Le silo en poche souple, une alternative au béton intéressante
Peu répandu, l’ensilage en poche souple intéresse les éleveurs qui ne veulent pas investir dans un silo en dur ou qui ont de petits volumes à récolter. Même si le prix de mise en œuvre est plus élevé que celui d’un silo en béton avec des murs, à l’usage, cette solution présente d’autres avantages.
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Après un violent orage durant l’été 2017, Bertrand Busson, éleveur à Pleugriffet, dans le Morbihan, constate que le mur d’un de ses deux silos s’est effondré. Les dégâts sur la plateforme sont importants et la remise en état du site est estimée à au moins 50 000 €. L’exploitant s’interroge alors sur l’intérêt de reconstruire le silo. « À l’époque, j’avais entendu parler d’une solution de stockage du maïs en poches souples proposée par une entreprise de travaux agricoles du département. Je l’ai contactée et, pour répondre à mes questions sur la fiabilité de ce stockage en boudin, les gérants m’ont proposé de visiter des chantiers déjà réalisés. Le témoignage des éleveurs rencontrés m’a convaincu et je me suis dit que cela pourrait convenir au moins pour la première année. »
Débit d’une ensileuse de dix rangs
Le prestataire est l’ETA David & Yvon, basée à Plaudren. L’entreprise s’est équipée depuis plusieurs années d’une boudineuse de marque Budissa Bagger. Il s’agit du modèle RT 8000 Profi. Cette machine mobile possède une grande table de réception avec tapis roulant pour que les remorques déchargent l’ensilage.
Le fourrage converge ensuite vers un démêleur et un rotor qui compacte la matière à l’intérieur de la poche souple. Cette bâche en plastique forme un tube fermé emmagasiné sur un dévidoir à l’arrière de la machine. Elle se déploie au fur et à mesure du remplissage. L’ensemble est porté sur quatre roues qui pivotent à angle droit pour passer en mode transport sur route. La machine est attelée derrière un tracteur Fastrac 4220 de JCB, dont la puissance de 220 ch est nécessaire pour emmener le matériel. Cette boudineuse est également pourvue d’une plateforme en hauteur où vient se placer l’opérateur pour gérer tout le fonctionnement.
L’installation du chantier nécessite environ vingt minutes pour mettre en place le matériel, ainsi que la poche et les différents éléments. Les bâches neuves sont conditionnées dans un carton d’emballage relativement compact. L’opérateur vient l’installer sur le dévidoir grâce à un palan hydraulique. Pour commencer un nouveau tas, il utilise un support en forme de but de foot qui maintient l’ensilage dans les premiers mètres du tube au début du remplissage. Ce support est ancré au sol et relié à la boudineuse par deux grands câbles en acier enroulé sur des treuils.
« La machine remplit la poche et c’est la pression de l’ensilage qui fait avancer l’ensemble en le poussant vers l’avant, explique Alexandre Le Berrigaud, chauffeur de l’ETA. Le fourrage est compacté dans la poche, ce qui oblige l’air à ressortir. Depuis le poste de conduite, je gère la pression en ajustant le freinage de la boudineuse. Je me fie à un manomètre placé au tableau de bord. Il n’y a personne dans la cabine du tracteur. Je le laisse au point mort en plaçant les roues droites et il est poussé lentement par la boudineuse. Depuis mon poste de travail en hauteur, je guide aussi les chauffeurs des bennes pour qu’ils reculent au bon endroit et qu’ils lèvent progressivement leur remorque. La machine possède un bon débit mais il ne faut pas envoyer trop de fourrage d’un coup au niveau du démêleur. Comme pour tout chantier d’ensilage, c’est la confection du tas qui donne le tempo. Avec cette boudineuse, nous pouvons suivre une ensileuse de dix rangs. »
À l’extrémité de départ, l’opérateur replie les premiers mètres de bâche à plusieurs reprises sur elle-même pour assurer l’étanchéité.
Un tube long de 80 mètres
Chaque tube mesure jusqu’à 80 m de longueur. Il est tout à fait possible de réaliser des tas plus courts et d’arrêter le stockage en coupant le film et en refermant le silo. Le reste de la poche peut ensuite servir pour un nouveau tas. En revanche, l’opérateur ne peut pas fusionner deux poches ensemble pour confectionner un seul boudin plus long.
Une fois formé, chaque silo mesure environ 3,20 m de largeur sur une hauteur de 2,30 m. Bertrand Busson en place généralement trois en parallèle sur la plateforme bétonnée de son ancien silo, ainsi qu’un ou deux autres sur une prairie adjacente. Le passage du tracteur et des roues de la boudineuse impose de laisser environ 1,50 m de distance entre chaque poche. Il est possible d’installer ce type de silo souple sur des terrains peu pentus ou en léger dévers, à condition que le sol soit régulier et porteur.
