysme. « La surenchère des prix bas menace toutes les productions mais rien n'y fait : ni le législateur, ni la contractualisation » à laquelle résistent la plupart des enseignes, note Philippe Mangin.
Evidemment, convient-il, la pression se porte aussi sur les industriels qui se sont gardés de procéder aux vérifications de leurs livraisons. « C'est au minimum un manque de vigilance, un problème de gouvernance et d'autocontrôle », admet Philippe Mangin. « Mais ça repose aussi la question de l'origine des produits sur l'étiquette, posée depuis longtemps par la Coopérative. Le monde de l'agroalimentaire était contre », dénonce-t-il.
Pour son « opposant », comme se qualifie Jean Pierre Duclos, « il est temps que le consommateur reprenne le pouvoir : arrêtez de ne regarder que le montant de l'étiquette » dit-il, en invitant à comparer le prix/kilo du plat industriel et celui en rayon « tradi ».
Selon une étude du cabinet Oc&C publiée mercredi, le prix reste le facteur déterminant de motivation à l'achat pour les consommateurs, notamment dans l'alimentaire.
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