Au Salon de l'agriculture Le défilé des politiques au chevet d'un électorat en crise
Paris, 6 mars 2016 (AFP) - Ils sont tous venus... membres du gouvernement, élus locaux et candidats aux primaires de l'opposition se sont pressés cette semaine dans les allées du Salon de l'agriculture, à la rencontre d'un électorat en crise et qui s'éparpille. C'est que « les paysans pèsent environ 8 % du corps électoral », note François Purseigle, sociologue du monde agricole. « Plus assez pour faire gagner (un candidat), mais assez pour le faire perdre. » Après l'inauguration houleuse du salon par François Hollande, cueilli par des noms d'oiseaux et des bousculades, les autres personnalités ont été relativement ménagées comme si le premier jour de colère avait épuisé les protagonistes, des éleveurs pour la plupart en proie à de graves difficultés.
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Deux jours plus tard, le Premier ministre Manuel Valls n'a eu droit qu'à deux brèves banderilles et encore, comme pour le principe. En habitué des broncas paysannes, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, présent quotidiennement sur le salon entre rencontres protocolaires et remises de médailles, a encaissé avec philosophie les apostrophes, escortant en outre ses collègues en visite : ministre de l'Économie, secrétaire d'État au Commerce extérieur, à la Consommation...
Mais pas Ségolène Royal : la ministre de l'Environnement qui avait effectué une visite prolongée l'an dernier a renoncé à se montrer. Après avoir initialement annoncé qu'elle rendrait visite aux producteurs de Poitou-Charentes, elle s'est ravisée. Ses services, interrogés, ont fait valoir qu'elle était « déjà intervenue sur les questions d'agriculture et d'environnement récemment ». Dans les rangs de l'opposition, tous les candidats aux primaires à droite se sont pressés entre les vaches, cochons et producteurs. Applaudis et congratulés parfois, comme Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé, poliment salués comme François Fillon, ignorés ou confondus comme Nadine Morano, ou Jean-François Copé - un exposant lui a offert un verre de lait en lui souhaitant « courage dans (son) ministère »...
Le vote paysan n'est plus acquis à la droite
Quant au plus assidu, l'ancien ministre du secteur Bruno Le Maire, il a passé trois jours complets - exposition canine comprise - et joué la carte du bon élève en préférant les rendez-vous avec les filières à la cohue virile. Le vote paysan reste largement profitable à la droite républicaine avec 44 % des voix pour Nicolas Sarkozy au premier tour de la présidentielle en 2012 (source Ifop). « Mais il ne lui est plus acquis comme du temps du général de Gaulle ou de Chirac », prévient François Purseigle. À l'appui, il cite les dernières régionales en décembre : les diverses droites et le centre (Modem) n'ont rallié qu'un quart des agriculteurs (25,4 %).
Le glissement entretemps s'est révélé profitable au Front national, qui a recueilli 31,5 % des suffrages. Au baromètre de la bousculade de caméras et de micro, Marine Le Pen a pratiquement égalé les deux chefs de l'exécutif et suscité beaucoup de curiosité parmi les exposants, mais ses propos sur le Commissaire européen à l'agriculture Phil Hogan, dont elle a affirmé « vouloir la peau », ont déplu. Les représentants professionnels les ont d'ailleurs désavoués le lendemain auprès de Phil Hogan, en visite lui aussi sur le salon. La patronne du Front national est aussi la seule à ne pas s'être présentée au stand de la FNSEA, premier syndicat agricole, a indiqué à l'AFP son président Xavier Beulin.
La FNSEA avait adressé un questionnaire détaillé aux politiques avant le salon, les prévenant contre un défilé façon « concours de beauté » : les réponses seront divulguées en milieu de semaine prochaine, a promis Xavier Beulin. Il semble qu'en fin de semaine, une seule personnalité ait vraiment joué le jeu, Nathalie Koziuscko-Morizet, ex-ministre de l'Environnement et ex-numéro 2 du parti Les Républicains, qui a affiché ses réponses sur son site. Le patron de la FNSEA s'est cependant félicité d'« une vraie prise de conscience » des politiques sur la crise agricole et estimé qu'ils avaient « travaillé » les dossiers. L'enjeu le valait sans doute : « les agriculteurs votent de plus en plus comme les autres citoyens et ne s'interdisent plus rien », reprend François Purseigle qui parle d'une « banalisation du vote agricole ».
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