Bassin méditerranéen La demande en viande bovine va-t-elle persister ?
Entre crise et sécheresse, le bassin méditerranéen s'est détourné des achats de bovins vifs au profit de la viande bovine en 2021. Porté par l'Egypte et Israël, le marché s'avère incertain à horizon 2022 : entre crises politiques, et crise des grains, le flou réside autour de la persistance de la demande.
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« Les pays du sud de la Méditerranée ont davantage importé de viande bovine (+ 21 % en 2021) que de bovins vifs (- 9 % en 2021) » résume Ilona Blanquet, économiste agricole à l'institut de l'élevage à l'occasion des conférences organisées autour des Marchés mondiaux de la viande. Les pays de la zone restent cependant des clients de prédilection pour les producteurs européens. L'Union européenne a répondu à 51 % des besoins en bovins vifs des pays des rives sud et est de la Méditerranée. La France tient également une place de choix sur ce marché, avec 77 000 têtes écoulées dans la zone en 2021, soit 13 % de plus qu'en 2020 en raison de l'augmentation de la demande en Israël. La diminution de flux d’animaux vifs aura favorisé les importations de viande, notamment pourvues par la production indienne.
L'Égypte, poids lourd de la zone freiné par l'inflation
Le retour des touristes couplé au dynamisme de l’économie égyptienne sur 2021 a contribué à la hausse des importations de viande bovine (+ 39 % par rapport à 2020), notamment en provenance d’Inde, premier fournisseur du pays. Les imports de bovins vifs ont également progressé de l’ordre de 15 % par rapport à 2020 sur fond d’augmentation du cheptel égyptien. Cependant, avec un taux d’ inflation mesuré à 12 % en mars 2022 par rapport à l’année précédente, les perspectives d’importations égyptiennes s'assombrissent. Pour Ilona Blanquet, « l’Égypte est très dépendante du blé ukrainien. On a entendu qu’elle s’était fournie en matières premières auprès de l’Inde, qui s’est engagé à honorer les contrats, mais la situation se dégrade dans le pays pour les consommateurs (fin mars, la livre égyptienne avait perdu 15 % de sa valeur par rapport au dollar américain). Dans le même temps, 27 000 magasins d’État continuent de subventionner la viande de bœuf. La situation est complexe, et il ne faut pas oublier que l’Égypte, c’est le pays des émeutes de la faim. »
Des niveaux historiquement hauts en Israël
Après la récession enregistrée en 2020, le PIB israélien a connu une vive reprise en 2021. C'en est suivi une hausse de 18 % des imports de bovins vifs, et de 17 % en viande bovine. Entre 2015 et 2021, la consommation de viande bovine israélienne a bondi de 50 %. « Les importations doivent leur dynamisme à la croissance de la population et l’arrivée d’actifs avec un fort pouvoir d’achat dans le pays. »
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— IDELE (@InstitutElevage) June 1, 2022
Pourtour méditerranéen : crises et sécheresse
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?? 2021 : +10%
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?? Grâce à la croissance de sa population active, qualifiée + jeune et son PIB
Avec notre collègue Ilona Blanquet pic.twitter.com/AMAFvfp3rN
L’Union européenne fournit la quasi-totalité des bovins vifs importés par Israël, avec des bêtes en provenance du Portugal, de Roumanie et et de France, qui a plus que doublé ses envois de broutards en passant de 9 000 têtes à 19 000 têtes en 2021. Les importations de viande bovine ont également cru de l’ordre de 17 % en 2021, portées par la viande congelée (les ¾ des importations) en provenance du Mercosur. La France parvient cependant à s’installer sur le marché de la viande réfrigérée, avec l’envoi de 4 000 téc en 2021, soit 33 % de plus que l’année précédente.
La flambée des cours pénalise les autres pays
Dans les autres pays du pourtour méditerranéen, la situation est au recul des importations. Deux cas de figure se présentent. Celui du Liban ou encore de la Turquie, touchés par une grave crise économique doublée d'instabilité politique, et celui des pays choisissant de modifier leurs stratégies d'importations en raison de la hausse du prix des grains.
« La Turquie est dans une situation économique très difficile depuis 2018, ce qui se traduit par un effondrement des importations. La dépréciation de la monnaie turque ne place plus le pays en capacité d’importer », précise Ilona Blanquet, rappelant que les volumes de viande bovine importés ont diminué de 68 % entre 2019 et 2021. Le Liban connaît une crise similaire : la consommation de viande bovine y est tombée à 8,2 kg éc par habitant par an en 2021, contre 15 kg éc en 2018, alors que les besoins en viande bovine du pays étaient assurés à 90 % par l'importation avant la crise.
Les importations algériennes de viande bovine ont également drastiquement chuté en 2021 (- 78 % par rapport à 2020). Une stratégie délibérée du gouvernement, qui souhaite prioriser les devises pour les importations de grains. Soutenue par la hausse des prix du gaz, l’économie algérienne devrait cependant mieux résister que d’autres pays à la hausse du coût des matières premières.
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