L’objectif de travailler sur un sol plan est d’éviter la création de plis ou de poches d’air au remplissage. Sur une prairie, la reprise peut présenter les mêmes inconvénients qu’avec un silo taupinière si le terrain est humide. C’est pourquoi certains exploitants se placent sur des terrains empierrés et stabilisés. « Je ne stocke que du maïs ainsi, précise l’éleveur breton. Pour l’herbe, j’utilise un autre silo en béton classique. Une fois, j’ai fait l’ensilage de printemps avec cette méthode, mais la conservation n’avait pas été excellente. À l’époque, l’entreprise qui assurait la récolte utilisait une autochargeuse et les brins n’étaient pas coupés assez court. Si bien que le tassage dans la poche n’était pas suffisant pour évacuer correctement l’air. Mais je sais que d’autres éleveurs proches de chez moi le font chaque année avec de l’herbe hachée plus finement à l’ensileuse et cela leur convient parfaitement. »
Une très bonne conservation
À la fin de chaque boudin, le tas se termine en pente douce. Le chauffeur de l’ETA coupe le plastique et le replie pour fermer la poche.
Cette extrémité est ensuite couverte avec du sable, des sacs de lestage ou des pneus pour assurer l’étanchéité à l’air. Ce mode de stockage possède plusieurs avantages puisqu’il n’est pas nécessaire de prévoir de tracteur ou de télescopique pour le tassage. Pas besoin non plus de couvrir le silo une fois le chantier de récolte terminé. L’ensemble est tellement bien hermétique qu’il faut placer au moins une valve spécifique dans la bâche afin de laisser s’échapper les gaz de fermentation. Il s’agit d’un petit tube muni d’un clapet anti-retour, à piquer au travers du plastique. L’agriculteur la referme généralement au bout de deux ou trois semaines quand la fermentation est terminée. Cette valve est réutilisable d’une année sur l’autre.
L’éleveur estime que la qualité de conservation est très bonne. Si la bâche est bien étirée et qu’elle n’a pas été percée, il n’a jamais constaté de perte à la fin. Pour la reprise, il coupe le plastique sur les deux côtés du boudin avec un cutter à environ 50 cm du sol, puis il rabat le morceau du dessus sur le haut du tas. Quelques lests sont nécessaires pour le stabiliser et éviter que le vent ne referme le silo. En chargeant avec le godet de son télescopique, Bertrand Busson emporte parfois des morceaux de la bâche du dessous avec l’ensilage, mais ce n’est pas un problème. Tout part dans le bol mélangeur et le film plastique se retrouve ensuite sur la table d’alimentation. Il suffit de le ramasser pour le placer dans des sacs repris par la collecte d’Adivalor.
L’exploitant travaille ainsi depuis sept campagnes, car, sans certitude sur le maintien de l’atelier lait sur son exploitation à l’avenir, il a renoncé à l’idée de reconstruire son silo béton. Il apprécie la technique, jugée plus sûre en matière de qualité par rapport à un silo taupinière, moins hermétique. Cela lui permet aussi d’utiliser sa plateforme bétonnée. La facturation du chantier se fait au mètre linéaire (ml) de silo. Le tarif actuel varie entre 35 et 40 €/ml et en fonction des cours du plastique et du GNR. Il comprend le matériel et la main-d’œuvre, mais n’inclut pas la prestation de l’ensileuse et des remorques fournies par une autre ETA du secteur.
Un coût de 25 € par tonne de MS stockée
Chez Bertrand Busson, la confection de ces silos souples est facturée entre 5 000 et 6 000 € par an pour 15 à 17 ha de maïs récolté, soit un prix de revient de l’ordre de 25 € par tonne de matière sèche stockée. « C’est un montant important, mais, quand la machine s’en va, je n’ai pratiquement rien à faire en plus, reconnaît-il. Comparée à un silo traditionnel, la tâche est moins pénible, car je n’ai pas la contrainte de le couvrir et de le lester. Je déroule tout de même un filet contre les oiseaux sur chaque poche, car ils pourraient s’attaquer à la bâche. Il est aussi conseillé de placer des appâts anti-rongeurs dans des tubes, mais je ne le fais pas car je suis rarement ennuyé. C’est sans doute parce que j’ai un chien qui chasse efficacement les rats et les mulots ! La qualité du fourrage est bien conservée, sans perte de matière, et la reprise est très simple. Sur du plus long terme, investir dans un silo en dur serait sans doute plus rentable, mais pour un jeune qui s’installe ou lors d’un agrandissement, ce type de stockage peut être une bonne solution à envisager. »
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