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Baptiste Moineau a essayé l’élevage « pour ne pas avoir de regrets »

Baptiste Moineau,37 ans, avec sa salariée Camille, 23 ans, en charge notamment du suivi du troupeau et de l’insémination des vaches laitières.

Un diplôme d’expert-comptable en poche, Baptiste Moineau a relevé le défi de relancer la ferme bio familiale. Avec des exigences de revenu claires dès le départ, l’accompagnement de conseillers et l’aide de son entourage dans la rénovation, il a rapidement remis sur les rails un outil performant.

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« La ferme de mes parents était certes un peu vétuste, mais elle comptait 55 hectares groupés autour du siège d’exploitation. J’ai pensé qu’il y avait quelque chose à faire, qu’il fallait essayer pour ne pas avoir de regrets. » C’est ainsi que Baptiste Moineau reprend, à l’âge de 33 ans, la ferme familiale. Après son BTSA Acse (analyse, conduite et stratégie de l’entreprise), le jeune homme a enchaîné avec une licence de comptabilité et gestion. Il a poursuivi son parcours jusqu’au diplôme d’expert-comptable, obtenu en 2015. Il travaille alors dans un cabinet à Cesson- Sévigné (Ille-et-Vilaine) auprès d’une clientèle d’artisans et de commerçants, qu’il quitte pour rejoindre le secteur agricole chez Cerfrance à Vern-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine).

« La ferme de mes parents, en bio depuis 2009, produisait 250 000 litres de lait pour Biolait avec 45 vaches sur 57 hectares, raconte Baptiste. En 2018, j’ai appris que Les Fermiers de Janzé se lançaient dans le poulet bio : ce fut le déclencheur. En créant deux poulaillers à la ferme, j’apportais de la plus-value et je sécurisais un revenu de 25 000 € environ, soit le budget nécessaire pour embaucher un salarié. Ma compagne, également issue du milieu agricole, était d’accord pour mon installation mais à condition de ne pas galérer. »

« L’accompagnement a été un facteur de réussite »

Sa candidature auprès des Fermiers de Janzé acceptée, Baptiste Moineau entame les démarches administratives et s’installe en août 2019, au moment du départ à la retraite de sa mère. Il parvient à cette occasion à reprendre 30 ha à proximité, complétés par 18 ha supplémentaires en 2024. Les deux poulaillers de 400 m2 chacun, avec parcours agroforestier, sont construits dès 2020.

Les deux bâtiments de 400 m2 chacun avec parcours agroforestier pour la production de poulets de Janzé ont été créés dans l’objectif d’assurer 20 000 à 25 000 euros de revenus, soit le budget pour un salarié. L’élevage de volailles génère aussi des fertilisants organiques contribuant à la cohérence agronomique du système. (© Thomas Louapre / Divergence)

Dès le début, l’éleveur débutant décide de s’entourer de plusieurs conseillers. « Cet accompagnement a été pour moi un facteur de réussite, déclare-t-il. Les conseillers passent dans de nombreuses fermes et cela leur donne beaucoup d’idées. » Il fait donc appel à la chambre d’agriculture pour un accompagnement stratégique individuel, avant de rejoindre un groupe de progrès de jeunes éleveurs. Il sollicite également l’entreprise de conseil Seenovia pour un suivi sur la nutrition animale, le pâturage, ainsi que l’analyse stratégique.

Pour répondre au cahier des charges bio exigeant l’accès à l’extérieur, la nouvelle nurserie est composée de niches à veaux individuelles et collectives posées sur une dalle béton et couvertes par un toit. Les veaux ont accès à un parc arboré. (© Thomas Louapre / Divergence)

Il y a beaucoup à faire pour relancer la ferme. Baptiste Moineau se fixe comme objectif prioritaire l’augmentation du volume de lait via l’amélioration de la productivité entre 6 000 et 7 000 litres par vache, l’achat d’animaux à bon potentiel et de fourrages de qualité. « J’achetais chaque année une quinzaine d’hectares d’herbe sur pied, le temps de restructurer mon système fourrager, explique-t-il. En 2024, je n’en ai pas eu besoin. Avec l’aide de la météo, j’ai doublé mon rendement en herbe ! J’ai atteint 9 à 10 tonnes de matière sèche à l’hectare en moyenne contre 5 à 6 tonnes d’habitude. » Sur ses terres sablo-limoneuses séchantes, l’éleveur a progressivement renouvelé toutes ses prairies en achetant ses semences.

Pour répondre au cahier des charges bio exigeant l’accès à l’extérieur, la nouvelle nurserie est composée de niches à veaux individuelles et collectives posées sur une dalle béton et couvertes par un toit. Les veaux ont accès à un parc arboré. (© Thomas Louapre / Divergence)

Sur les 55 ha groupés autour du siège d’exploitation, à la fois pâturables et irrigables, 10 ha de maïs reviennent tous les cinq ans. Ils alternent avec des prairies composées de ray-grass anglais, de fétuque et de plus de 50 % de trèfles – du trèfle violet pour la fauche et plusieurs autres espèces adaptées au pâturage. Après la première coupe d’ensilage, les prairies sont organisées en paddocks de 0,7 ha pour le pâturage.

