Recyclage Les eurodéputés français volent au secours des boîtes de camembert
Les boîtes de camembert menacées par Bruxelles ? Des eurodéputés français ont déposé mercredi des amendements pour exclure ces traditionnels emballages en bois d'un règlement sur le recyclage qui doit être voté la semaine prochaine au Parlement européen. (Article mis à jour le 15 novembre à 21h50)
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Ce texte, proposé en novembre 2022 par la Commission européenne afin de réduire les déchets, impose notamment des objectifs de recyclage pour tous les emballages à partir de 2030. Il fait l'objet d'un intense lobbying hostile des entreprises.
« Les boîtes en bois utilisées pour emballer les fromages comme le camembert ne disposent pas de filière de recyclage dédiée, car il serait trop onéreux de créer une chaîne logistique », a expliqué à l'AFP l'eurodéputée macroniste Stéphanie Yon-Courtin, originaire de Normandie. Son groupe, Renew Europe (centristes et libéraux), à la demande de la délégation française, a déposé un amendement pour réclamer que l'obligation de recyclage ne s'applique pas aux emballages en bois (boîtes de camembert, de mont-d'or, bourriches d'huîtres, barquettes de fraises...) ni aux emballages en cire (ce qui concerne par exemple le Babybel).
Ils demandent à ce que la Commission européenne fasse un rapport d'ici fin 2028 pour évaluer la disponibilité d'infrastructures de recyclage pour ces types d'emballages, ainsi que le bénéfice pour l'environnement de l'obligation de les recycler, avant éventuellement de décider de les y soumettre.
« Ça fait bondir tout le monde ! »
Le texte avait pourtant fait l'objet d'un premier feu vert de la commission Environnement du Parlement européen en octobre.
L'amendement de Renew Europe « devrait recevoir une large majorité, parce que ce n'est évidemment l'intention de personne de supprimer les emballages en bois pour les camemberts », a assuré le président de cette commission parlementaire, Pascal Canfin, membre de Renew Europe, qui dénonce « un oubli » de la Commission européenne.
Mais les inquiétudes exprimées par le groupe de fabrication d'emballages alimentaires Lacroix ont fait bouger les lignes, selon les services de l'eurodéputée belge Frédérique Ries, rapporteuse du texte.
« La difficulté dans ce cas précis des boîtes en bois, c'est le tri (...) c'est économiquement impossible aujourd'hui », explique à l'AFP Michael Matlosz, professeur de génie chimique à l'université de Lorraine à Nancy (est de la France) et qui a supervisé un rapport de l'Académie française des technologies consacré au recyclage.
« Avant d'aller demander de recycler des boîtes en bois, il y a déjà beaucoup à faire sur les emballages plastiques », argumente l'eurodéputé Jérémy Decerle (Renew Europe), ancien président du syndicat des Jeunes agriculteurs.
« Un peu de réalisme »
Le projet de règlement devrait faire l'objet d'un débat mardi et d'un vote le lendemain au Parlement européen.
« Si on a envie de caricaturer l'Europe avant les élections, on commence à embêter les producteurs de camembert et leur emballage en bois... ça fait bondir tout le monde ! », a commenté la secrétaire d'Etat française chargée de l'Europe, Laurence Boone, lors d'une rencontre avec des journalistes.
« Qu'on fasse du recyclage, il le faut, qu'on incite les entreprises à utiliser des emballages recyclables, il le faut. Après, il faut un peu de réalisme pragmatique », a-t-elle estimé.
Des amendements ont aussi été déposés par les eurodéputés français François-Xavier Bellamy et Arnaud Danjean du groupe PPE (droite) et par l'eurodéputée Catherine Griset au nom du groupe ID (extrême droite), afin d'exclure les emballages en bois du champ de la règlementation.
« Ce sujet est surtout symptomatique du problème que pose ce texte, qui introduit à nouveau des normes rigides, complexes et souvent contre-productives », a dénoncé François-Xavier Bellamy. « Nous sommes mobilisés par exemple pour empêcher l'obligation du système de la consigne sur toutes les bouteilles en plastique en Europe, qui détruirait le modèle de recyclage dans lequel la France et nos collectivités ont investi massivement depuis de nombreuses années », a-t-il ajouté.
En revanche, l'eurodéputée allemande Delara Burkhardt (groupe Socialistes et démocrates), également impliquée dans le dossier, semblait moins sensible au sort de l'emblématique fromage normand : « l'exigence pour l'emballage en bois du camembert d'être recyclable doit rester », a-t-elle déclaré à l'AFP.
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