Conformation Angus ou Parthenaise ? Quelle vache pour répondre aux besoins de demain
Le marché réclame des carcasses plus petites et des vaches bien finies, dans un contexte d’inflation et de baisse de la consommation de viande bovine. Du côté des organismes de sélection, la vache de demain devra être plus résiliente, rustique, adaptée à une nouvelle situation climatique. Elle devra surtout avoir une bonne efficacité alimentaire. Mais il y a de la place pour tous les marchés.
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Les vaches de grande taille, c’est fini ! Ou plus exactement, le marché en a moins besoin. Voilà déjà plusieurs années que le cœur du marché s’oriente sur des carcasses de 300 à 400 kg. La responsable des achats vifs en Pays de la Loire chez Bigard, Dorothée Taillandier, l’a confirmé lors d’une “journée viande” organisée par l’entreprise de conseil en élevage Seenovia, le 30 novembre dernier. « Sur les vaches de 500 kilos, l’entrecôte ou le faux-filet sont beaucoup trop grands, on n’arrivera pas à les écouler et couper cela en deux, cela ne marche pas ». Alors les éleveurs allaitants doivent produire « des animaux jeunes de petit gabarit, avec des petites carcasses ».
10 % de la demande en femelles s’oriente toutefois vers de la boucherie traditionnelle en classement U, ce sont des animaux lourds et bien conformés. Il y a aussi un segment de marché (15-20 %) sur les bêtes de 370 à 420 kg, en races charolaise et limousine.
Dans un contexte où le prix est le premier facteur limitant de consommation de viande bovine, le steak haché continue de progresser pour représenter désormais 60 % des volumes. Les burgers sont toujours plus servis dans les restaurants.
Pour l’export, en jeunes bovins, « le cœur de la demande est sur du U- de 420 à 500 kg. Le top du top, c’est moins de 20 mois et 550 kg, c’est non ».
Une tendance vers plus de croisements ?
Pour alimenter le marché français en grande distribution, les vaches laitières croisées avec de l’allaitant, engraissées à l’herbe, sont une réponse. Ce sont des petites carcasses qui trouvent une valorisation en barquettes dans les supermarchés. Faut-il faire davantage de croisements ? « C’est sans doute une des pistes à explorer, notamment pour produire une carcasse à moindre coût, propose Christophe Grosbois qui voit là « une réponse efficace et rapide, réversible, aux besoins du marché ». La directrice de l’OS Rouge des Prés, Ophélie Priault, est plus que sceptique sur ce point et elle n’est pas la seule. « Si on croise toutes les races de vaches allaitantes, on va vers une uniformisation du produit, est-ce que l’on sera compétitifs face à l’étranger ? », s’interroge un éleveur.
En réalité, les besoins sont multiples. « Il y a de la place pour tous types de carcasses, pour tous types de produits », certifie Jean-Luc Besson, responsable de la filière viande chez Seenovia. Dans leurs exploitations, les éleveurs sont souvent pragmatiques, leurs choix ne se font pas forcément en fonction du marché. « Produire des grosses carcasses permet de toucher un plus gros chèque à la fin », observe Ophélie Priault pour qui l’éleveur « doit faire ce dont il a envie, et surtout réfléchir à ses coûts de production ». Ce qui est important surtout est « de bien s’assurer qu’il y a un débouché en face de ce qu’il produit », complète Jean-Luc Besson. « Il faut aussi être cohérent, s’il produit des animaux hyper lourds, il doit travailler sur la valeur du fourrage pour réduire les quantités de concentrés ».
Des animaux rustiques
Autre attente de l’aval, dans ce contexte de baisse de la consommation de viande bovine, la qualité. « Il y a une exigence en termes de tendreté et de goût, il ne faut pas décevoir le consommateur sinon il ne reviendra pas », met en garde Dorothée Taillandier. « Peu importe la façon dont sont engraissés les animaux, ce qui est important c’est qu’ils soient bien finis », abonde Christophe Grosbois, chargé de mission viande bovine à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. « Il va falloir produire des bovins qui permettent un bon compromis entre le coût de production et la valorisation, pour maintenir la consommation », estime l’expert.
Du côté des organismes de sélection, on observe les besoins du marché avec une certaine distance : « Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera pas forcément demain, les besoins peuvent s’inverser, or en génétique, on est sur du temps long voire très long », remarque Ophélie Priault. Alors les OS anticipent, voient plus loin, la vache de demain c’est plutôt la vache d’après-demain. Et elle sera rentable. En Charolais, les choix génétiques s’orientent sur « la longévité, la rusticité, la résistance aux maladies et la résilience face au changement climatique », égrène Lorena Jeannot, ingénieure technique au herd-book.
Dans les principales races allaitantes, on travaille sur des animaux rustiques, résilients face au stress thermique et capables de valoriser du fourrage grossier. C’est une question économique, mais aussi de bien-être de l’animal et de l’éleveur. « Les leviers de diminution d’impact carbone sont proches des leviers économiques », glisse Christophe Grosbois.
Une bonne efficacité alimentaire
Pour rester compétitifs, les éleveurs doivent « travailler sur l’efficacité alimentaire », suggère l’ingénieur de la chambre d’agriculture. Pour les éleveurs, ce sujet lié à la rentabilité (le prix des céréales a explosé de + 55 % en 2022) rejoint celui de la précocité d’engraissement et de la rusticité. Il fait aussi directement écho à la question de l’adaptation au changement climatique. À l’OS Rouge des Prés, on mesure l’efficacité alimentaire des reproducteurs. Objectif : pouvoir orienter les éleveurs à acheter les animaux qui affichent les meilleurs résultats. Tout cela a de quoi réjouir les abatteurs. Chez Bigard, Dorothée Taillandier applaudit des deux mains : « Travailler sur l’efficacité alimentaire, cela permet à la fin de proposer des prix produits qui soient séduisants ».
La vache de demain devra avoir une bonne efficacité alimentaire, être rentable et résiliente, répondre aux exigences sociétales de bien-être animal tout en émettant moins de méthane. Mais elle sera sans doute plurielle : « Il n’y a pas de vache de demain, il y en a sans doute plusieurs et ça, c’est une bonne nouvelle ! », sourit Jean-Luc Besson.
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