« Les réformes du cahier des charges du comté nous mettraient en difficulté »
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
La révision du cahier des charges de l’AOC comté évoquée par Claude Vermot-Desroches, président du CIGC, dans votre numéro d’avril prend des tournures inquiétantes. En effet, parmi les points débattus, ceux concernant le pâturage et la pratique de l’affouragement en vert aboutissent à des mesures injustes, inconscientes et incohérentes. Pour l’instant, le cahier des charges interdit le zéro pâturage, le pâturage devant représenter au minimum 50 % de la ration journalière en fourrage grossier. L’affouragement en vert peut être pratiqué en complément, mais limité à un repas par jour consommé dans les quatre heures.
C’est dans le respect de ces règles que notre exploitation, comme beaucoup ces dernières années, s’est développée. Tout d’abord, par mon installation avec mes parents en 2013, puis celle de mon frère en 2014 avec la reprise d’une exploitation dans une commune voisine. Nous conduisons aujourd’hui, à quatre associés, 90 montbéliardes et leur suite sur 149 ha. Nous venons d’investir dans une stabulation à logettes et avons construit des chemins pour desservir nos 25 ha pâturables. Nos vaches pâturent de fin mars à mi-novembre sur un pâturage tournant abondant, que nous complétons par de l’herbe (récoltée à l’autochargeuse), apportée à la crèche à partir de fin avril et pendant 180 jours. Cette herbe de qualité provient de prairies temporaires multi-espèces (ray-grass, fétuque, fléole, trèfle violet et trèfle blanc) que nous avons implantées.
Rien n’est encore arrêté, mais il semblerait que la réouverture du cahier des charges aboutisse à :
– interdire l’affouragement en vert (herbe et maïs) avant juin et le limiter à une durée maximale d’environ 75 jours ;
– obliger de disposer de 50 ares accessibles par vache dans un rayon de 1,5 km autour de l’exploitation.
La première de ces mesures aurait sur notre exploitation, et de nombreuses autres, des conséquences catastrophiques. En effet, nous serions contraints durant plusieurs mois de remplacer l’apport d’herbe fraîche par du foin, en revenant à une ration 50 % herbe pâturée et 50 % foin. Bref, traire du lait d’hiver en pleine saison de pâturage ! Le foin étant plus coûteux à produire et de moins bonne qualité nutritive, notre production par vache baisserait, ce qui nous obligerait à augmenter la taille du troupeau (soit une baisse de la surface pâturable par vache !) La seconde mesure reste ambiguë puisque nous disposons bien, dans un rayon de 1,5 km, de surfaces suffisantes mais seuls 25 ha sont accessibles par un troupeau de 90 vaches. Serions-nous alors exclus de la filière comté ?
Certains nous proposent de partir traire aux champs dans une loge plutôt que d’aller à l’herbe. Mais pour 90 vaches, une salle de traite 2 x 8 au minimum serait nécessaire. Entre le terrassement, la maçonnerie, l’eau, l’électricité, une fosse pour récupérer les eaux usées et la distribution du concentré en salle de traite…, il faudrait investir des centaines de milliers d’euros pour y traire trois mois dans l’année. Impensable, alors que nous venons de nous endetter pour construire un bâtiment ! Quant à croire que toutes les exploitations pourraient, pour se conformer à ces règles, échanger des terrains ou se remembrer, c’est une pure utopie.
Ce qui est présenté comme un simple « recadrage » est en réalité une radicalisation profonde et injuste qui aura des effets néfastes sur la qualité du comté, en remplaçant l’apport d’herbe fraîche par du foin. Se priver de la seule technique de récolte qui préserve 100 % des qualités nutritives de l’herbe est une erreur stratégique considérable pour une filière qui mise sur la qualité ! Surtout quand les effets du réchauffement climatique se font de plus en plus sentir.
J’invite tous ceux visés par ces réformes à se faire entendre auprès de leurs représentants syndicaux ou du CIGC, pour que ces projets soient annulés.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :