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« En 2065, la moyenne des troupeaux laitiers sera à 22 000 kg »

Les États-Unis sont déjà en marche vers la haute production. Là-bas, le record est de 37 000 kg de lait par lactation.

Améliorer l’efficacité alimentaire permettra d’atteindre 72 kg de lait par vache d’ici 2065, assure le nutritionniste Franck Gaudin. Les progrès peuvent être rapides à condition d’avoir une conduite d’élevage rigoureuse et un programme nutritionnel mené graduellement.

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« En 2065, les vaches laitières Prim’Holstein en France produiront 72 kg de lait par jour en moyenne, soit 22 000 kg par an. » Quand le spécialiste en nutrition animale des bovins Franck Gaudin annonce ces chiffres devant les assemblées d’éleveurs de la coopérative Terrena, ils font des yeux ronds. Ces chiffres proviennent des projections de l’USDA, l’équivalent du ministère de l’agriculture américain, assure le nutritionniste de la société Big gain basée dans le Minnesota. Le record du monde est actuellement établi par une vache du Wisconsin qui produit 37 000 kg sur un an.

Les progrès seront rapides en France, assure Franck Gaudin : « Vous allez voir une très forte progression dans les trois ans dans l’Ouest, un élevage à 45 kg sera à 50 kg parce que dans ce bassin de production ils ont les outils, ils savent conduire le programme de nutrition. » C’est l’amélioration et l’optimisation de l’alimentation qui fera l’essentiel, à condition d’avoir une bonne génétique. « Apporter davantage d’éléments nutritionnels et faire en sorte qu’ils soient bien absorbés. »

Objectif : produire 2 kg de lait avec 1 kg de ration

Comme une vache ne peut pas ingérer indéfiniment, il s’agit d’améliorer l’efficacité alimentaire, autrement dit la capacité à fabriquer le maximum de nutriments métabolisables par kg de matière sèche ingérée. L’objectif, c’est de produire 2 kg de lait à partir d’1 kg de ration. Pour en sortir 72 kg, il faudra donc théoriquement 36 kg de MS ingérée par jour. Actuellement, l’efficacité alimentaire du quart supérieur des centres de gestion se situe à 1,4 kg de lait produit par kg de MS consommée.

Comment y parvenir

Le programme nutritionnel censé faire grimper sensiblement la productivité des vaches se conduit pas à pas et graduellement. Cela commence par le fourrage, c’est le socle, il doit être de bonne qualité sinon les étapes suivantes ne servent à rien : récolte d’herbe précoce, maïs avec une bonne valeur en amidon pour maximiser l’énergie. Une bonne digestibilité des fourrages permet une meilleure dégradation des fibres. Le compact feeding, un fourrage haché fin, très homogène et humidifié permet une meilleure ingestion et surtout éliminer les refus.

Pour les vaches taries, on acidifie la ration pour se préparer à monter très haut, et éviter les fièvres de lait. « Si vous êtes à plus de 150 jours de lactation, vous perdez une efficacité colossale, 10 jours de plus, c’est un litre de perdu », pointe Franck Gaudin. Puis pendant la lactation, on ajoute de l’énergie (300 g de matière grasse). Il faut ensuite optimiser la qualité et la quantité de protéines dégradables. « C’est le fioul des bactéries dans le rumen, il en faut suffisamment, mais pas trop non plus. » Jusque-là, près de la moitié du travail est fait. L’introduction de protéines by-pass permet d’aller chercher environ 30 % de lait supplémentaire. Ces correcteurs azotés protégés sont dégradés au niveau de l’intestin et non du rumen. Enfin, les acides aminés protégés, lysine et méthionine, peuvent apporter encore 5 à 15 % de plus. « 10 grammes de lysine, c’est 3,8 % de lait en plus », soutient le nutritionniste.

L’alimentation ne fait pas tout, il faut avoir un bon troupeau, et une conduite d’élevage rigoureuse, « il faut bien maîtriser la repro et veiller à garder un taux élevé de renouvellement » insiste Franck Gaudin. « La gestion de la repro est la clé pour valoriser tous les nutriments apportés par la ration », abonde Julien Gaultier, responsable technique ruminant à la coopérative Terrena.

Un coût alimentaire plus élevé mais de meilleures marges

Améliorer la ration, cela a un coût mais le volume est très corrélé au résultat net. Quand l’efficacité alimentaire explose, c’est 25 % de matière sèche en moins à distribuer.

Selon les données Conselio, le coût de la ration, à 10,4 € pour des vaches à 50 kg en lait corrigé, est 2,5 fois plus important que pour celles à 25 kg. Mais la marge sur coût alimentaire est deux fois plus élevée.

Conséquences sur l’état de la vache

Quelles conséquences sur la santé des animaux ou leur longévité ? « Les troupeaux qui sont actuellement à 55 kg ont un meilleur état que ceux à 25 kg, donc le problème d’absorption n’existe pas, balaie Franck Gaudin. Plus il y a de lait et meilleure est la santé, c’est ce que démontrent les chiffres ». Selon les données de Conselio bovins issues de 58 000 animaux, le rang de lactation est de 2,4 pour les vaches à moins de 30 kg et à 2,3 pour celles à 40 kg et plus, peu d’écart donc. « La longévité a tendance à s’améliorer avec plus de lait parce que l’on gère mieux les phases difficiles avec le management et la nutrition ». Quant à la repro, le taux de conception reste stable à 31 % et le taux de gestation est 24 % supérieur chez les vaches à 40 kg et plus.

Aux États-Unis, l’ensemble des paramètres santé et repro sont meilleurs dans les troupeaux les plus productifs, à en croire les chiffres présentés par le directeur ruminants de Big gain. Les vaches à 45 kg de lait par jour ont 155 000 cellules, presque deux fois moins que celles à 31 kg. Le taux de gestation est quant à lui sensiblement plus élevé, 23 % contre 13 %.

22 000 kg par vache, une utopie ? « Les éleveurs se trouvent toujours des excuses pour ne pas y arriver, la règlementation, les normes, la génétique ou le contexte qui n’est pas le même qu’aux États-Unis, mais ce sont juste des excuses, sourit Franck Gaudin. Nos arrière-grands-parents ne nous auraient pas crus si on leur avait dit qu’on aurait aujourd’hui des vaches à 12 000. »

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