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Audit Les boiteries s’expliquent par un manque de confort des logettes

À l'issue de l'audit d'Innoval, Cyril Montier, éleveur dans les Côtes d’Armor, a installé des matelas dans les logettes et vu le nombre de boiteries dégringoler.

Perplexe devant ses vaches boiteuses, Cyril Montier, éleveur à Penguily, a fait filmer son élevage par Innoval. Il a découvert que les animaux ne se reposaient pas assez, à cause de tapis défectueux.

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Jusqu’en 2019, le bâtiment de Cyril Montier fonctionnait bien. Il l’avait construit en 1996 pour loger ses 80 vaches normandes. « On avait installé des tapis en caoutchouc dans les logettes et les vaches s’y couchaient fréquemment », explique l’éleveur, installé à Penguily (Côtes-d’Armor).

Mais, il y a quatre ans, il a commencé à voir des jarrets abîmés sur quelques vaches et de nombreuses primipares boitaient. À la même époque, il a rencontré des difficultés pour que les jeunes s’habituent aux logettes. « Elles ont toujours une appréhension la première fois. J’ai l’habitude de les pousser un peu pour qu’elles apprennent et, pendant dix ans, elles s’adaptaient assez vite. » Ces nouveaux problèmes ne survenaient qu’en hiver. Tout rentrait dans l’ordre en saison de pâturage.

Surtout des boiteries d’origine non infectieuse

L'éleveur fait systématiquement parer toutes les vaches en début de saison de pâturage et avant la rentrée en étable. Il n’hésite pas à intervenir lui-même si nécessaire entre les deux passages. Quand les boiteries ont commencé, le pareur a observé des lésions infectieuses (dermatite digitale, limaces) mais surtout non infectieuses (abcès, décollements de sole, ouvertures de ligne blanche). L’éleveur a réagi en installant un pédiluve dans la semaine qui a suivi le parage pour lutter contre la dermatite. Pour les vaches touchées par cette infection, il a nettoyé les pieds en salle de traite et pulvérisé localement une solution antibiotique. Renouvelé sur deux traites consécutives, ce traitement a donné de bons résultats.

© GFA

Intrigué par ces épisodes de boiteries survenant alors que rien n’avait changé dans ses pratiques, Cyril en a parlé à Mathieu Mouchoux, son conseiller d’élevage de BCEL-Ouest, devenu Innoval depuis. Ce dernier lui a proposé un audit comprenant la pose de caméras dans l’étable pour filmer les animaux. Cela a été fait en décembre 2019.

Les images ont clairement montré la volonté des vaches de se coucher. Beaucoup entraient correctement et complètement dans une logette avant de repartir vers une autre. La plupart restaient longtemps debout, puis finissaient par se coucher. Le temps de couchage par vache était clairement insuffisant. Normalement, elles doivent s'allonger rapidement une fois qu'elles sont entrées dans la logette. Les boiteuses ne se relevaient que plusieurs heures après s'être enfin étendues, malgré l'inconfort. « Ces périodes de couchage trop longues expliquent les lésions observées sur les jarrets », explique Mathieu Mouchoux. Les primipares, habituées à l’aire paillée ou aux prairies où elles avaient grandi, rechignaient encore plus à s’installer dans les logettes. La vidéo montrait aussi des animaux couchés dans les couloirs.

Une caméra installée au-dessus de l’auge a montré que la ration était souvent totalement consommée vers 4 heures du matin. Elle est distribuée une fois par jour le matin, puis repoussée dans l’après-midi et en soirée. « Avec des salariés, le travail doit être très bien organisé pour que tout soit terminé à 18 h 30. Les soins aux animaux nous occupent le matin. Distribuer la ration plus tard présenterait sans doute des avantages mais nous ne voulons pas remettre en cause notre organisation. »

© INNOVAL - La vidéo réalisée en 2019 montre clairement que de nombreuses vaches restent longtemps debout dans les logettes au lieu de s'y coucher.

Les tapis de logettes ont mal vieilli

L’audit prévoit aussi la visite du bâtiment et l’observation des animaux, en présence d'un vétérinaire d'Innoval. Ainsi, il est apparu que les tapis se sont allongés d’environ 5 cm depuis leur pose. Étirés et donc moins épais, ils perdaient en confort, d’où la réticence des vaches à s’y coucher. Certaines vaches boiteuses étaient trop maigres. Mais cet amaigrissement apparaissant après les boiteries, la ration n’était pas en cause. Les observations confirment aussi un réglage correct des logettes.

Des ulcères étaient présents sur les pieds des primipares, signes d’une position debout trop prolongée. « Plusieurs fois, j’ai vu des bleimes, puis des cerises sur leurs pieds », raconte l’éleveur. Il a même réformé plusieurs primipares dont les boiteries ne guérissaient pas.

