Henri Brichart « En position de force pour négocier des contrats à long terme »
La coopérative de collecte Laitnaa entend profiter de la forte demande des marchés pour sécuriser ses volumes d’excédents, et négocier des contrats à moyen et long terme prenant en compte la notion de coût de production de ses adhérents.
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Au deuxième trimestre, Laitnaa a revalorisé son prix de base à 400 €/1 000 l. Quelles sont les perspectives pour les mois à venir ?
Henri Brichart : À ce stade, je pense que l’on pourra boucler l’année autour de 390 à 400 €/1 000 l. Sachant que dans les contrats les formules de prix sont rétroactives, le prix du T3 sera connecté aux indicateurs de marché du T2. La question se pose pour le T4, où une reprise de la collecte pourrait dégrader la tendance. Cette situation est caractéristique des forces et faiblesses d’une structure de collecte comme la nôtre : nous sommes en difficulté lorsqu’il y a trop de lait sur le marché, plus encore depuis la fin de la politique de stockage de l’UE. À l’inverse, la forte demande actuelle nous place en position de force.
Depuis la perte d’un gros débouché en 2016 (75 Ml), nous avons un déficit structurel de contrat par rapport aux volumes livrés par nos producteurs. Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avions pas su réduire cette part d’excédents. Depuis le mois de décembre, nous n’avons aucune difficulté à bien la valoriser sur le marché Spot. Mais plutôt que saisir ces opportunités de court terme – même si nous pouvons répondre à des demandes ponctuelles –, nous avons fait le choix de privilégier le travail sur le long et moyen terme. Dans un contexte d’incertitude sur la ressource laitière, nous voulons ainsi profiter de cette demande pour augmenter la part de nos volumes sous contrat de longue durée, en essayant d’y introduire la prise en compte des coûts de production, dans l’esprit d’Égalim. Les retours de négociations sont encore très hétérogènes : si, dans un souci de pérenniser la ressource laitière, certains clients se montrent à l’écoute, d’autres restent accrochés aux prix pratiqués par leurs concurrents.
Vous bénéficiez des prix pratiqués en Belgique. Dans le nord de la France, on évoque aussi le débouché néerlandais ?
H.B. : Nous avons en effet identifié cette demande. Sous la pression environnementale qui pèse sur les effectifs des élevages aux Pays-Bas et dans les Flandres belges, les acteurs de ces zones souhaitent conforter leur ressource. Des coopératives flamandes nous ont contactés et des traders – c’est nouveau chez ce type d’intervenant – nous sollicitent et semblent prêts à réfléchir à des contrats sur la durée. C’est donc un contexte plutôt favorable pour Laitnaa.
Bien sûr, en tant qu’actionnaire de Solarec (3 %, soit 35 Ml), gros faiseur de beurre-poudre et mozzarella, nous bénéficions de la forte valorisation des produits industriels vers la Belgique. C’est une chance, même s’il est peu probable que cela perdure à un tel niveau. Le prix va nécessairement diminuer, mais je ne pense pas qu’il puisse retomber aussi bas que lors des crises passées. Encore une fois, ceci est lié aux interrogations sur la collecte, que ce soit chez Laitnaa ou à l’échelle des marchés européens et mondiaux, au moins pour plusieurs années.
Comment abordez-vous cet enjeu de l’avenir de la ressource laitière ?
H.B. : Comme tout le monde, Laitnaa s’interroge. Avec un prix des céréales exceptionnellement élevé, il pourrait y avoir des arbitrages en faveur des cultures, notamment dans le cadre des départs en retraite dans les Gaec parents-enfants. Nous menons une enquête auprès des adhérents pour établir une vision plus précise de leurs projets.
La question de l’avenir de la ressource passera d’abord par la prise en compte de cette notion de coût de production des éleveurs. De cet enjeu découle aussi notre stratégie d’attribution de volumes : depuis la fin des quotas – hormis en 2016 dans une conjoncture très dégradée –, le conseil d’administration a accepté tous les projets de développement des producteurs, en faisant en sorte de ne pas gonfler de façon incohérente les volumes de la coopérative. Chacun a la possibilité, en début de campagne, de s’engager sur des livraisons à la hausse, sans limite de volume. C’est aussi pour cette raison que nous avons accepté l’adhésion de groupes d’éleveurs (ex-Bel, ex-Milcobel). Cela se traduit par une stabilité de la collecte depuis 2016. Les volumes sont également stables sur les quatre premiers mois de 2022. Avec un prix des aliments qui devrait rester élevé, la collecte dépendra de la récolte fourragère.
Propos recueillis par Jérôme PezonPour accéder à l'ensembles nos offres :