Baptiste Moineau a essayé l’élevage « pour ne pas avoir de regrets »
Un diplôme d’expert-comptable en poche, Baptiste Moineau a relevé le défi de relancer la ferme bio familiale. Avec des exigences de revenu claires dès le départ, l’accompagnement de conseillers et l’aide de son entourage dans la rénovation, il a rapidement remis sur les rails un outil performant.
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« La ferme de mes parents était certes un peu vétuste, mais elle comptait 55 hectares groupés autour du siège d’exploitation. J’ai pensé qu’il y avait quelque chose à faire, qu’il fallait essayer pour ne pas avoir de regrets. » C’est ainsi que Baptiste Moineau reprend, à l’âge de 33 ans, la ferme familiale. Après son BTSA Acse (analyse, conduite et stratégie de l’entreprise), le jeune homme a enchaîné avec une licence de comptabilité et gestion. Il a poursuivi son parcours jusqu’au diplôme d’expert-comptable, obtenu en 2015. Il travaille alors dans un cabinet à Cesson- Sévigné (Ille-et-Vilaine) auprès d’une clientèle d’artisans et de commerçants, qu’il quitte pour rejoindre le secteur agricole chez Cerfrance à Vern-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine).
« La ferme de mes parents, en bio depuis 2009, produisait 250 000 litres de lait pour Biolait avec 45 vaches sur 57 hectares, raconte Baptiste. En 2018, j’ai appris que Les Fermiers de Janzé se lançaient dans le poulet bio : ce fut le déclencheur. En créant deux poulaillers à la ferme, j’apportais de la plus-value et je sécurisais un revenu de 25 000 € environ, soit le budget nécessaire pour embaucher un salarié. Ma compagne, également issue du milieu agricole, était d’accord pour mon installation mais à condition de ne pas galérer. »
« L’accompagnement a été un facteur de réussite »
Sa candidature auprès des Fermiers de Janzé acceptée, Baptiste Moineau entame les démarches administratives et s’installe en août 2019, au moment du départ à la retraite de sa mère. Il parvient à cette occasion à reprendre 30 ha à proximité, complétés par 18 ha supplémentaires en 2024. Les deux poulaillers de 400 m2 chacun, avec parcours agroforestier, sont construits dès 2020.
Dès le début, l’éleveur débutant décide de s’entourer de plusieurs conseillers. « Cet accompagnement a été pour moi un facteur de réussite, déclare-t-il. Les conseillers passent dans de nombreuses fermes et cela leur donne beaucoup d’idées. » Il fait donc appel à la chambre d’agriculture pour un accompagnement stratégique individuel, avant de rejoindre un groupe de progrès de jeunes éleveurs. Il sollicite également l’entreprise de conseil Seenovia pour un suivi sur la nutrition animale, le pâturage, ainsi que l’analyse stratégique.
Il y a beaucoup à faire pour relancer la ferme. Baptiste Moineau se fixe comme objectif prioritaire l’augmentation du volume de lait via l’amélioration de la productivité entre 6 000 et 7 000 litres par vache, l’achat d’animaux à bon potentiel et de fourrages de qualité. « J’achetais chaque année une quinzaine d’hectares d’herbe sur pied, le temps de restructurer mon système fourrager, explique-t-il. En 2024, je n’en ai pas eu besoin. Avec l’aide de la météo, j’ai doublé mon rendement en herbe ! J’ai atteint 9 à 10 tonnes de matière sèche à l’hectare en moyenne contre 5 à 6 tonnes d’habitude. » Sur ses terres sablo-limoneuses séchantes, l’éleveur a progressivement renouvelé toutes ses prairies en achetant ses semences.
Sur les 55 ha groupés autour du siège d’exploitation, à la fois pâturables et irrigables, 10 ha de maïs reviennent tous les cinq ans. Ils alternent avec des prairies composées de ray-grass anglais, de fétuque et de plus de 50 % de trèfles – du trèfle violet pour la fauche et plusieurs autres espèces adaptées au pâturage. Après la première coupe d’ensilage, les prairies sont organisées en paddocks de 0,7 ha pour le pâturage.
