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Prix du lait 2023 L’heure de vérité au quatrième trimestre

Prudente, Eurial ne vient d'annoncer que le prix de base d'octobre: 420€/1000l en Bretagne-Pays de la Loire.

Sodiaal et Lactalis-Unell ont annoncé les prix du quatrième trimestre qui les font atterrir à 470,80 € et 453,83 €/1 000 l de prix moyen 2023 en Bretagne-Pays de la Loire, selon l’Observatoire de L’éleveur laitier. Les concurrents suivront-ils cette tendance ?

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L’an dernier, les producteurs et les transformateurs ont passé un deal moral qui peut se résumer ainsi : les premiers se sont montrés compréhensifs par rapport aux difficultés des seconds à obtenir des hausses tarifaires auprès des enseignes de la distribution. Ils ont accepté d’être payés 88 €/1 000 l de moins en 2022 que leurs collègues allemands (423 €/1 000 l selon France­AgriMer, 511 € selon ZMB en 38/32, moyenne non pondérée des volumes). En contrepartie, cette année, fort des hausses tarifaires appliquées à plein dans les rayons, le prix 2023 devait résister au recul de la conjoncture internationale, voire le compenser. L’objectif était de retrouver le différentiel habituel de 10 € à 20 €/1 000 l entre la France et l’Allemagne.

Or, aux derniers chiffres connus fin juillet, on n’y est pas. La moyenne des deux années 2022 et 2023, calculée sur la période d’août à juillet, donne 50 € en faveur de l’Allemagne : 466 €, contre 416 € pour la France. Certes, il faut attendre la fin de l’année pour avoir une analyse complète. Pour l’instant, le prix mensuel allemand a perdu 159 €/1 000 l depuis le mois de janvier. Il était légèrement en dessous des 400 €/1 000 l en juillet. Mais la situation semble se stabiliser puisqu’il a été reconduit en août, selon les premières indications.

Lactalis-Sodiaal : le match continue

Côté français, le quatrième trimestre est déterminant pour l’atterrissage de fin d’année. On verra en octobre si la négociation entre Lactalis et l’Unell, qui s’est achevée le 21 septembre, donnera le « la » dans les autres grands groupes, en dehors de Sodiaal. La médiation des relations commerciales agricoles saisie par l’association d’OP fin août a abouti, le 21 septembre, à 425,67 €/1 000 l de prix de base Lactalis-Unell France pour septembre, à 415 € en octobre, 410 € en novembre et 405 € en décembre. Soit « un prix de base annuel de 429,16 €/1 000 l », indique l’Unell. […]Il est en hausse de 5,12 € par rapport à 2022 ». À la fin septembre, la hausse moyenne était de + 24 € (voir l’infographie ci-dessous).

La marge de négociation de l’Unell était étroite pour le second semestre car la formule contractuelle donne des prix inférieurs : 403 € en juillet et août, 390 € en septembre (indicateurs non connus pour octobre, novembre et décembre).

La clause de sauvegarde activée par l’Unell début juillet a permis de préserver le troisième trimestre à 425,67 €. Selon l’Observatoire du prix du lait de L’éleveur laitier, le prix 2023 de Lactalis OPLGO-Unell en Bretagne-Pays de la Loire sera de 453,83 €/1 000 l en qualité 42/33 et super A, prime tank comprise. Ce sera 17 € de moins que Sodiaal dans cette région et… 0,75 € de moins en moyenne sur deux ans (respectivement 451,33 € et 452,08 €). Les livreurs de Lactalis peuvent dire merci au groupe coopératif, qui corrige cette année le retard pris en 2022. Visiblement, le numéro 2 de la collecte continue de servir de curseur au Mayennais.

