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Les appellations d’origine laitières à l’assaut de nouveaux enjeux

C’est à Millau, à quelques mètres du marché historique, que s’est tenue l’assemblée générale du Cnaol, avec de nombreux éleveurs, fromagers et crémiers ainsi que des représentants de l'lnstitut national de l'origine et de la qualité (Inao) et du ministère de l'Agriculture.

Pour les 100 ans du concept d’AOP, le Cnaol est revenu sur les enjeux d’avenir des appellations d’origines (AOP et IGP). Évolution des modes de consommation, lait cru, renouvellement des générations, le combat n’est pas fini.

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Lors de l’assemblée générale du Conseil national des appellations d’origine laitières (Cnaol), à Millau (Aveyron), le 26 septembre, Romain le Texier, directeur études au pôle prospective du Cniel a lancé une question choc : « Comment rendre visible une AOP quand elle devient un ingrédient ? » En effet, le contexte économique n’est pas très favorable pour les AOP, comme le rappelle Hubert Dubien, président du Cnaol. Les ventes baissent pour bon nombre d’entre elles car les AOP laitières restent un produit considéré comme haut de gamme par les Français, dont le pouvoir d’achat s’est réduit avec l’inflation. Les modes de consommation des fromages changent avec un plat principal qui prend plus de place dans le repas et la fin des plateaux de fromages, des entrées ou des desserts. Le fromage est consommé sous forme d’ingrédients, comme l’emmental râpé, et mangé chaud. « Vous n’avez rien raté [dans votre développement, NDLR] mais la concurrence, le contexte a changé », explique Romain Le Texier face à la question désemparée d’un membre de la salle. Il dénonce trop de labels avec des consommateurs perdus. « Les consommateurs donnent de la crédibilité au Nustri-Score car il est visible partout », continue-t-il, avant d’évoquer des Planet-Score et des Origine-Score, voire bientôt un bien-être animal score. « On va vous demander des comptes », lance-t-il.

« S’il ne faut en retenir qu’un, ce serait celui-là ! » s’est exclamé Romain le Texier, directeur études au pôle prospective du Cniel, au sujet du graphique présentant l’évolution depuis 2012 des ventes en volume par catégories laitières. Les fromages et la crème sont plébiscités par les consommateurs, mais leur mode de consommation évolue. (© E. Durand)

Regagner la confiance des consommateurs

François Casabianca, ingénieur agronome retraité de l’Inrae et ancien membre du Cnaol, confirme que les Français ont des problèmes de santé et de surpoids. « Il faut aider à la consommation et ne pas rester dans le déni. Certains de nos produits AOP sont gras », relève-t-il. L’autre inquiétude de Romain Le Texier réside dans le manque de confiance des jeunes consommateurs (25-34 ans) dans les AOP. Seuls 71 % ont confiance dans le logo AOP, contre 80 % pour la population générale. « Ce sont les consommateurs de demain », rappelle-t-il. « Le prix reste un des premiers critères d’achat et ils sont de plus en plus méfiants à l’égard des labels, même du bio. » François Casabianca se veut rassurant et cite Claude Lévi-Strauss : « Un aliment n’est pas que bon à manger, il doit être bon à penser ». Aussi les AOP ont-elles encore des histoires à raconter au consommateur. Il s’agit de trouver comment.

Hubert Dubien a rappelé en parallèle les enjeux autour du lait cru et la nécessité, là encore, de communiquer sur ses bénéfices. « Il nous faut un soutien politique de la part du gouvernement. […] Le risque zéro n’existe pas et n’existera jamais. C’est à l’État de le dire », déclare-t-il, à la suite de l’envoi d’un courrier au ministère de l’Agriculture pour bâtir un plan de sauvegarde du lait cru. Le courrier sera bien sûr renvoyé au prochain ministre. « Il faut revoir la gestion des crises sanitaires », continue-t-il en faisant écho à la crise vécue dans la filière morbier en début d’année.

François Casabianca, ingénieur agronome retraité de l’Inrae et ancien membre du Cnaol, a présenté sa vision de la typicité des AOP laitières avec six mots-clefs (fermier, affinage, bio, clientèle, estive, fidélité), après six autres mots-clefs caractérisant le terroir (race, herbe, paysage, microbes, aire, système). (© E. Durand)

« En lait cru, le risque zéro n’existe pas »

Près de 76 % des volumes de fromages AOP sont issus du lait cru et 28 fromages sur 46 sont exclusivement fabriqués avec (7 200 producteurs et 355 laiteries). Pour Dominique Chambon, membre du bureau du Cnaol, « beaucoup de tensions existent du fait de la pression sanitaire. De nouveaux germes émergent. Certains virus passent dans le lait (grippe aviaire, encéphalite à tique…). Cela pose la question de la responsabilité et du maintien de nos filières. Sans le lait cru, nos fromages perdent leur raison d’être ». À noter également dans les enjeux de demain, la question du renouvellement des générations. Jérôme Faramond, président de l’association des producteurs de lait de brebis de l’aire roquefort, également présent à l’Inao, aura le mot de la fin : « Nous avons notre responsabilité en élevage. Il faut dire que nous vivons de notre travail et que nous sommes heureux. Il faut arrêter de parler du verre à moitié vide et des difficultés. On a trop l’habitude de dire que c’est de la faute des autres. Et puis, si le verre est à moitié vide, versez-le dans un plus petit et cela ira mieux ! »

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