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Ludovic Billard « Nous avons les moyens de faire de la régulation de l’offre »

Dans un contexte de demande croissante, sa place de premier ­collecteur et sa présence sur tout le territoire confèrent à Biolait un rôle incontournable dans la structuration de la filière française. Tout l’enjeu est de le conserver pour préserver son modèle.

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En 2018, la collecte de Biolait augmentera-t-elle de 40 %, comme annoncé ?

Ludovic Billard : Oui, et la croissance va se poursuivre en 2019, mais à un rythme beaucoup moins soutenu. Cette situation a créé un peu de tension au printemps, où 5 % de la collecté a été déclassée en conventionnel. Le prix 2018 sera donc légèrement en retrait par rapport aux 473 € de 2017.

En tant qu’OP commerciale, comment gérez-vous la saisonnalité ?

L.B. : Grâce à la multiplication des contrats de long terme (plus de 100) et aux négociations avec nos clients pour leur proposer des contrats saisonnalisés. Bien sûr, nous avons un prix plus incitatif pour du lait d’hiver. Malgré tout, il y a parfois un peu de déclassement au printemps. Mais la principale difficulté est de digérer une croissance des volumes par paliers très marqués. Heureusement, les deux années de conversion permettent d’anticiper, en vue de mettre en adéquation nos débouchés. C’est pourquoi, pour nous démarquer et fidéliser des clients, nous développons de nouveaux services via un cahier des charges interne. Celui-ci prévoit notamment une alimentation du bétail 100 % française ou la non-mixité des fermes. Nous travaillons à faire reconnaître la qualité de notre lait, à travers l’identification des profils en acides gras, par exemple. En revanche, Biolait est peu présent à l’export. Bien que sollicités par des opérateurs asiatiques, nous avons jusqu’ici refusé de vendre en raison du manque de garanties commerciales.

Envisagez-vous d’investir dans la transformation ?

L.B. : Non. Pour autant, nous avons la volonté de nous rapprocher du consommateur, de lui faire connaître l’origine du lait : cela passe par la communication et l’affichage du logo Biolait sur les produits transformés, comme c’est le cas dans le cadre de contrats tripartites passés avec Système U ou Biocoop.

La dispersion de votre collecte n’est-elle pas un handicap ?

L.B. : Certes, cela pénalise notre efficacité économique. Mais Biolait, c’est aussi un projet politique qui permet à chaque producteur ou transformateur, quelle que soit sa situation, de mettre en route localement une filière de produits laitiers bio. Biolait est ainsi présent dans 72 départements. Cela génère des coûts de collecte supérieurs qui sont mutualisés. C’est un choix assumé  ! Le prix payé aux producteurs découle directement de ce modèle et sert de référence : je ne prétends pas que Biolait fixe le prix du lait bio en France, mais disons que les autres opérateurs peuvent difficilement se permettre de payer moins.

À l’heure où de nombreuses laiteries développent leur propre collecte bio, pourquoi choisir d’adhérer à Biolait ?

L.B. : Pour participer à la construction d’une filière gérée par les producteurs, pour promouvoir une bio mieux-disante à même de préserver la valorisation du litre de lait bio. Aujourd’hui, avec 30 % de la collecte nationale, nous avons les moyens de faire de la régulation de l’offre pour préserver un prix rémunérateur. Les adhérents ont d’ailleurs voté la mise en place d’un dispositif interne de réduction des volumes le cas échéant. Si demain, nous ne pesons plus que 15 %, cette position sera difficile à tenir. L’idéal serait que la gestion de l’offre puisse se décider au sein de Lait Bio de France, l’association d’OP bio qui regroupe plus de 50 % de la collecte (1). Mais pas sûr que les OP verticales aient le pouvoir de la mettre en œuvre.

Le recours aux importations ne pourrait-il pas freiner cette ambition ?

L.B. : Non, car la plupart des clients sont sensibles aux notions de traçabilité et de produit local. Certains sont même demandeurs de lait bio régional. Cette tendance est la même partout en Europe où les transformateurs développent de nouvelles gammes qui tirent la consommation. Dans ce contexte, il n’y a pas de risque identifié de décrochage du prix versé aux producteurs.

Propos recueillis par Jérôme Pezon

(1) À l’exception des coopératives mixtes.

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