Fabienne lepy « Se battre pour garder du lait dans nos zones intermédiaires »
Persuadée du rôle incontournable de l’élevage en Côte-d’Or, zone à potentiel limité frappée par le réchauffement climatique, la CLCO saisit toutes les opportunités pour construire des démarches porteuses d’une meilleure valorisation du lait.
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Construction d’une filière lait de luzerne dotée d’une marque propre, lancement d’un yaourt C’est qui le Patron ? !, étude lait de foin, GIEE, contrat de transition écologique… L’OP que vous présidez fait feu de tout bois pour pérenniser le lait sur les grands plateaux superficiels de Bourgogne. À quel point est-ce ici un enjeu majeur ?
Fabienne Lepy : La fin du colza, provoquée par les impasses techniques (altises, en particulier), a sonné le glas de nos rotations colza-blé-orge et remet en cause l’équilibre économique des systèmes grandes cultures. En témoigne l’évolution de notre Gaec, passé de 3 à 7 associés. Initialement à 50-50 % grandes cultures-lait au niveau de notre chiffre d’affaires, nous sommes désormais à plus de 60 % de lait, et il n’est plus question d’arrêter l’élevage, une perspective évoquée en 2016 quand le prix était tombé à 260 € les 1000 litres. Compte tenu de la rapidité du changement climatique (25 q/ha en orge, cette année) et des demandes sociétales, il faut avancer très vite si l’on veut maintenir une agriculture dans nos secteurs.
Quels sont les moyens que vous privilégiez pour avancer collectivement et tisser des partenariats avec les élus, les collectivités locales, le syndicat des eaux du Châtillonnais, les fromageries ou des écoles d’ingénieurs ?
F. L. : Nous avons créé le GIEE Envilait (38 exploitations) pour développer l’autonomie fourragère et protéique des exploitations en donnant plus d’importance à la luzerne dans les rotations et les rations, et en favorisant les pratiques innovantes. En ces temps climatiquement et économiquement difficiles, ne pas acheter est devenu une nécessité. Outre un niveau d’aides accru pour les équipements, le GIEE entraîne une dynamique d’échanges. Un diagnostic agronomique et fourrager a été réalisé dans chacune des exploitations adhérentes pour aider à définir le meilleur système à mettre en place. Nous avons aussi exploré notre potentiel de réduction de gaz à effet de serre (- 6 % en moyenne, - 17 % au mieux). Cette démarche, que nous avions initiée avec l’outil Écométhane Bleu-Blanc-Cœur, n’a pas encore débouché sur une plus-value mais elle nous permet d’anticiper les crédits carbone. Le contrat de transition écologique signé en 2018 nous ouvre des portes et des financements en matière de transition écologique, d’agriculture à bas niveau d’intrants et d’économie circulaire. Un poste d’animatrice a ainsi été pris en charge à 80 % sur un an. Cette démarche multipartenariale de coopération renforcée entre les acteurs du territoire nous a mis en lien avec Agrosup, la Draaf et le Grand Dijon, porteur d’un projet de marque territoriale pour approvisionner les cantines.
Dans toutes ces démarches, quels sont les réussites et les échecs ?
F. L. : Il est parfois décevant de constater que des dossiers qui nous ont été demandés se sont perdus dans les arcanes des administrations, et d’apprendre que la subvention est allée à d’autres. En revanche, travailler avec les étudiants et enseignants-chercheurs d’Agrosup Dijon est très dynamisant. Les échanges sont très intéressants, ils libèrent l’énergie des agriculteurs. Outre les travaux menés sur les méteils, les études sur les variétés et les protocoles de semis de luzerne ont permis de dresser un abécédaire propre à notre milieu et indépendant de la vente. Cinq projets d’étudiants ingénieurs ont été dédiés à la CLCO pour mener des travaux sur des sujets qui nous intéressent. Collaborer avec l’équipe de C’est qui le Patron ? ! pour les yaourts est également très porteur. La filière gérée avec Eurial valorise 35 % aujourd’hui du lait de quatre producteurs de l’OP (2,3 Ml de lait, au lieu de 6 % au démarrage). Cela peut sembler peu, mais l’accumulation de petites choses finit par payer. Ainsi, en janvier, le projet COP 21 « Construisons un projet stratégique pour une production laitière durable ancrée dans son territoire », que nous avons poussé, et financé par la Région, associe les collecteurs de nos plateaux.
Propos recueillis par Anne brehierPour accéder à l'ensembles nos offres :