Sodiaal : + 37,40 €/1 000 l en 2023

Les mauvaises langues prédisaient que la stratégie de prix hauts de Sodiaal buterait au quatrième trimestre sur le recul des cotations des produits industriels. L’annonce de 440 € sur les trois mois (dont 20 € de saisonnalité en octobre) en a surpris plus d’un. Le choix de hisser le coût de production à 500 €/1 000 l au titre des PGC France dans la formule de calcul du prix et la baisse de la part beurre-poudre à 15 % dans le mix-produit (contre 20 % avant) boostent le prix du lait de la coopérative. Selon notre observatoire, il s’établira en moyenne à 470,80 € en 2023 (qualité 42/33 et super A), soit 37,43 € de plus qu’en 2022. « Les prix du quatrième trimestre sont au-­dessus de la formule, précise-t-on chez Sodiaal. Ils sont l’illustration de notre ambition pour 2024. Nous avons les moyens de l’atteindre. Le prix payé aux producteurs doit rester élevé si nous voulons maintenir la collecte. C’est ce que nous défendons auprès des enseignes de la distribution. »

Valorisation beurre-poudre : clash au Cniel

La pression du gouvernement français pour contenir l’inflation et les cotations des beurre-poudre, qui retrouvent les niveaux de 2021, percutent les équilibres financiers des éleveurs et des transformateurs. Dans ce contexte, la révision de l’indicateur beurre-poudre actée temporairement en mars ne passe plus chez les producteurs siégeant à l’interprofession laitière (Cniel). Le 26 septembre, sa publication a été suspendue. Dans la foulée, un groupe de travail interprofessionnel a été créé pour parvenir à une référence satisfaisante si possible avant janvier. En mars, « ce nouveau calcul du coût de fabrication des beurre et poudre, qui est une des composantes de l’indicateur, a abouti à son doublement : 139,80 €/1 000 l, contre 71,77 € en 2011 », reproche Ghislain de Viron, président du collège des producteurs. Traduisez : il ampute de 68 € l’indicateur beurre-poudre qui est un des éléments de fixation du prix du lait. « Sa validation définitive était conditionnée à une expertise. Or celle rendue ne répond pas à toutes nos interrogations. » En particulier, pourquoi la révision aboutit-elle actuellement à un décalage de 50 €/1 000 l avec l’équivalent allemand, au détriment de la valorisation française ? « Si les industriels français sont moins compétitifs, ce n’est pas aux producteurs français de l’assumer », affirme Ghislain de Viron.

Record des hausses chez les spécialistes des PGC

D’ici là seront connues les stratégies d’atterrissage d’Eurial-Agrial, Laïta et Savencia pour l’année 2023. Fin septembre, leurs intentions n’étaient pas encore connues. Les deux premiers arbitraient un compromis entre leur objectif de prix de base annuel de, respectivement, 440 € et 435 €/1 000 l et les marchés de commodités et ingrédients compliqués. Depuis, Eurial-Agrial a annoncé 420€ de prix de base en octobre en Bretagne-Pays de la Loire. De janvier à septembre 2023, le groupe coopératif est bien placé dans cette région grâce à ses 471,45 € de prix moyen dans notre observatoire, soit + 31,41 € par rapport à 2022. Laïta et Savencia (OP Ouest’Lait) sont un cran en dessous : 459,57 € et 462,53 €.

En 2024, l’enjeu est a minima de maintenir les niveaux tarifaires des PGC France obtenus cette année auprès de la grande distribution. (©  Claudius Thiriet)

Les plus performants sont les PME Alsace Lait et Milleret (+ 97,40 € et + 71,33 €), spécialisées dans les produits frais et les fromages. Elles font mieux que rattraper le retard pris l’an passé, causé par les difficultés de négociations avec les GMS. Alsace Lait affiche pour l’instant 476 € en moyenne pour janvier-septembre 2022 et 2023, Milleret, 451,73 €. Les négociations qui débutent avec les GMS seront déterminantes pour l’année 2024. « Il ne faudrait pas que les enseignes de la distribution profitent du prix allemand plus bas pour importer des produits laitiers, avertit Thierry Roquefeuil, président du syndicat majoritaire FNPL (et du Cniel). Sinon, nous envisagerons des actions syndicales. »

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