« Les vaches ne venaient pas au bac à eau, trop loin »
Arrêt sur image. Drikus Van Herwijnen, éleveur dans le Finistère, maîtrise parfaitement le pâturage avec un troupeau de 110 vaches. L’observation de ses animaux par une caméra a néanmoins contribué à apporter quelques ajustements.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Mieke et Drikus Van Herwijnen ont quitté les Pays-Bas, leur pays natal, à cause du durcissement de la réglementation environnementale. « Nous n’avions pas assez de surface pour notre troupeau. Nous voulions sortir de ces contraintes, trouver une ferme suffisamment grande pour construire un système autonome », raconte Drikus. C’est à Saint-Thégonnec, dans le nord du Finistère, qu’ils ont trouvé leur bonheur.
Ils se sont installés en 2000 sur 90 ha, dont 80 groupés autour des bâtiments. Le climat offre aux prairies toute la douceur et l’humidité dont elles ont besoin. Un vrai paradis pour ces professionnels de l’herbe et du pâturage. Les 110 vaches holsteins y pâturent de mars à mi-décembre. « Les terres portent bien, on ne connaît pas la sécheresse en été », assure l’éleveur.
Drikus a découpé les surfaces les plus éloignées en paddocks pour deux jours (1,5 ha). Le troupeau reste à proximité des bâtiments la nuit. D’avril à septembre, elles ne reçoivent pas du tout de concentrés et pâturent nuit et jour. Mais elles ont toujours un peu d’ensilage de maïs. « Je trouve que les bouses ont un meilleur aspect et cela me permet de distribuer les minéraux », explique Drikus.
Une caméra placée en hauteur de la parcelle
Toutes les parcelles disposent d’un bac à eau de 1 000 l. Les éleveurs ont aussi aménagé des chemins pour desservir les pâtures. Drikus nettoie les prairies avec un girobroyeur après chaque passage des vaches pour favoriser la repousse. Les rendements atteignent 9-10 t de MS en herbe et 16 en maïs.
Ce n’est donc pas par hasard que BCEL Ouest a choisi cet élevage pour organiser une journée technique sur le thème de l’herbe avec un groupe d’éleveurs. La conduite des prairies y est très précise. « Nous avons voulu filmer ce troupeau au pâturage pour décortiquer le comportement des animaux », explique Émilie Rohou, conseillère de ce Gaec. La caméra a été placée un peu en hauteur, au-dessus de la parcelle. Elle a filmé pendant vingt-quatre heures en continu. L’observation des images est riche d’enseignements pour l’ensemble des éleveurs faisant pâturer leur troupeau.
Les constats
Le pâturage de courte durée est extrêmement efficace
« On voit que les vaches pâturent activement dès leur arrivée au champ », constate Stéphane Saillé, responsable marketing et innovation à BCEL Ouest (voir page précédente). L’activité intense remarquée dès que le troupeau entre dans la prairie traduit une consommation d’herbe très élevée durant les deux premières heures. Les Irlandais ont bien étudié ce phénomène. Ils ont montré qu’en limitant le temps de présence au pâturage, on accélère le rythme de consommation d’environ 35 %. En deux heures, les vaches peuvent consommer 70 à 80 % de ce qu’elles ingèrent en une journée (infographie ci-contre).
En pratique, cela signifie que le pâturage de courte durée peut être très efficace. C’est ce que les Irlandais appellent le on/off grazing». « Il faut y penser lorsque la portance des sols est limitée, par exemple », souligne Stéphane Saillé. En effet, lorsqu’une prairie est abîmée par du pâturage en conditions humides, la perte de rendement peut s’élever à 20 %. De même, lorsqu’il fait trop chaud, il peut être préférable de rentrer les vaches l’après-midi. Elles auront le temps de consommer l’essentiel de leur ration d’herbe le matin. Cet enseignement intéressera aussi les éleveurs équipés de robot de traite qui veulent valoriser l’herbe tout en gardant un temps de présence important en bâtiment. Par ailleurs, l’observation de la vidéo montre que les vaches sont perpétuellement en mouvement durant ces deux premières heures. Elles se déplacent partout dans la parcelle. Le pâturage, c’est aussi du sport !
Au champ, les vaches se reposent aussi
La phase active de pâturage semble être fatigante. Les premières vaches se couchent au bout de deux heures et très vite, on constate que tout le troupeau est au repos. Et il se regroupe dans un endroit précis. Quand les vaches passent la journée en pâture, il est donc important qu’elles disposent d’un endroit abrité dans tous les paddocks pour cette période essentielle de récupération.
L’accès à l’eau est primordial
Drikus a installé des bacs à eau le plus souvent en bout de parcelle. Certaines ont une longueur de 500 m. On voit sur la vidéo que les vaches ne se déplacent pas toutes pour aller boire. D’ailleurs, quand il apporte une tonne à eau, les vaches viennent boire. Elles retournent manger ensuite. « On dirait que les vaches ont la flemme d’aller au bout du champ pour boire. Je ne le pensais pas avant d’avoir vu la vidéo », explique Drikus. Il suppose aussi que le débit d’eau dans les bacs les plus éloignés n’est pas toujours suffisant. Or, pour faire du lait, les vaches doivent impérativement boire suffisamment. Désormais, l’éleveur n’hésite plus à mettre la tonne à eau dans certaines parcelles en complément, surtout quand il fait chaud.
« Ce serait plus facile d’avoir des bacs proches dans des paddocks carrés, mais je n’y ai pas pensé quand je les ai faits. Et je vois mal comment je pourrais les découper autrement. »
Pour le moment, le troupeau n’a pas été filmé au champ pendant la nuit. Les vidéos réalisées en bâtiment montrent que les vaches sont actives la nuit aussi. Il serait intéressant de connaître leur comportement au pâturage.
Pascale Le CannPour accéder à l'ensembles nos offres :