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Management « Quand la relation avec votre salarié commence à déraper, faites une pause et écoutez-le »

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La situation

À 50 ans passés, Patrice aspire à lever le pied. Il conduit seul 105 vaches et 96 ha. Les deux robots de traite et celui d’affouragement ne sont plus suffisants pour alléger son travail. Il y a un an, il a signé un contrat d’apprentissage avec Amaury, âgé de 20 ans. À l’issue de l’apprentissage, tous deux envisagent de pérenniser leur collaboration dans le cadre d’un contrat salarié à durée indéterminée. Patrice hésite encore. Il apprécie le degré d’implication d’Amaury dans son travail, mais il s’interroge sur la durabilité de leur relation. Ils se confrontent régulièrement sur la façon de réaliser les tâches relatives à l’élevage laitier.

La personnalité de l’employeur et du salarié

Tous deux ont des personnalités assez proches. Patrice aime diriger, et que les choses soient faites vite et à sa façon. Il donne par exemple les consignes en marchant et souligne systématiquement ce qui ne lui convient pas.

Le jeune salarié agit, lui, en fonction de ses envies et de sa vision, surtout si son employeur n’exprime pas clairement l’objectif qu’il attribue à la consigne. Il essaie d’imposer son point de vue et rencontre des difficultés à reconnaître ses erreurs. Cela ne l’empêche pas d’être sensible aux compliments.

Heureusement, ils ont réussi à construire une relation de confiance grâce à l’implication de chacun dans le travail. Quand les conditions sont réunies, ils sont ouverts à l’échange. Patrice met en avant les initiatives d’Amaury et sa disponibilité. Amaury apprécie les responsabilités que lui confie Patrice lors de ses fréquentes absences.

Les points de blocage

Amaury n’accepte pas le reproche de son patron lorsque ce dernier­ estime qu’une tâche n’est pas suffisamment soignée. Soit il n’écoute pas le reproche, surtout s’il est répétitif, soit il tourne les talons après des échanges verbaux vifs. Patrice ne se sent pas respecté comme employeur, alors qu’il juge ses remarques légitimes. Pour lui, un travail mal fait est source de coûts supplémentaires.

La gestion du silo de maïs ensilage en est l’exemple caractéristique. Sa propreté est primordiale pour Patrice. Cela passe par un front d’attaque bien dessiné et l’évacuation à la poubelle des débris qui traînent devant. Amaury, lui, accorde de l’importance à la rapidité d’exécution du désilage.

Trois solutions trouvées

Patrice et Amaury ont confiance l’un en l’autre. Une rencontre avec eux deux a suffi pour définir les améliorations à apporter dans leur relation.

Fournir au salarié des consignes claires

Il faut prendre le temps de lui transmettre les consignes. Cela passe par un débit de paroles moins précipité et des conditions propices à leur meilleure compréhension. Patrice va améliorer l’aménagement du petit bureau de la ferme afin d’y prendre le café le matin à 8 heures, à l’arrivée d’Amaury. Ce dernier pourra ainsi profiter de ce temps pour noter sur son smartphone le travail du jour, et éventuellement, celui du lendemain si l’éleveur est absent. Un tableau sera également fixé pour y inscrire la liste des tâches annexes, en les priorisant. Patrice s’efforcera de donner du sens à la consigne, ce qui permettra au salarié de mieux la comprendre et évitera ainsi qu’il la réalise à sa façon. L’idéal est de fournir des indicateurs mesurables de l’attente de l’employeur. Par exemple : une avancée rectiligne du front d’attaque du silo de maïs.

Féliciter le salarié

Amaury a exprimé son besoin d’être valorisé par la reconnaissance du travail qu’il réalise : une félicitation, un remerciement... Son employeur l’a entendu et s’est engagé à faire des efforts en ce sens. Il connaît le sérieux du jeune homme, et sait que celui-ci ne se relâchera pas dans son travail.

Envisager le point de vue de son employeur

De son côté, Amaury doit lui aussi ralentir son rythme et prendre le temps d’écouter son employeur, y compris dans le cas de reproches. Plutôt que couper court à la discussion en tournant les talons, il adoptera une attitude d’écoute. Il a compris qu’il doit poser des questions pour comprendre le sens des critiques émises par Patrice. Cela l’aidera à prendre du recul sur ses propres pratiques et à les analyser. Un dialogue plus constructif pour l’un et l’autre pourra alors s’engager.

Mes conseils

La formulation de ces trois solutions a été relativement aisée car il existait déjà une vraie confiance entre Amaury et Patrice. Lorsque ce n’est pas le cas, établir cette confiance est le premier travail à engager entre l’employeur et le salarié, et de façon concrète. Chacun porte en soi des critères pour entrer ou non en confiance. Pour l’employeur, cela peut être la ponctualité du salarié, des tâches réalisées en conformité avec ses objectifs  ; pour le salarié, le respect des horaires convenus dans le contrat, la prise en compte de ses idées par l’employeur, etc.

Les agriculteurs accordent une grande importance au travail, car ils exercent un métier de passion. Bien souvent, ils jugent le salarié sur son implication dans la vie de l’exploitation. Mais cette motivation de fond est-elle partagée ? Elle peut être toute autre : subvenir à ses besoins, effectuer uniquement ses horaires pour consacrer le maximum de son temps aux loisirs, faire plusieurs choses à la fois, etc. Un employeur ne peut pas exiger d’un salarié qu’il éprouve les mêmes passions que les siennes ; il est donc indispensable d’identifier ses motivations et d’en tenir compte. Le salarié réalisera d’autant mieux les tâches qu’il n’apprécie pas. En amont, avant son embauche, la définition du profil de poste l’aidera à se positionner par rapport à ses motivations, et accepter ou non l’emploi dans une dynamique saine.

Les employeurs ont assez peu l’habitude de féliciter. Ils peuvent craindre, par exemple, que le salarié ne relâche son attention ou ses efforts et que la qualité de son travail en pâtisse. Et s’il se produisait le contraire  ? Et si le compliment renforçait sa motivation et sa confiance en lui  ? Pour le vérifier, je conseille aux agriculteurs employeurs de tester un compliment et d’observer la réaction du salarié. Un autre moyen est de se mettre à la place du salarié et d’imaginer les émotions suscitées par un compliment reçu.

Le but est d’instaurer un climat de confiance. Un cadre clair de travail y contribue. L’entretien annuel entre employeur et salarié est un bon outil pour le définir. Ce bilan permet de souligner les points positifs et de dégager les pistes d’amélioration dans un esprit constructif.

Propos recueillis par Claire Hue

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