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Jean-Michel Javelle : « Le lait bio restera un pilier de l’activité de Sodiaal »

Jean-Michel Javelle a succédé à Damien Lacombe à la présidence de Sodiaal en juin 2024. Il est éleveur en Gaec avec à trois associés dans la Loire. Il n’existe pas de liens familiaux entre eux. Située en moyenne montagne, l’exploitation produit du lait, de la viande bovine et de la volaille, et emploie une salariée non issue du monde agricole.

La consommation des produits bio reprend et le président de Sodiaal affirme sa confiance en l’avenir de ce secteur. Il joue sur plusieurs tableaux pour le soutenir, mais la relance des conversions n’est pas encore à l’ordre du jour. Interview de Jean-Michel Javelle, président de Sodiaal.

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Comment évolue la collecte de lait bio chez Sodiaal ?

Jean-Michel Javelle : En 2024, le lait bio représente 4,7 % de notre collecte, soit 193 Ml produits par 665 exploitations sur lesquelles vivent un millier d’éleveurs. La coopérative est engagée sur ce marché depuis vingt-cinq ans et a ramassé jusqu’à 220 Ml en 2020. Depuis, les conversions ont été suspendues, sauf pour les jeunes installés sur notre zone de collecte en bio, que nous avons toujours voulu soutenir. Elle se trouve surtout dans la moitié sud de la France et dans l’Ouest. La hausse importante du prix conventionnel s’est traduite par une baisse du différentiel avec le prix bio. Certains éleveurs se sont déconvertis. Notre taux de déclassement s’élevait à 20 % en 2024. Il peut encore s’améliorer, mais ne sera jamais nul en raison d’une saisonnalité marquée de la production. Le volume actuel de 193 Ml correspond pour nous à un niveau d’équilibre, mais nous avons des perspectives de marché supérieures.

Que pensez-vous de la reprise actuelle de la consommation en produits laitiers bio ?

J.-M. J. : L’inflation a eu un effet redoutable sur ce marché. Nous avons touché le fond et nous constatons que la consommation repart. Le mouvement est encore modeste mais je suis confiant. Je souhaite le faire savoir à nos producteurs et aux autres parties prenantes. Une partie des consommateurs est attachée au bio et ce mode de production est inspirant pour les autres éleveurs. Nos commerciaux se battent pour cette filière. J’aimerais que les mouvements de déconversion cessent, ce qui suppose une confiance dans l’avenir et aussi un différentiel de prix plus élevé avec le conventionnel.

Comment agissez-vous pour soutenir cette filière ?

J.-M. J. : Le premier axe concerne le prix, car les coûts de production augmentent aussi en bio. De janvier à mai, notre prix bio est en hausse de 20 €/1 000 l par rapport à la même période l’an dernier. Nous serons à + 30 € en avril et + 35 € en mai, des mois où la production est élevée. Sur l’année, la hausse s’élèvera au moins à 10 € par rapport à 2024. Il s’agit d’un prix d’acompte puisqu’à la suite de l’assemblée générale, en juin, une partie du résultat est redistribuée. Or nous sommes sur une bonne trajectoire.

Le second axe vise à diversifier nos fabrications et notre partenariat avec Arla Foods, annoncé en septembre dernier, y contribue largement. Nous reprenons leurs fabrications de poudres de lait infantile, y compris en bio, dans notre usine de Montauban (Tarn-et-Garonne). Actuellement, le métier Nutrition Ingrédients Sodiaal absorbe 30 Ml et il va se développer. L’essentiel de la production est exporté. Il s’agit donc d’un débouché important qui présente en outre l’avantage de lisser les fabrications grâce à une durée de conservation assez longue. Enfin, nous cherchons aussi à nous développer sur nos marchés traditionnels en France. La RHD (restauration hors domicile) n’atteint pas les objectifs fixés par égalim : elle achète en moyenne 8,8 % de produits bio, loin des 20 % qui lui sont imposés. Nous intervenons auprès des décideurs pour que cela bouge. Nous allons également amplifier les actions en magasins pour soutenir les ventes, notamment du beurre bio CQLP (C’est qui le patron?!).

N’y a-t-il pas un risque de manquer de lait bio du fait de l’arrêt des conversions ?

J.-M. J. : C’est une question que nous nous posons. Aujourd’hui, nous continuons à soutenir les installations en bio dans notre zone de collecte. Nous avons repris quelques éleveurs de Biolait pour 3Ml, le plus souvent pour notre marché conventionnel. Certains ont conservé leur agrément bio. S’ils se trouvent à proximité de nos usines, ils pourraient rejoindre notre collecte bio. Ce peut être un moyen de compenser les déconversions. Dans un premier temps, nous voulons rassurer les éleveurs sur notre volonté de maintenir notre collecte bio au niveau actuel. Il est trop tôt pour relancer les conversions. Il faut d’abord que la reprise de la consommation se confirme et que l’accord conclu avec Arla tienne toutes ses promesses. Par ailleurs, la géopolitique génère aujourd’hui énormément d’incertitudes pour les industriels, comme pour les citoyens. Cette instabilité nous pousse à nous montrer combatifs tout en gardant notre cap. La mission première de Sodiaal est de nourrir nos concitoyens, donc de défendre notre souveraineté alimentaire. Cela implique de redonner ses lettres de noblesse au métier de producteur de lait, en bio et en conventionnel. Sinon, le risque de perdre une partie des élevages est réel à moyen terme.

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