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Ils rétrofitent un John Deere en électrique : le verdict après un an d’utilisation

Le tracteur électrique rétrofit n’est pas adapté aux travaux de labour qui requièrent beaucoup d’énergie. Une batterie ne permet de couvrir qu’un demi hectare.

Transformer son tracteur diesel en électrique, est-ce que cela vaut le coup ? La ferme expérimentale de Derval (Loire-Atlantique) a testé un John Deere 6330 rétrofité par l’entreprise vendéenne Sensys. Les résultats sont plutôt concluants pour un usage de valet de ferme. Pour les travaux des champs, c’est plus discutable.

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Au départ, c’était un tracteur diesel de 110 CV de plus de cinq ans, déjà amorti. Vensys Group l’a transformé en tracteur électrique de 60 ch (45kW), avec un couple équivalent. Dix mois de travail pour mettre au point ce prototype. Extérieurement, peu de changements, le John Deere est toujours vert, ouf ! Le moteur thermique, le réservoir, l’échappement, bref tout ce qui ne servait plus à rien a été retiré pour être remplacé par une solution électrique complète : moteur électrique, pack batteries et une gestion qui permet de le faire fonctionner dans l’environnement d’origine.

La ferme expérimentale de Derval a donc éprouvé ce “tractofit” pendant un an. Travaux d’élevage (alimentation, paillage, balayage), travaux du sol (herse rotative, labour, scalpeur) ou entretien de ferme (clôture, fauche, broyeur d’accotement), elle a testé un éventail large d’usages. Petit regret, le tracteur n’a pas effectué de travaux de semis ou de pulvérisation. « On est sur du compact, cela manque de taille parfois pour atteler certains outils », justifie François Brochard, responsable de l’activité électrification chez Vensys group.

Bien pour le scalpage, pas pour le labour

Au bout d’un an de tests, pas de surprise majeure, « globalement c’est plutôt positif » résume Bruno Couilleau, chargé de mission expérimentations à la ferme expérimentale. « Il s’agissait d’abord de vérifier que tout ce qui tourne autour de la ferme peut être couvert, et là cela fonctionne ». En revanche, le tracteur électrique, qui dispose d’une autonomie limitée, n’est pas fait pour des travaux nécessitant une forte puissance. « Pour un labour profond, ça ne marche pas, il nous faudrait au moins deux batteries pour couvrir un seul hectare ! », rapporte Bruno Couilleau.

Pour la herse rotative, il faut une batterie et demi par hectare. « En fait, pour tous les chantiers qui consomment plus de 10 litres de diesel à l’heure, c’est compliqué de le faire en électrique. » Une bonne surprise toutefois, cela fonctionne très bien pour le scalpeur. « C’est peut-être l’usage le plus prometteur, cela consomme 8,5kWh, ce qui permet de faire cinq hectares », commente Bruno Couilleau.

Pour tous les chantiers qui consomment plus de 10 litres de diesel à l’heure, c’est compliqué de le faire en électrique.

À l’évidence, l’électrique n’est pas adapté pour couvrir tous les travaux des champs. « Il n’y a que ceux qui nécessitent peu d’énergie qui conviendront : scalpeur, éventuellement bineuse et peut-être pulvérisation », juge le chargé de mission de la ferme expérimentale. « Plus on va sur des cultures sobres, plus le champ d’application s’élargit, le panel d’application s’étend », estime Nicolas Gazeau, chargé d’innovation sur les sujets d’électrification chez Vensys group.

Fonctionnel en tracteur de cour

Pour les travaux d’élevage, les tâches quotidiennes, le tracteur électrique semble bien adapté. Cela fonctionne parfaitement pour la distribution de fourrage, le paillage, le curage, le transport des bêtes, le broyeur d’accotement ou encore le tassement de silo. En fait, tous les chantiers d’assez courte durée. Il est maniable, efficient (moins de gaspillage d’énergie). « Au niveau confort, on peut dire que c’est positif ! », s’enthousiasme Bruno Couilleau. C’est plus silencieux, ça vibre moins, il n’y a plus besoin de faire les niveaux. Ici, le problème de l’autonomie est réglé puisque le tracteur est à proximité de la borne. L’éleveur peut donc le brancher quand il le gare dans la cour, au quotidien. Chez Vensys group, on assure qu’il n’y a besoin de le recharger qu’une fois par semaine.

Le tracteur électrique pourrait donc trouver sa place dans les fermes comme tracteur numéro 2, moins puissant, mais polyvalent pour les travaux quotidiens. « On ne vise pas à suppléer totalement l’usage du JD 6330 ni à offrir un tracteur de tête », confirme François Brochard. Il s’agit de « compléter un tracteur diesel de tête, le délester de toutes les tâches où le tracteur compact électrique est plus pertinent ».

Il pourrait convenir aux exploitations en agriculture de conservation des sols, où l’on ne laboure plus. Le rétrofit « pourrait couvrir les besoins de fermes laitières avec peu de travaux de cultures, dans le bio en particulier où l’on favorise le pâturage », songe le responsable de l’activité électrification chez Vensys group.

Le prix d’un tracteur diesel neuf

Reste l’épineuse question du coût. Vensys group compte bien à l’avenir rétrofiter les tracteurs en série, en transformer dix ou vingt par an. Il s’agit de reprendre un engin à mi-vie, c’est-à-dire cinq à dix ans d’âge pour le reconditionner. Cela coûtera le prix d’un tracteur diesel neuf de même catégorie. Les éleveurs préféreront-ils avoir un tracteur électrique reconditionné plutôt qu’un diesel neuf ? Les frais de maintenance, en éversion électrique, seront toutefois sans doute inférieurs : « La conversion en électrique divise par deux le coût d’entretien global du tracteur », argumente l’entreprise vendéenne. Et puis le coût à l’usage serait inférieur. « 30 % de moins à l’hectare pour les travaux des champs et un coût horaire divisé par 2 à 8 à la ferme, selon les travaux réalisés », soutient Vensys group.

Pour convaincre ceux qui hésitent, sans doute faudra-t-il aussi augmenter l’autonomie de la batterie. La PME vendéenne y travaille et compte proposer une option d’extenseur amovible de batterie de 110kWh sur le relevage avant. De quoi tripler l’autonomie pour couvrir les travaux de cultures les moins énergivores comme les semis ou la fauche ; mais toujours pas le labour. Avantage de cet extenseur, il pourrait être rechargé pendant que le tracteur effectue un chantier. Et pourquoi pas d’ailleurs le recharger avec les panneaux photovoltaïques de la ferme. « L’idée de l’accouplement des panneaux photovoltaïques avec le tracteur, c’est quelque chose qui me parait intéressant, c’est de l’énergie à pas cher, commente Bruno Couilleau. Et sur le terrain, les agriculteurs semblent plutôt intéressés par cette perspective. »

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