Le trèfle « sauve la mise »
Sur les 50 ha plus éloignés, la rotation est basée sur un mélange de trèfle violet et de ray-grass hybride pendant trois ans, en alternance avec une céréale ou un maïs sur les terres à bon potentiel. « Au départ, j’utilisais un méteil comme céréale, mais j’emploie désormais l’orge, précise Baptiste.
Celle-ci est moins acidogène que le triticale, et je produis déjà beaucoup de protéines par ailleurs grâce aux trèfles. De plus, l’orge donne une très belle paille que j’utilise dans mes poulaillers, ainsi que pour l’alimentation des veaux et des vaches en préparation au vêlage. »
Le trèfle est devenu un pilier du système fourrager de la ferme. « Tandis que les graminées mettent du temps à repartir après une période sèche, le trèfle valorise très bien le retour de l’eau et peut pousser en été, observe l’éleveur. C’est lui qui sauve la mise ! Sur 4 hectares de sols séchants, nous faisons même un essai de trèfle violet pur pour du pâturage contrôlé au fil avant. » Baptiste Moineau a également recours à des cultures dérobées comme le colza fourrager pour « avoir du vert » à disposition en attendant la repousse des prairies à l’automne.
« Avoir une année d’avance en fourrages »
En parallèle de la remise à plat de la production fourragère et de la gestion du pâturage, Baptiste Moineau entreprend une série de travaux de rénovation. Il met aux normes l’hébergement des veaux, pour répondre au règlement bio prévoyant un accès à l’extérieur. Pour cela, il crée une dalle de béton équipée de niches individuelles et collectives, couvertes d’un toit, à proximité d’un parcours herbager. Deux autres plateformes en béton sont coulées pour le stockage des ensilages. « En raison de mes terres séchantes, mon objectif est d’avoir à disposition une année d’avance en fourrages », indique-t-il. Un hangar pour le stockage des céréales est également construit.
Dès 2020, la salle de traite est remplacée à l’aide de matériel d’occasion, pour passer de dix postes à deux fois dix postes. L’aire d’attente est bétonnée et l’aire de couchage est séparée de l’aire d’exercice, celle-ci étant également élargie. L’aire de couchage paillée est agrandie par la transformation d’un local de stockage.
Le bardage de l’ensemble des bâtiments est rénové. Pour celui des génisses, la charpente et l’aménagement sont aussi remis à neuf. Enfin, un hangar photovoltaïque est monté, financé par un investisseur. Il permet à l’éleveur de disposer gratuitement d’un espace de stockage et de trois cases pour ses vaches taries et génisses pleines.
« L’entraide a été déterminante »
« Avec toutes ces transformations, le rythme des cinq premières années a été intense avec environ trois mille heures de travail par an, estime Baptiste Moineau. Il y a eu beaucoup à faire dès le début, davantage que ce que j’avais imaginé. Je ne souhaitais pas que les chantiers s’étalent trop dans le temps. Et je voulais aussi de bonnes conditions de travail pour accueillir un salarié. Nous avons réalisé beaucoup de travaux nous-mêmes avec l’aide de la famille et des amis : cela a été déterminant. J’ai bénéficié en plus de l’entraide des collègues des Cuma : l’existence de ces collectifs est très importante et a d’ailleurs contribué à ma décision d’installation. »
Baptiste s’appuie également sur sa salariée Camille Provost, embauchée à mi-temps en novembre 2023. Ayant découvert le milieu agricole lors des stages en bac STAV (sciences et technologies de l’agronomie et du vivant), elle a poursuivi par un BTS en productions animales, puis une licence Audit et génétique en élevage. En charge du suivi du troupeau et de l’insémination, elle occupe aujourd’hui un poste clé à la ferme. « Mon père Maurice était également salarié à temps partiel jusqu’à cet été, souligne Baptiste. Et l’enjeu prioritaire pour moi est désormais de le remplacer. »
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