Une durée de traite trop longue les week-ends

Par ailleurs, la discussion autour des pratiques a permis de déceler un risque de boiteries accru du fait de la durée de la traite. L’élevage possède une salle de traite 2 x 4 en tandem. En semaine, la traite se fait à deux de manière assez rapide. Mais le week-end avec un seul trayeur, il arrive qu’elle dure plus de deux heures. Les dernières vaches passent donc trop de temps sur le béton de l’aire d’attente.

Le bâtiment comprend une fosse sous caillebotis. Les vaches ne posent ainsi pas souvent leurs pieds bien à plat, ce qui peut favoriser les lésions non infectieuses. Mais ce système permet de garder un sol propre et sec et donc de réduire les risques d’infection.

Préconisations et actions prioritaires

À l’issue de l’audit, des préconisations ont été formulées dont deux actions prioritaires : améliorer le confort des logettes et habituer les génisses à ce couchage quelques semaines avant le vêlage. Il a également été suggéré de faire sortir les vaches à l’herbe en hiver pour soulager les pieds et poser des tapis dans l’aire d’attente. Enfin, un protocole de maîtrise collective contre la dermatite était conseillé.

Convaincu que le manque de confort de ses tapis se trouvait à l’origine des boiteries, Cyril s’est renseigné sur les matelas. « Je voulais voir des éleveurs ayant au moins dix ans d’expérience avec ce type de produits pour être sûr de leur longévité. » Il a effectué quelques visites et a décidé d’investir dans des matelas. Ils ont été posés durant l’été 2020 pour un coût de 150 €/place.

© P.Le Cann - Le nettoyage des logettes est fait deux fois par jour, pour que les vaches retrouvent logement propre et sec à leur retour.

Les pratiques n’ont pas changé. Cyril n’a pas essayé d’habituer les génisses aux logettes avant le vêlage pour des questions d’organisation du travail. Les logettes et les aires d’exercice sont nettoyées deux fois par jour. L’éleveur utilise un Bobman équipé d’une brosse et d’une trémie pour la sciure. Il enlève les bouses présentes dans les logettes à la main d’abord. Il consacre deux fois 15 minutes par jour à ce nettoyage, pendant que les vaches sont à la traite ou au champ. Elles trouvent donc un environnement propre et sec à leur retour. L’ouverture du bâtiment sur le côté est favorisée aussi cet assainissement. Depuis que les matelas ont été posés, les vaches ont tendance à se coucher dès leur retour de la traite mais sans impact sur les mammites. « C’est un plaisir de les voir bien installées dans leurs logettes, surtout quand le soleil entre dans le bâtiment. »

© P.Le Cann - Même en hiver, les vaches sortent quand la météo est clémente, ce qui soulage les pieds.

Cependant, Cyril a augmenté l’accès aux prairies en hiver. Cela rejoint son objectif de mieux valoriser l’herbe par le pâturage. « Désormais, quand le temps est favorable, je les sors plus souvent l’après-midi. » L’exploitation bénéficie de terres portantes et de 32 ha facilement accessibles. Chaque année, 2 ha de prairie sont défaits au printemps. C’est sur ces parcelles que les vaches sortent en hiver car les éventuelles dégradations sont sans conséquence. Il y a quelques années, l’éleveur a aménagé des chemins confortables pour desservir les prairies car les normandes ont souvent des membres fragiles.

Un investissement nécessaire

« Le coût de 12 000 € pour installer des matelas correspond à la vente de huit vaches», relativise l’éleveur. C’est moins que le nombre de réformes subies à cause des boiteries ces dernières années. « Quand on investit dans un bâtiment, on a toujours un budget contraint et on fait des choix. Si c’était à refaire, je ne ferai pas d’économies sur le confort des vaches. Les retombées sont trop lourdes », analyse Cyril. Car, en plus des soucis de boiterie, il semble évident que la production laitière a été pénalisée. Cette perte reste difficile à quantifier.

Dès l’hiver suivant l’installation des matelas, l’éleveur a constaté une nette amélioration de l’état des membres des animaux. Lors de sa visite d’automne, le pareur n’a pas vu une seule cerise. Les boiteries d'origine non infectieuse ont disparu. Les primipares ont très vite pris l’habitude de se coucher dans les logettes. « Je les conduis pour leur montrer et le confort fait le reste. » Aucune réforme anticipée pour boiterie n’a été constatée depuis. La production laitière a progressé, ce qui peut être lié à l’amélioration du confort.

© P.Le Cann - Les taries et les génisses pleines passent les trois dernières semaines avant le vêlage à l’intérieur, sur une aire paillée.

Un nouvel audit, réalisé en avril 2021, confirme les observations de l’éleveur. On ne voit plus de vaches hésitant à se coucher dans les logettes ou restant trop longtemps dans la même position. Elles circulent bien dans l’ensemble du bâtiment.

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