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Prix du lait 2023 Le marché français tient ses promesses, ou presque

Les hausses tarifaires décrochées auprès des GMS françaises fin 2022 et début 2023 ont compensé le recul de la valorisation beurre-poudre. Les OP ont tout de même bataillé avec les grands groupes pour, a minima, gagner quelques euros par rapport à 2023. Sodiaal les a aidées.

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C’est ce qu’espéraient les producteurs français. C’est ce qui s’est passé, du moins en partie. Après un pic en janvier 2023 à 469,80 €/1 000 l en 38/32, le prix du lait français s’est stabilisé entre 430 € et 440 €, selon FranceAgriMer. Pendant ce temps, subissant le recul des cotations beurre-poudre, nos voisins allemands ont vu leur prix plonger de 192 €/1 000 l entre novembre 2022 et août 2023. À retardement, le marché français et ses PGC ont bien rempli le rôle que la filière laitière attendait d’eux. Les hausses tarifaires derrière lesquelles ont couru les industriels durant toute l’année 2022 ont produit leur effet.

Les PME prennent leur revanche

Les PME spécialisées dans les PGC en apportent la preuve. Elles occupent quasi toutes les places du top 10 des hausses et du top 10 des prix du lait, y compris Pâturages comtois qui ne figure pas dans le classement ci-contre. La coopérative haut-saônoise enregistre la troisième plus forte augmentation (+ 86,66 €/1 000 l).

La progression la plus spectaculaire revient à la Laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel (LSDH, Centre) qui affiche + 92 €. Elle prend sa revanche sur 2022, qui l’avait classée la plus faible hausse de l’année (+ 37,40 €).

De même, Alsace Lait tire son épingle du jeu. Sa progression de 88 € couplée au non-OGM hisse la coopérative au numéro 1 des prix français. Comme LSDH, l’Ermitage, Saint-Père, Bel et Isigny Sainte-Mère également dans le top 10, elle n’a pas l’intention de renoncer au non-OGM. Cette démarche les prépare à la « zéro-déforestation » qui commence à pointer son nez.

Grands groupes laitiers : Sodiaal donne le « la »

Sodiaal participe à la stabilité du prix français en 2023. L’arrêt des volumes excédentaires B en avril – soit avant la dégringolade de l’indicateur beurre-poudre du Cniel – et surtout la volonté de maintenir le prix de base à un bon niveau propulsent le groupe coopératif dans le top 20. Selon notre observatoire, son prix de base 2023 est en moyenne à 446,57 €/1 000 l (hors prime tank et prix B de janvier à mars). Son prix moyen 2023 affiche + 37 €. De quoi redorer son blason auprès des adhérents après une année 2022 très critiquée. Sodiaal démontre l’importance pour les producteurs de lait français d’une coopérative leader. Lactalis s’est engouffré dans la tendance que sa concurrente a donnée. Sans elle, les OP Lactalis auraient « ramé » davantage pour obtenir un tout petit peu plus qu’en 2022. Il leur a fallu passer par l’activation de la clause contractuelle de sauvegarde et une médiation pour décrocher + 5 €. Le lavallois défendait, et continue de défendre, la nécessité de coller au pouvoir d’achat alimentaire tendu des Français. En moyenne, sur deux ans, il finit entre 450,97 € et 451,40 € en Bretagne-Pays de la Loire, selon les OP. C’est-à-dire… de 0,7 € à 1,1 €/1 000 l en dessous de Sodiaal. Visiblement, il n’a pas l’intention de réitérer ce scénario cette année. Le groupe impose 405 € de prix de base France en janvier alors que Sodiaal caracole à 440 € en janvier et février. Le 25 janvier, jour de notre bouclage, l’Unell et Lactalis étaient en médiation.

Toujours en Bretagne-Pays de la Loire, région où les prix sont plus aisés à comparer, Laïta-Terrena et Savencia (OP Ouest’Lait-Sunlait) emboîtent le pas aux deux leaders de la collecte. Leurs prix moyens sur deux ans sont sur la même ligne d’arrivée, à respectivement 452,31 € et 451,84 €. Laïta-Terrena grignote des places dans le classement breton en 2023 grâce à ses + 20,54 €. Et achève l’année à 462,58 €. Sa partenaire Laïta-Even la dépasse logiquement par les 20 €/1 000 l de ristourne l’an passé. Les deux coopératives totalisent 1,4 milliard de litres de collecte avec Laïta-Eureden.

