Ne laissez pas la diarrhée l’emporter
Sans soins, un jeune veau en diarrhée se déshydrate rapidement. Nursing, surveillance et réhydratation orale et/ou intraveineuse sont les maîtres mots de la gestion de cette maladie à l’issue mortelle sans prise en charge.
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Face à la déshydratation d’un veau, la première question à se poser, selon Clément Marhuenda, vétérinaire au sein du cabinet Arcalys de Châteaubriant (Loire-Atlantique) et membre de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), est « quand perfuser ? » Tout va dépendre de l’examen clinique, mais, globalement, « quand il y a plus de 8 % de déshydratation, il va falloir de toute façon le faire. L’œil est alors au fond des orbites et le test du pli de peau est positif », rappelle le vétérinaire. Un veau chétif sera d’autant plus en danger du fait de réserves en graisse et en sucre réduites et pourra sombrer plus rapidement dans le coma. Plus la diarrhée est aiguë ou persistante, plus la déshydratation se complique par des troubles acido-basiques et électrolytiques. « Le tableau clinique est alors de moins en moins facile à évaluer, nécessitant la venue du vétérinaire pour discriminer déshydratation, acidose ou alcalose métabolique. En effet, si la complication majeure ? et la plus classique des diarrhées de veaux ? est l’acidose métabolique par perte excessive de bicarbonates dans la diarrhée, l’expression clinique de cet état (absence de succion, veau aréactif voire incapable de se lever) est très proche de celui lié à une déshydratation sévère, situation ne nécessitant PAS de bicarbonates. Dans ce cas, un apport intraveineux en excès de bicarbonates aura pour résultat une alcalose (pH trop basique) qui est cliniquement strictement similaire à l’acidose ! Si l’état se dégrade encore au stade de coma, les désordres électrolytiques viennent finir le travail avec une hypokaliémie (chute du potassium sanguin) puis des hyperkaliémie et hypernatrémie (augmentation du taux de sodium sanguin) qui sont alors quasi systématiquement létales. Aussi, quand il y a un trouble du rythme cardiaque, il faut penser au potassium », a expliqué Clément Marhuenda, lors des dernières journées techniques des GTV.
Réhydrater par voie intraveineuse
Mieux vaut donc s’atteler à traiter rapidement la diarrhée, afin de gérer le « simple » problème de réhydratation plutôt que les complications secondaires, plus graves. Cela explique aussi pourquoi une réhydratation par voie orale adaptée permettra d’éviter cette cascade parfois dramatique.
« Plus globalement, une diarrhée, c’est très compliqué et, plus elle dure, plus c’est compliqué », relève Clément Marhuenda. Une perfusion est un rééquilibrage sanguin d’urgence qui n’est valable que six heures. Après il faut réévaluer l’état du veau pour voir s’il faut reperfuser ou prendre le relais par voie orale (l’éleveur ou la vache). « Il faut donc soit rappeler l’éleveur, soit qu’il vous donne des nouvelles. Il faut qu’il accepte de laisser l’urgent pour l’essentiel et qu’il aille voir son veau. Le nursing du veau est également primordial. Avec plusieurs veaux malades, c’est la guerre. Près de 20 heures sur 24 à veiller ses animaux pour l’éleveur. C’est comme ça ! Attendez-vous à les voir craquer… Et donc à les accompagner ! » Et de reprendre sur l’importance de bien gérer la température de l’animal et du soluté perfusé. « Vous tuerez beaucoup plus de veaux avec un soluté mal réchauffé qu’avec un soluté hypertonique (enrichi en bicarbonates et en glucose) », prévient-il. La vitesse de perfusion est importante. « Il faut prévoir au maximum un litre de soluté isotonique pour quinze minutes pour un veau de 50 kg (4 l/h/veau ; 80 ml/kg/h) et 0,5 litre pour un soluté hypertonique pour quinze minutes pour un veau du même poids. Il faut également surveiller l’animal pour savoir comment il encaisse la perfusion. Et, avant tout, trouver la veine », détaille-t-il. « Tout va dépendre du volume à injecter, de la contention possible et de la motilité du veau. Mais, quand il n’y a plus de veine accessible, il n’y a plus de perf’ possible », alerte le vétérinaire.
