Login

Philippe Sulpice « Le conventionnement est un moyen d’éviter les déserts vétérinaires »

Imaginée dans les années 1980, la suppression du paiement à l’acte au profit d’un suivi sanitaire permanent des vétérinaires suscite aujourd’hui un regain d’intérêt, tandis que la désertification vétérinaire menace certains territoires.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Comment fonctionnent les vétérinaires en contrat de convention avec des éleveurs ?

Philippe Sulpice : À la base, il y a une volonté des éleveurs de changer leur relation au vétérinaire et de bénéficier d’un suivi sanitaire complet et permanent. Dans les groupes conventionnés, le paiement à l’acte est supprimé. En dehors des urgences, la majorité des interventions vétérinaires se fait lors de tournées. En rationalisant ses déplacements, le praticien passe moins de temps sur la route et plus en élevage. Il met l’accent sur la prévention et aborde la santé du troupeau dans sa globalité. Le système repose aussi sur la formation des éleveurs. Une formation de base « éleveur infirmier de mon élevage » est obligatoire. D’autres formations, facultatives et non payantes, sont proposées sur diverses thématiques – santé des veaux, tarissement sélectif, bien-être animal…

Contrairement au contrat individuel entre un éleveur et un vétérinaire, la convention est établie entre une association d’éleveurs et un cabinet vétérinaire. Elle mutualise les coûts et les risques. L’éleveur cotise à l’association en fonction de ses effectifs animaux et bénéficie d’un service qui correspond à ses besoins. Cela couvre tous les actes courants, le suivi de reproduction, les urgences… L’éleveur doit seulement payer, en plus, les médicaments, la prophylaxie et d’éventuelles prestations complémentaires s’il choisit d’y souscrire – un suivi alimentaire plus poussé, par exemple.

Le dispositif se distingue aussi par une transparence totale des coûts. Même la rémunération des vétérinaires n’est pas taboue ! Tout est discuté entre les deux parties pour arriver à un bénéfice réciproque.

Quel est l’intérêt du conventionnement pour la profession vétérinaire ?

P. S. : C’est un moyen d’enrayer la désertification vétérinaire de certains territoires, car il permet aux vétérinaires de maintenir une activité rurale attractive et rentable. Au lieu d’être éclaté entre différents partenaires, le suivi sanitaire est concentré entre les mains du vétérinaire, qui voit son champ d’action élargi à la prévention, la formation, le suivi de reproduction, etc. Il peut donc assurer son activité avec des effectifs animaux moindres – le ratio moyen, pour un cabinet conventionné, est de 1 500 à 1 800 UIV (1) par vétérinaire. Le métier devient aussi plus attractif : accompagner l’éleveur quant à la santé de son troupeau est intellectuellement plus intéressant que de jouer au « pompier ». Et cela permet une cohérence dans le conseil donné aux éleveurs. Les vétérinaires en convention sont aussi moins sensibles aux évolutions du marché du médicament, dont la vente représente souvent plus de la moitié des recettes d’un vétérinaire classique. C’est seulement 25 % pour les vétérinaires conventionnés.

Où sont les bénéfices pour l’éleveur ?

P. S. : Globalement, ça ne coûte pas forcément moins cher mais comparativement, le service est bien plus profitable. Le vétérinaire vient plus souvent, parce que les tournées permettent d’optimiser ses déplacements et que les honoraires ne sont pas facturés à chaque visite. Dans notre réseau, la majorité des élevages reçoit 30 à 40 visites du vétérinaire par an ! Et celui-ci réalise davantage d’actes : les éleveurs ne renoncent plus aux opérations peu rentables ou risquées. Tout cela entraîne des gains indirects difficiles à chiffrer : une prise en charge plus rapide des animaux, des performances améliorées, moins de réformes, moins de pertes de veaux… Il y a aussi une dimension assurantielle grâce à la mutualisation. En cas de coup dur, on aura un suivi vétérinaire qu’on ne pourrait pas s’offrir en libéral. Et puis, l’éleveur gagne en autonomie grâce à la formation continue.

En résumé, on voit le vétérinaire comme une ressource précieuse. On l’optimise en « l’utilisant » là où il offre le plus de valeur ajoutée. Il délègue à l’éleveur ce que celui-ci peut assumer, après l’avoir formé et en assurant l’encadrement et l’assistance. C’est un vrai partenariat qui se crée entre l’éleveur et son vétérinaire. Leur relation gagne en qualité. D’autant qu’il n’y a aucun risque de conflit d’intérêts. Puisqu’il ne vit pas sur la vente de médicaments, et que les animaux en bonne santé cotisent comme les animaux malades, l’intérêt du vétérinaire converge avec celui de l’éleveur : moins il y a de pathologies cliniques, mieux c’est !

Propos recueillis par Bérengère Lafeuille

(1) Unité d’intervention vétérinaire. 1 UIV = 1 vache laitière.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement