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Détourner les jeunes diplômés de la canine pour lutter contre les déserts vétérinaires

La France compte 21 494 vétérinaires inscrits à l’ordre, une progression de 16 % depuis 2016, et l’âge moyen est stable, à 42,9 ans.

La problématique des déserts vétérinaires est une réalité qui tend à s’amplifier dans certains territoires. Pourtant, les statistiques de la démographie vétérinaire publiées par l’ordre font état d’une hausse régulière du nombre de diplômés.

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La France compte 21 494 vétérinaires inscrits à l’ordre, une progression de 16 % depuis 2016, et l’âge moyen est stable, à 42,9 ans. Mais, au sein d’une profession largement féminisée (60 %), la majorité d’entre eux a une activité tournée vers les animaux de compagnie : « 75 % des vétérinaires déclarent une activité canine prédominante, souligne Matthieu Mourou, conseiller national de l’ordre. Or, lorsque le chiffre d’affaires de la rurale passe sous les 20 %, les cabinets se posent souvent la question de son maintien. » Selon ces statistiques, 6 400 vétérinaires déclarent une compétence en rurale. En 2023, le solde est négatif puisque l’on dénombre 108 arrêts d’activité en animaux de rente, pour 27 diplômés.

La rentabilité au cœur du problème

Pour Emmanuel Beneteau, praticien en Ille-et-Vilaine, membre du Syndicat national des vétérinaires salariés d’entreprise, ces résultats déclaratifs sous-estiment la réalité : « Si l’on recoupe les données des laboratoires pharmaceutiques, les praticiens avec une activité rurale prédominante seraient plus proches de 3 000. Le chiffre d’affaires croissant de la canine (+ 10 % par an) absorbe les jeunes diplômés vers une activité moins exigeante en matière de charge mentale et d’investissements. » Il ne suffit donc pas de former plus de vétérinaires. Les situations sont diverses mais, dans tous les cas, l’attractivité des territoires et la rentabilité de l’activité face à une baisse de la densité des élevages sont au cœur du problème. Adoptée en décembre 2020, la loi DDADUE (loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne) autorise les collectivités à délivrer des aides financières aux vétérinaires et aux étudiants. 27 territoires se sont portés candidats (Dordogne, Nièvre, Yonne, Cantal…). Des diagnostics et plans d’action ont pu être proposés, en collaboration avec les chambres d’agriculture : aides au logement des stagiaires vétérinaires, mutualisation et prise en charge des gardes, télémédecine ou déploiement de la contractualisation éleveurs-véto. Les diagnostics se multiplient (Gers, Oise, Centre-Bretagne) et une cellule de surveillance vient d’être créée.

Au-delà des expérimentations, Emmanuel Beneteau pointe la question du modèle économique, à l’heure où la prophylaxie rémunère trop peu pour maintenir la rurale. « Face à la désertification, des pays ont su évoluer pour permettre la délégation de certaines tâches à des techniciens, autoriser des éleveurs ou des organisations agricoles à investir dans une société vétérinaire où le praticien serait salarié. » Cette dernière proposition reste interdite en France. Un paradoxe, alors que l’on évoque le rachat de cliniques par des fonds de pension, avec un risque de position dominante.

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