Savencia n’en fait qu’à sa tête

Quant au groupe Savencia, il dicte sa loi puisqu’il fixe le prix de base sans l’accord de l’association d’OP Sunlait et régulièrement sans celui de l’OP ligérienne Les 3 Rivières. L’année 2024 s’annonce particulièrement compliquée pour la première. Les contrats-cadres de quatre de ses six OP arrivent à échéance en mars. L’AOP vient de saisir le Comité du règlement des différends commerciaux agricoles pour prolonger le contrat jusqu’à la fin 2024. Dans le Sud-Ouest, l’activation de la clause contractuelle de sauvegarde par le fromager au printemps dernier est à l’avantage des adhérents de l’OP FMB : + 35,78 € de prix de base. Elle s’appuie sur le prix FranceAgriMer, duquel sont déduits 4 €. Malheureusement, la hausse est mangée par la suspension de la prime de régularité, qui est en renégociation. Résultat : Savencia FMB Sud-Ouest finit l’année avec une baisse de 3,9 € dans notre observatoire. Quant à la coopérative Bressor, son prix baisse de 6 € par les primes, après une augmentation spectaculaire de 107 € en 2022.

Parmi les grands groupes laitiers, seul Eurial-Agrial se démarque. Le normand, qui visait 440 €/1 000 l de prix de base 2023 (base Bretagne-Pays de la Loire), termine à 436,20 € (froid inclus), soit + 9 €. Le marché des commodités l’a incité au quatrième trimestre à revoir à la baisse ses ambitions. La ristourne annuelle en numéraire un peu plus élevée que d’habitude (5,73 €) tire le groupe vers le top 4 breton et devant Lactalis en Basse-Normandie.

L’indicateur beurre-poudre minimise le prix

La valorisation beurre-poudre calculée par le Cniel continue d’empoisonner les discussions entre producteurs et industriels. L’indicateur est carrément retiré de son tableau de bord depuis décembre. En plus du recul des cotations des produits industriels, les producteurs estiment subir un coût de fabrication dans le calcul qui ne reflète pas la réalité : 139,90 €/1 000 l, contre 70 € à 80 € en Allemagne. Si l’on applique ce différentiel de 60 à 70 € dans la formule du prix de Lactalis-Unell, une des plus transparentes de la filière, c’est un manque à gagner de 18 à 21 € sur le prix des livreurs. Le retrait de l’indicateur oblige les OP et les entreprises à en définir un ou plusieurs nouveaux, qui seront sources de tensions en 2024.

Danone : podiums régionaux grâce aux OP

Le prix du lait de Danone perdait du terrain par rapport aux laiteries environnantes. Les OP ont bataillé en 2022 et 2023 pour une évolution plus réactive du prix de revient. De même, elles ont obtenu l’application de l’indice Insee de produits de vente industriels sur le prix de l’année précédente, permettant ainsi d’engranger durablement les hausses obtenues. Leur prix de base a alors pu augmenter de 85 € à 93 €/1 000 l selon les OP sur deux ans (+ 113 € pour l’OP Bailleul). Soutenus par des primes de régularité (sauf en Haute-Normandie dans notre observatoire) et par une prime « aliments origine France » pour l’OP Jura-Bresse, les prix des OP Danone retrouvent le chemin des podiums régionaux. Les OP contestent aujourd’hui la référence au prix beurre-poudre pour la partie « exportation de yaourts ».

Prix de base sous les 400 € en 2024 : c’est non

Les producteurs refusent désormais de redescendre sous les 400 € de prix de base en 2024. L’indice Ipampa des coûts de production a certes baissé de 3,8 % en un an mais reste supérieur de 11 % à celui de l’avant-guerre russo-ukrainienne. « Il couvre 70 % de nos charges, avance Yohann Serreau, président de l’Unell. Celles liées aux travaux par tiers, à la rémunération des salariés et à la nôtre pour respecter les deux Smic augmentent. » Quant aux PGC France, ce n’est pas sûr qu’ils tiennent les mêmes promesses qu’en 2023. L’indice des produits laitiers de vente industriels a atteint un pic en juillet dernier et décroît de 0,7 % depuis. Égalim et sa matière première agricole (MPA) inscrite dans le marbre sont mises à mal.

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