Réhydrater par voie orale
Avant d’en arriver à la perfusion ou en relais de celle-ci, il est possible de réhydrater et d’apporter tampon et énergie au veau par voie orale. Les objectifs sont les mêmes que pour les perfusions : restaurer le volume sanguin, redonner de l’énergie et des électrolytes. Ces trois éléments sont à envisager sur un pied d’égalité. L’objectif de la prise en charge d’une réhydratation, orale comme intraveineuse, est de gérer les 2/3 des manques, le veau faisant le reste du travail. La déshydratation doit être inférieure à 8 % pour instaurer une réhydratation uniquement par voie orale (globalement un « veau qui se présente bien, mais qui n’a ni faim ni soif »). « Comment alors choisir le soluté de réhydratation orale (SRO) ? », s’interroge Bertrand Guin, vétérinaire bourguignon à la retraite, « en fonction de son prix ? De son appétence ? De ce qu’utilisait le prédécesseur ? Ou en fonction de ses caractéristiques techniques (pouvoir tampon, apport énergétique) ? »
Ainsi classifie-t-il les solutés, par ordre d’importance, en fonction du volume à donner, de leur pouvoir tampon ou SID (effet alcalinisant), de leur valeur énergétique, de leur quantité de lactosérum, de sodium et enfin de la nature de l’alcanisant. Pour restaurer la volémie, le calcul se fait facilement en tenant compte, sur 24 heures, des volumes perdus par déshydratation, diarrhée et dans les besoins quotidiens : V = % déshydratation x kg de poids vif (PV) + 0,05 à 0,1 x kg de poids vif + 0,06 x kg de poids vif, soit pour 5 à 15 % de déshydratation V = 0,05 à 0,15 x PV + 50 à 100 ml x PV + 60 ml x PV. « Cela représente environ 10 litres en 24 heures pour un veau de 50 kg en fonction du niveau de déshydratation. Si le veau a une réhydratation en intraveineuse de 4 litres, il faudra compléter avec 6 litres par voie orale, lait compris. Vient alors la sempiternelle guerre de clochers : arrêter le lait ou non ? Sauf exception, il ne faut jamais couper l’alimentation lactée. Au bout de 48 heures sans lait, le veau perd la digestion du lactose. Je conseille toujours aux éleveurs de donner le biberon, avec du lait entier plutôt qu’avec un lactoremplaceur. Il vaut mieux éviter de diluer les produits du commerce avec du lait, mais plutôt avec de l’eau, et d’alterner lait et SRO afin de garantir non seulement un bon caillé du lait mais également l’énergie, les protéines et les graisses qu’on amène au veau », conseille le vétérinaire.
Soins immédiats et nursing indispensable
Le SRO peut être donné au biberon ou à la sonde immédiatement après la fluidothérapie en cas de perfusion avec des solutés hypertoniques. « Immédiatement, ce n’est pas après avoir donné à manger aux génisses ou donné le foin, c’est pendant que le vétérinaire se lave les mains après avoir perfusé le veau… Qui souvent vient juste de retrouver la succion et l’envie », relève Bertrand Guin. Il revient sur son expérience et donne fermement son point de vue et son fonctionnement : « Il y avait des éleveurs dont je connaissais la capacité de “non-nursing” des veaux. Je les laissais alors venir à la clinique pour mieux soigner et surveiller. Pour bien gérer la diarrhée des veaux, il faut se dire que l’éleveur est en guerre ! Et il faut évaluer le temps et la capacité de nursing qu’il a, en plus de lui écrire le plan de réhydratation. »
Et de conclure: « S’il n’y a pas de nursing et que le veau est sur un sol froid en arrivant, autant refuser de perfuser. Le veau mourra de toute façon, le vétérinaire sera quitte de travailler pour rien et l’éleveur fera des économies. »
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