Le trèfle « sauve la mise »

Sur les 50 ha plus éloignés, la rotation est basée sur un mélange de trèfle violet et de ray-grass hybride pendant trois ans, en alternance avec une céréale ou un maïs sur les terres à bon potentiel. « Au départ, j’utilisais un méteil comme céréale, mais j’emploie désormais l’orge, précise Baptiste.

55 ha de terres autour de l’exploitation sont à la fois irrigables et accessibles aux vaches pour le pâturage. Dix hectares sont réservés au maïs. Le reste est découpé en paddocks après la première coupe d’ensilage. (© Thomas Louapre / Divergence)

Celle-ci est moins acidogène que le triticale, et je produis déjà beaucoup de protéines par ailleurs grâce aux trèfles. De plus, l’orge donne une très belle paille que j’utilise dans mes poulaillers, ainsi que pour l’alimentation des veaux et des vaches en préparation au vêlage. »

Le trèfle est devenu un pilier du système fourrager de la ferme. « Tandis que les graminées mettent du temps à repartir après une période sèche, le trèfle valorise très bien le retour de l’eau et peut pousser en été, observe l’éleveur. C’est lui qui sauve la mise ! Sur 4 hectares de sols séchants, nous faisons même un essai de trèfle violet pur pour du pâturage contrôlé au fil avant. » Baptiste Moineau a également recours à des cultures dérobées comme le colza fourrager pour « avoir du vert » à disposition en attendant la repousse des prairies à l’automne.

« Avoir une année d’avance en fourrages »

En parallèle de la remise à plat de la production fourragère et de la gestion du pâturage, Baptiste Moineau entreprend une série de travaux de rénovation. Il met aux normes l’hébergement des veaux, pour répondre au règlement bio prévoyant un accès à l’extérieur. Pour cela, il crée une dalle de béton équipée de niches individuelles et collectives, couvertes d’un toit, à proximité d’un parcours herbager. Deux autres plateformes en béton sont coulées pour le stockage des ensilages. « En raison de mes terres séchantes, mon objectif est d’avoir à disposition une année d’avance en fourrages », indique-t-il. Un hangar pour le stockage des céréales est également construit.

Le nombre de postes en salle de traite est passé de dix à vingt à l’aide de matériel d’occasion. La durée de la traite, assurée par Baptiste le matin et Camille l’après-midi, est descendue à 50 minutes. L’astreinte du week-end est assurée à 50 % par Baptiste, 25 % par Camille et 25 % par Maurice. (© Thomas Louapre / Divergence)

Dès 2020, la salle de traite est remplacée à l’aide de matériel d’occasion, pour passer de dix postes à deux fois dix postes. L’aire d’attente est bétonnée et l’aire de couchage est séparée de l’aire d’exercice, celle-ci étant également élargie. L’aire de couchage paillée est agrandie par la transformation d’un local de stockage.

Le besoin d’espace pour le doublement du quai de traite a été l’occasion de créer une laiterie séparée, ce critère étant exigé par la Laiterie Saint-Père. Elle comprend un congélateur pour stocker le colostrum de qualité excédentaire, vendu via Seenovia. (© Thomas Louapre / Divergence)

Le bardage de l’ensemble des bâtiments est rénové. Pour celui des génisses, la charpente et l’aménagement sont aussi remis à neuf. Enfin, un hangar photovoltaïque est monté, financé par un investisseur. Il permet à l’éleveur de disposer gratuitement d’un espace de stockage et de trois cases pour ses vaches taries et génisses pleines.

Le bâtiment des vaches laitières sur aire paillée a été construit en 2001 et agrandi en 2022 à partir d’un bâtiment de stockage attenant. (© Thomas Louapre / Divergence)

« L’entraide a été déterminante »

« Avec toutes ces transformations, le rythme des cinq premières années a été intense avec environ trois mille heures de travail par an, estime Baptiste Moineau. Il y a eu beaucoup à faire dès le début, davantage que ce que j’avais imaginé. Je ne souhaitais pas que les chantiers s’étalent trop dans le temps. Et je voulais aussi de bonnes conditions de travail pour accueillir un salarié. Nous avons réalisé beaucoup de travaux nous-mêmes avec l’aide de la famille et des amis : cela a été déterminant. J’ai bénéficié en plus de l’entraide des collègues des Cuma : l’existence de ces collectifs est très importante et a d’ailleurs contribué à ma décision d’installation. »

Le matériel de la ferme est composé de trois tracteurs, un quad, un enrouleur, un bol pailleur-mélangeur et un plateau à paille. Le matériel de fenaison est en copropriété avec le frère de Baptiste installé à proximité. Pour le reste, l’éleveur travaille avec deux Cuma pour une bonne maîtrise des charges de mécanisation. (© Thomas Louapre / Divergence)

Baptiste s’appuie également sur sa salariée Camille Provost, embauchée à mi-temps en novembre 2023. Ayant découvert le milieu agricole lors des stages en bac STAV (sciences et technologies de l’agronomie et du vivant), elle a poursuivi par un BTS en productions animales, puis une licence Audit et génétique en élevage. En charge du suivi du troupeau et de l’insémination, elle occupe aujourd’hui un poste clé à la ferme. « Mon père Maurice était également salarié à temps partiel jusqu’à cet été, souligne Baptiste. Et l’enjeu prioritaire pour moi est désormais de le remplacer. »

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